Sara Forestier
Sara Forestier. Elle trouve que son nom est passe-partout, alors elle emprunte celui de Bahia BenMahmoud pour Le nom des gens. Rencontre avec une actrice nature et généreuse.



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 (c) Ecran Noir 96 - 24



Dans le décor à l’anglaise du salon d’un hôtel de la célèbre Place des Vosges à Paris. Décontracté, en tenue sportswear et un « bob » vissé sur la tête, le jeune Presley Chweneyagae à l’allure d’un homme-enfant. Le regard timide et fuyant, il esquisse d’une voix chaude et hésitante un « Nice to meet you ». Sous son air d’adolescent réservé, il est le héros de Mon nom est Tsotsi, une œuvre oscarisée comme meilleur film étranger cette année, dans lequel il joue le plus dur des « bad boy », dans un township de Soweto. Rencontre en toute intimité avec ce gentil méchant Sud-Africain.


EN: Si c’était votre enfant qu’il avait kidnappé, lui auriez-vous pardonné?
PC: Je ne pense pas que je lui aurais pardonné mais… Je crois que j’aurais réagit comme tout le monde à savoir, si un membre de notre famille se fait tuer, on a tendance à dire « si je vois celui qui a fait ça, je le tue ». Mais je préfère regarder des deux côtés de la barrière parce que les gens ne choisissent pas toujours ce qu’ils sont. La vie ne leur donne pas toujours ce qu’ils devraient être. Donc, je ne sais pas si je lui aurais pardonné mais je suis sûr que j’aurais trouvé le courage dans mon cœur. Peut-être que je lui pardonnerais davantage en recherchant d’où il vient et en cherchant à l’aider. Et même en prison, lui donner l’inspiration pour devenir meilleur.

EN: Il est question de rédemption dans ce film, comment l’interprétez-vous?
PC: Effectivement, la rédemption est un des thèmes forts de ce film. En ce qui concerne Tsotsi, il est capital pour lui de changer. Si on grandit avec les mauvaises personnes, on risque de mal finir, et c’est ce qui lui arrive. Mais une dimension psychologique supplémentaire surgit lorsqu’il est avec ce bébé qu’il a kidnappé malgré lui : il repense à ses parents, et on lui découvre le visage de quelqu’un qui recherche une figure parentale à qui s’accrocher, qu’il va découvrir en la jeune femme qu’il oblige à nourrir ce bébé. Ceux sont eux qui l’aident dans son introspection et à se poser les bonnes questions, du genre « Qui suis-je ? Qu’est ce que je veux dans la vie ? ». Sa vie n’est pas qu’une épreuve de survie mais plutôt une interrogation : « Comment devenir une personne meilleure ? ». C’est pour ça que je pense que la rédemption est essentielle.
De plus, en tant qu’acteur, je suis un outil visant à faire vibrer les gens et si j’arrive à me faire détester puis me faire aimer à nouveau par les spectateurs, j’ai tout gagné. Ça veut aussi dire que je suis capable de jouer des choses diverses et qu’on ne me collera pas l’étiquette d’un meurtrier de sang-froid éternellement.

EN: Comment s’est fait la transition entre le théâtre et le cinéma, étant donné que vous êtes comédien avant d’être acteur?
PC: Grâce aux indications de Gavin et à l’inspiration du jeu que j’ai pu trouver en moi. Je n’ai pas pensé tant que ça à la construction du personnage. Je ne me suis pas répété que Tsotsi devait absolument changer. J’ai juste suivi le chemin du scénario en me laissant guider par mon personnage. C’est plus de l’instinct qu’autre chose.

EN: Etiez-vous nerveux de devoir passer devant la caméra?
PC: [rires] Quand je travaille, je ne pense à rien d’autre, sauf à mon personnage. Au reste, on y pense après et quand je me regarde [il fait la grimace] on se dit « et merde, je me suis planté ». Le cinéma et le théâtre, c’est vraiment deux façons de travailler différentes. Au théâtre, ce que j’aime c’est l’interaction avec le public. Ça rend nerveux avant le lever de rideau parce qu’on sait que le moindre geste qu’on fait est épié par les gens, qui savent quand vous vous plantez. Mais ça fait partie du spectacle, et quand ça se passe bien, c’est génial. Alors qu’au cinéma, on attend souvent entre deux scènes, il faut toujours rester dans l’émotion de son personnage même si on nous demande de la refaire des dizaines de fois sous des angles différents. Le plus difficile, c’est de reprendre son rôle après avoir rit entre deux prises. Surtout que Gavin fait très souvent des gros plans… C’est pour cela que je dois rester authentique pour être convaincant.
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