Sara Forestier
Sara Forestier. Elle trouve que son nom est passe-partout, alors elle emprunte celui de Bahia BenMahmoud pour Le nom des gens. Rencontre avec une actrice nature et généreuse.



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 (c) Ecran Noir 96 - 24





On avait pris l’habitude de le voir en séducteur charmeur dans des comédies à la française. Et puis Jonathan Zaccaï s’est distingué du lot des jeunes premiers un peu interchangeables en faisant des choix ambitieux, voire troublants. On l’a vu en mort-vivant surprenant dans Les revenants de Robin Campillo, puis en escroc antipathique dans De battre mon cœur s’est arrêté et en chômeur inquiétant dans La chambre des morts. Mais c’est évidemment avec Elève libre de son compatriote Joachim Lafosse qu’il crève l’écran. En adulte ambigu et manipulateur qui prend sous son aile un adolescent un peu paumé, il est magistral. Pourtant, la comédie lui manquait. Le voilà donc de retour dans un registre plus léger, mais pas forcément dénué de fond. Simon Konianski de Micha Wald est une tragi-comédie par moments assez grinçante sur une famille juive étouffée par l’héritage de la Shoah, où son personnage (un trentenaire désabusé) tient des propos volontairement outrés sur l’état d’Israël…
Ecran Noir : Lorsque vous avez accepté de jouer dans Simon Konianski, avez-vous envisagé qu’il puisse être mal pris, ou mal compris ?





Jonathan Zaccaï : Non, bizarrement non. Dans un cas comme ça on se dit : "quand même, ce n’est qu’un film !" Il ne faut pas faire du mot à mot et croire que Micha Wald [le réalisateur] pense tout ce qu’il nous fait dire ! Et puis ce qu’il faut savoir, c’est que parfois, on laissait l’acteur qui interprète mon oncle [Abraham Leber] partir complètement en impro. Et lui faisait exprès de rajouter des trucs odieux pour que j’ai vraiment envie de le virer ! Donc, non, ce n’est pas un pamphlet pour ou contre ceci ou cela. C’est plutôt la vision d’une famille spécifique confrontée à des questions graves. Mon personnage n’est pas du tout antisioniste, il est juste pour la paix.

EN : Qu’est-ce qui vous a séduit, vous, dans ce scénario ?

JZ : Il y a longtemps que j’avais envie de faire une comédie, même si le film n’est pas que ça. Il y a des scènes un peu plus dures, mais le personnage, lui, est clairement un personnage de comédie. Au début, j’ai eu des réticences car ma famille est proche des personnages du film. A l’idée de partir en voiture avec mon oncle et ma tante, je me suis dit : "oh non, pitié, pas ça !"

EN : Vous vous êtes sentis particulièrement concernés par les thèmes abordés dans le film, comme la transmission et la mémoire des camps ?

JZ : Ma famille m’a parlé de la guerre car ils ont vécu cette époque. Mais chez nous, ce n’est pas quelque chose qui pèse comme dans le film, avec le grand-père qui raconte son expérience des camps à son petit-fils de six ans ! Pour moi, il y avait plus un besoin d’entendre que de la réticence. Là, le film traite avec humour de ces choses graves et pesantes. C’est sûr que si vous avez un disque rayé sur les camps de concentration à la maison, vous finirez par en avoir vraiment marre ! C’est important que les familles en parlent, mais il faut trouver la bonne mesure.

EN : Comment avez-vous abordé le scénario de Simon Konianski, mi-comique, mi-tragique ?

JZ : J’essaye de rester fidèle à la sincérité de la situation. Bien sûr, parfois, Micha [Wald] me disait de faire des grimaces et des conneries. Et puis le tournage avec les deux acteurs âgés s’est avéré assez épique. Avec eux, il n’était pas possible de faire une seule scène en continu. Comme Abraham Leber entend mal, on lui accrochait une corde à la cheville pour qu’il sache quand parler. On a aussi essayé avec une lumière rouge qui s’allumait au bon moment. Bien sûr, parfois il ne la voyait pas, ou commençait trop vite…Donc la plupart des dialogues qui ont lieu dans la voiture sont filmés avec moi en gros plan et Micha qui me donne la réplique…

EN : Vous avez expérimenté une version archaïque de l’acteur seul devant un fond vert qui fait semblant de parler à un robot…

JZ : (en riant)C’est exactement ça ! Faire un film, c’est souvent un grand moment de solitude, mais là, c’était carrément le jeu qui était un exercice de solitude ! C’était génial, hein, mais après 7 ou 8 semaines… vous savez, comme ces bons souvenirs que l’on n’a pas du tout envie de revivre !

EN : Comment s’est passé le tournage dans un véritable camp d’extermination, celui de Majdanek ?

JZ : C’était particulier, mais je ne voulais pas m’épancher. J’ai essayé de couper l’affect et l’émotionnel pour laisser place au seul travail. Malgré tout, c’était fort comme image, émouvant. Difficile à définir.

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