Sara Forestier
Sara Forestier. Elle trouve que son nom est passe-partout, alors elle emprunte celui de Bahia BenMahmoud pour Le nom des gens. Rencontre avec une actrice nature et généreuse.



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 (c) Ecran Noir 96 - 24



La première crainte fut qu'il ait un accent australien incompréhensible. Lost in translation. Mais finalement non. Weir nous fait davantage penser à un cinéaste britannique bien élevé. S'amusant à déjouer les esprits préconçus en ne réalisant jamais le même film, il semble serein et heureux avec son dernier cadeau surprise. Il y avait de quoi, son film venait d'arriver en tête du Box Office et semble un favori pour les nominations aux Oscars. Peter Weir aime se pencher sur le comportement humain dès que celui-ci est isolé en vase clos. Ici l'Océan lui sert de piège pour observer la nature humaine. Cela contraste fortement avec le luxe de l'endroit où nous lui posons ces quelques questions...
Ecran Noir: Selon nous, et ça n'engage que nous évidemment, votre film, Master & Commander, est l'un des divertissements hollywoodiens les plus brillants et les moins abrutissants de ces dernières années.




Peter Weir: Merci beaucoup.

EN: C'est nous qui vous remercions. Etait-ce votre vision d'origine de rendre ce film si intense, si puissant et surtout si intelligent? Bref le contraire de la plupart des blockbusters actuels...
PW: Le point de départ fut la série de livres. Une vingtaine de romans que j'aime vraiment beaucoup. Ce qu'ils m'ont procurés, j'ai tenté de le restituer. Une essence à résumer en deux heures et quelques. C'était difficile. Par conséquent, j'ai préféré juste mettre sur papier ce que j'aimais dans ces livres. Un long pari. Mais j'ai réussi à extraire deux degrés de lecture, comme des abstractions : les guerres d'un côté et la relation entre les hommes de cette communauté, environ 200 les uns sur les autres. Le tout se déroulant au milieu de ce vaste océan.

EN: Mais cela va plus loin : votre film est quasiment pédagogique, il a une portée éducative. C'est un manuel d'histoire sur les sciences naturelles et sur la connaissance maritime. De montrer tous ces détails était-ce un objectif en soi?
PW: Je pense que vous ne voyez pas ça au départ, dans le processus de création. Mais, j'avais du temps pour tout vous dire. Pour apprendre. Pour me documenter. J'ai fait 6 mois de recherches. Le script a mis une année à s'écrire. Et autant de temps pour préparer la production et tourner le film. Donc, tous les jours, j'avais besoin de revenir en arrière dans le passé et me demander comment ces gens faisaient à l'époque. Même avec les effets spéciaux et ceux qui maîtrisaient les CGI, il me fallait établir un lien entre la période historique et mon film. Il fallait que ce soit cohérent. Et pour revenir au script, la première version, par exemple, était bien trop respectueuse des romans. Finalement nous avons changé l'intrigue, nous lui avons insufflé plus de liberté. Nous préférions nous concentrer sur les personnages, admirablement bien écrits dans les livres. L'attention qu'il porte aux détails permet de rendre tout cela crédible. mais l'intrigue en soi, n'était pas essentielle. Ce qu'Aubrey poursuit, ce qu'il chasse, ce qu'il fait, n'a pas d'importance. Cela m'a donc donné de l'espace pour montrer les détails et nous faire revivre cette époque. Cela rend le film lui-même plus authentique. De toute façon c'était tentant...

EN: Vous avez travaillé avec trois studios (Universal, Miramax, Fox, ndlr). Est-ce que cela a représenté une grosse pression? Pourquoi finalement avez-vous eu besoin de trois multinationales pour ce film?
PW: L'argent. La Fox ne voulait pas financer le film en solo. Quand le budget a été fait, cela représentait un coût astronomique. Il a donc été décidé de diviser le financement pour limiter les risques. Et parce que Universal et Miramax travaillent souvent ensemble, que Russell Crowe a un contrat sur Cinderella Man avec ces deux studios et qu'ils l'ont autorisés à faire mon film en premier, le montage financier a été assez naturel.
Maintenant, la pression. Ils ont accepté le script et le budget. Il n'y eut donc pas d'enjeu sur ces deux points. Mais il y a la post-production. Là ils deviennent plus présents. Ils demandent que des scènes soient tournées ou coupées. Ils veulent une fin plus claire, plus morale ou que Russell Crowe soit plus héroïque. Si vous ne réussissez pas votre mission face aux studios, vous êtes cassés. Comme pour le Capitaine, tout dépend de cette mission. Ils voulaient qu'on voit sa femme, son foyer, qu'il y ait plus d'explications, que l'on voit plus de choses. Moi je ne voulais pas qu'on touche terre, je voulais d'entrée être sur l'océan. J'ai réagit très vivement à cette proposition. Mais sinon c'est affaire de confiance, et je pense que je les ai convaincus.

EN: Beaucoup de films actuels montrent la science et la technologie comme des menaces potentielles pour l'humanité ; finalement pour vous, elle est plutôt source de progrès, à l'origine même de la victoire.
PW: Oui c'est vrai. Et je ne m'en suis pas rendu compte lorsque nous écrivions le script. Un peu comme quand Jack Aubrey dit au Docteur Maturin qu'il n'imaginait pas que la science de la nature pouvait lui donner une idée de stratégie militaire.

EN: vous vous sentez plus proche du personnage de Paul Bettany?
PW: Aujourd'hui peut-être. Mais je pense que le petit garçon en moi est plus proche de Jack (Russell Crowe). C'est un homme un peu plus primitif et plus rude, prêt à affronter la bataille. Mais c'est sûr que le Docteur Maturin, avec son amour pour l'environnement, ses idées humanistes, un caractère plus sensible, représente davantage l'homme moderne.

EN: On retrouve souvent dans vos films cet amour pour la Nature, cette idée de protection de l'environnement pour ne pas dire une forme de cinéma écologique. Celui-ci ne fait pas exception.
PW: Je ne réfléchis pas comme ça, même si c'est indéniable. Maintenant, je n'ai pas vraiment peur. Je ne souhaite pas avoir un discours alarmiste sur l'écologie. Mais en tant qu'Australien, je suis peut-être plus conscient de ce qu'est la Nature, avec ces vastes paysages. On l'a souvent détruite aussi. Ce pays incite à consommer de l'essence à cause de ses distances mais sa culture veut qu'on préserve l'environnement... Vous savez cette connexion à la nature ou le fait de filmer des communautés, ça n'est pas mon moteur pour faire du cinéma. On m'en fait la remarque assez souvent. Principalement, les journalistes...

Propos recueillis par PETSSSsss & Vincy - Novembre 2003


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