Sara Forestier
Sara Forestier. Elle trouve que son nom est passe-partout, alors elle emprunte celui de Bahia BenMahmoud pour Le nom des gens. Rencontre avec une actrice nature et généreuse.



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 (c) Ecran Noir 96 - 24



Suzanne, film sélectionné dans la compétition des 32ème Rencontres Henri Langlois, raconte l'histoire d'une femme, employée dans une usine de moutarde à Namur, qui rencontre lors d'une journée l'évasion et le désir par l'intermédiaire de SMS qu'elle reçoit sur son téléphone portable. Réalisé dans le cadre d'un Atelier de réalisation avec le soutien de Benoît Mariage (réalisateur des Convoyeurs attendent et de Cowboy), le film touche par son extrême sensibilité et grâce à son actrice principale, Lara Persain. Le réalisateur, Julien Monfajon est venu défendre son film avant d'enchaîner avec le festival Premiers plans à Angers dans un mois.
Ecran noir: Ton personnage, Suzanne, travaille dans une usine, elle porte des vêtements chauds, une charlotte... Est-ce que l'aventure qu'elle vit est une façon de lui rendre sa féminité ?





Julien Monfajon: Oui, c'est vrai que c'était un des éléments clefs qu'on avait envie avec Baptiste d'apporter (Baptiste Janon, le co-réalisateur). Comment cette aventure avortée va quand même provoquer un basculement dans sa vie et la faire se sentir femme... avec la séquence où elle se change notamment. On a essayé toujours de traquer des traces de féminité dans cet univers assez froid et mécanique... des positions de mains, des gestes. C'est vraiment quelque chose auquel on était à l'affût en repérages et sur le tournage.

EN: C'était un des objectifs principal du film ?

JM: Oui, au-delà de cette potentielle histoire d'amour, c'était comment Suzanne se retrouve elle-même. C'était quelque chose d'assez capital donc je suis content que tu l'ais remarqué (rire).

EN: L'atmosphère du film fait beaucoup penser à celle des frères Dardennes, est-ce que tu assumes cette "filiation", cette comparaison ?

JM: C'est assez flatteur mais en même temps... je ne suis pas belge mais on fait des films en Belgique. C'était un film d'Atelier de réalisation avec un réalisateur belge, Benoît Mariage, qui est dans une veine assez "sociale". On avait une contrainte, c'était de filmer à Namur dans un quartier ouvrier assez pauvre. Et une contrainte aussi par rapport au style, un style assez "naturaliste". Un style de cinéma assez simple qui colle vraiment à une réalité. (Julien s'arrête, l'attaché de presse vient de renverser de l'eau partout ce qui provoque quelques rires...) C'était un atelier avec 12 personnes et on a tous assez vite cherché des sujets qui collaient au quartier. Après y a cette usine qui est arrivée donc on est forcément un peu inspiré par ce que font les frères Dardennes. Mais après on a essayé de partir de cette histoire d'amour, de quelque chose de très social, avec une approche un peu documentaire, pour toucher quelque chose de sensible avec un univers assez marqué, de chercher quelque chose de romantique. C'est deux genres qu'on a essayé de mélanger sans vouloir faire une comédie romantique.

EN: Comment expliques-tu qu'il y ait très peu de paroles dans le film ?

JM: C'est quelqu'un qui travaille dans une usine et qui reçoit des messages SMS. C'est vrai qu'elle pourrait échanger avec les autres mais c'est plus lié à sa personnalité. Ce n'est pas quelqu'un d'enfermé ou qui est à part, on a toujours essayé de la mettre parmi les gens, mais c'est juste aujourd'hui, c'est juste un jour particulier, elle est dans sa bulle en recevant ses messages. Même au niveau du traitement du son, on a filtré. Essayer de trouver une frontière entre une discussion et un fond sonore. On a pris des sons seuls. La parole est beaucoup plus utilisée comme fond sonore ou comme ambiance. C'est un comme un film muet où les sms sont des inter-titres avec différentes valeurs de plans. Je suis assez marqué par les films muets depuis tout jeune donc c'est quelque chose avec lequel je me sens à l'aise.

EN: L'objet sur lequel est basé ton film, c'est le portable. Et il y a un double-sens car d'une part, il offre à Suzanne une échappatoire à son quotidien mais d'autre part il permet l'anonymat et donc une forme de mensonge...

JM: Je suis assez fasciné par le pouvoir d'un message. A un moment, j'ai reçu un message d'une personne. Je ne savais pas qui c'était mais j'en ai pas dormi pendant deux jours, de ne pas savoir. Il y a aussi une ambivalence entre cet univers d'usine très très bruyant et qu'une touche de chaleur vienne d'un téléphone portable. C'était vraiment essayer d'être entre des univers et détourner des choses qui paraissent froides en des choses qui peuvent être très chaleureuses. Ces femmes qui travaillent dans ces usines ont des gestes très mécaniques avec les mains mais elles sont un peu coupées en deux car elles peuvent parler, rigoler en même temps.

EN: Quelques mots sur l'actrice, Lara Persain ?

JM: C'était une évidence. C'est une comédienne de théâtre qui n'avait jamais fait de cinéma. Et, d'habitude je fais passer quelques castings, je fais jouer un peu mais là on a discuté et juste de voir comment elle était, ça me paraissait tellement évident. On a beaucoup de choses en commun, et elle a une manière de scénario, de voir des choses dedans que personne n'avait vu encore.


   benjamin