Sara Forestier
Sara Forestier. Elle trouve que son nom est passe-partout, alors elle emprunte celui de Bahia BenMahmoud pour Le nom des gens. Rencontre avec une actrice nature et généreuse.



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Scénariste et réalisateur, à l'aise avec le grand comme le petit écran, Alain Berliner est un habitué du Festival des scénaristes de Bourges, où il a notamment été "parrain" lors du marathon du scénario.

Cette année, pour la 14e édition de la manifestation, il revenait avec des responsabilités accrues : présider le jury de la création, composé d'étudiants.

EN : En parlant de cette évolution, vous qui avez travaillé pour le petit et grand écran, ne pensez-vous pas que la télévision est en train de devenir un nouveau genre de cinéma ?

AB : Je ne pense pas, car les sujets qui intéressent la télévision ne sont pas ceux qui intéressent le cinéma. Il y a des différences assez fondamentales dans ce que font les personnes qui programment des projets à la télé et le contenu d’un long métrage. Et donc, si on peut voir des similitudes dans la forme et dans la fabrication, en termes de contenu, c’est quand même très différent. Et le principe de la série c’est qu’on ne peut pas trop creuser les personnages car on est plutôt sur une récurrence de situations. On doit pouvoir diffuser des épisodes dans un ordre différent et ne pas être perdu dans l’histoire. Donc on ne peut pas faire évoluer un personnage. Or au cinéma, ce qu’on vous demande c’est de raconter l’histoire d’un personnage. Certes dans certaines séries ils font évoluer un personnage, par exemple Dexter, mais ce sur plusieurs saisons. Au sein d’une même saison, l’arc narratif demeure le même. Je pense donc que le cinéma et la télévision restent encore bien différents.

Mais ce qui a beaucoup changé aussi, c’est que le succès des séries américaines et la façon dont elles sont propulsées de manière planétaire ont fait que les producteurs de séries créent des marques et des identités visuelles. Quand vous regardez Lost, vous voyez juste le lettrage et vous êtes donc dans Lost. Avant, les génériques, l’image et la pub des séries n’étaient pas, à ce point, travaillés. Aujourd’hui pendant les interruptions de saison on fait des micro épisodes qu’on lâche sur le web pour entretenir le suspense jusqu’à la saison suivante. Toutes ces choses-là font que les séries, tout comme les longs métrages, sont devenus des marques (ce qu’on appelle des franchises) : Batman, Spiderman, etc. Sur ce fait, c’est plutôt le long métrage qui a pris ça à la série télé.

EN : Pour en revenir au festival, que représente pour vous cette rencontre autour du scénario au long court ?

AB : On dit que les réalisateurs sont les hommes de l’ombre, mais alors les scénaristes… ils sont eux dans l’ombre du réalisateur (rires). C’est bien qu’il y ait un festival qui leur permet d’exister. Je pense qu’il est toujours très intéressant dans le cadre d’une profession, au-delà du plaisir que l’on a de se rencontrer, de pouvoir avoir des lieux et des évènements pour échanger sa pratique. On est quand même dans une configuration où l’on discute beaucoup de l’aspect technique de la chose : quelles sont les difficultés auxquelles nous sommes confrontés dans un scénario ? Même si il faut avoir un minimum de bagages pour comprendre tout ça. On n’est pas dans n’importe quel festival de cinéma où un profane peut venir regarder. Ce n’est pas un spectacle « passif ».

EN : Qu’est ce qui fait selon vous un bon scénario ?

AB : Pour moi, un bon scénario c’est avant tout un personnage qu’on retient. Je pense que quand on a le personnage, on appelle tous notre histoire en tant qu’être humain. C’est la même chose avec les personnages de fiction. Une fois qu’on l’a créé, qu’on a trouvé sa faille, son problème dans l’existence, automatiquement ça appelle une histoire. Et j’ai plutôt tendance à me souvenir des personnages que des histoires. L’histoire et le contexte ne sont qu’un prétexte à ce qui va se passer, et je pense qu’un film est avant tout un moment très important dans la vie d’un personnage, dans la mesure où l’on comprend ce qu’il veut ou ce qu’il est vraiment dans cette existence.

EN : Vous qui avez pu voir ce passage du scénario au film, bon scénario rime-t-il alors avec bon film ?

AB : Eh non ! Mystérieusement, je ne sais pas pourquoi. On peut lire un bon scénario et comme tout acte de littérature, la lecture amène des images. Mais il va amener des images différentes selon les individus. Une fois que le film est terminé, on a une image. On la prend ou on ne le prend pas. Mais on ne peut plus l’imaginer, car elle est là désormais. De ce côté-là il m’est déjà arrivé de ne rien comprendre à la lecture d’un scénario et une fois devant le film, de me dire : « mais comment je n’ai pas pu comprendre ça ? ». Ou de voir des scénarios et de me dire : « Non, il ne faut surtout pas faire ça ! Ce n’est pas possible, ça ne marchera jamais. C’est un changement de genre », de voir le film et de ne même pas me poser la question du changement de genre tellement ça glissait l’un dans l’autre. C’est quelque chose de très impalpable, mystérieux et qui ressort quand même de l’alchimie parce que sinon tous les scripts qui seraient financés deviendraient des champions du box-office. Or, statistiquement, il y en a qui ne le deviennent jamais. Au moment où l’on transmute le papier en pellicule ou en fichier numérique, tout dépend de l’alchimie.

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