Sara Forestier
Sara Forestier. Elle trouve que son nom est passe-partout, alors elle emprunte celui de Bahia BenMahmoud pour Le nom des gens. Rencontre avec une actrice nature et généreuse.



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Réalisateur de clips et de courts métrages, Pablo Berger s’est fait remarquer en 2004 avec son premier long métrage, Torremolinos 73, qui lui valut plusieurs prix au festival de Malaga, fut nommé dans quatre catégories par l’académie des Goyas et devint un énorme succès public en Espagne.

Huit ans plus tard, il récidive avec Blancanieves, ovni muet et en noir et blanc qui se réapproprie l’histoire de Blanche Neige. Sélectionné en compétition officielle au festival de San Sebastian, le film est revenu auréolé d’un prix d’interprétation pour la géniale actrice Maribel Verdu, d’un prix spécial du jury, et surtout accompagné d’un bouche-à-oreilles enthousiaste plus que mérité.

Bien sûr, on pense a priori à The artist, et Pablo Berger est d’ailleurs habitué à ce que l’on compare les deux films. Un handicap pour le cinéaste qui s’est battu pendant huit ans pour faire exister son projet ? Pas vraiment. Comme il le note lui-même, son Blancanieves situé dans le milieu de la corrida de l’Espagne des années 20 est conçu comme un hommage très actuel au cinéma muet européen de l’époque, ce qui le distingue de celui du film de Michel Hazanavicius, clairement inspiré du cinéma muet hollywoodien. Mais ce dont Pablo Berger parle le mieux, ce n’est pas de son "rival" un peu artificiel, mais bien de son film et de toute l’énergie qui l’a rendu possible. Rencontre avec un cinéaste tenace, passionné et visionnaire.

EN : Comment obtenir ce jeu si spécifique de vos acteurs ?

PB : Trouver le ton adéquat était vraiment important. Je voulais que le film est une interprétation stylisée mais sans pantomime ou surjeu comme on en voit habituellement dans le cinéma muet. Avec les acteurs qui jouent les méchants, et qui sont tous de grands acteurs espagnols, j’ai évoqué de grands classiques, pas forcément muets. Comme Qu’est-il arrivé à Baby Jane ? de Robert Aldrich, avec Bette Davis et Joan Crawford. Mais avec les personnages positifs, on est allé plutôt vers les émotions vraies. On travaillait avec une enfant de neuf ans, quand même. On voulait que le spectateur ait de l’empathie pour le personnage de Blanche Neige. Ce n’est pas possible de créer de l’empathie avec un jeu surjoué. Peut-être sur un petit moment, mais pas sur la durée.

EN : Une autre dimension primordiale de votre film, c’est la musique…

PB : C’était un choix important car la musique est un protagoniste du film. Je voulais un musicien avec une personnalité unique. Et Alfonso de Vilallonga l’a manifestement. On a monté le film sans son, sans musique de référence. J’avais des choses en tête mais je voulais surtout que le musicien arrive vierge. Une fois le montage terminé, on a passé quatre mois à travailler sur la composition. Il m’a envoyé son travail minute par minute, je lui donnais des indications, des corrections. J’ai aussi travaillé avec ma femme qui connaît la musique et joue du piano. On voulait surtout une bande sonore qui ait des hauts et des bas, très colorée, éclectique. Comme le café au lait : que les images soient mélangées à la musique.

EN : Plus on regarde votre film, et plus on y trouve ce que l’on aurait aimé voir dans un autre film avec lequel tout le monde va comparer le vôtre, à savoir The artist de Michel Hazanavicius. Blancanieves est un film bien dans son époque, alors que The artist est dans la nostalgie pure…

PB : Je ne voulais surtout pas faire un film nostalgique, ou qui ait l’air d’avoir été trouvé dans une cinémathèque et de resurgir du passé. Pour moi, c’était un clin d’œil au passé mais pour un public d’aujourd’hui. En même temps, je reste convaincu que c’est dans les années 20 qu’on a découvert tout le cinéma. C’est là que s’est faite la différence intrinsèque du cinéma, c’est-à-dire raconter des histoires en images. Les films faits par Abel Gance, par exemple, avec des découpages très rapides, ou Carl Dreyer avec Jeanne d’Arc… Je voulais prendre le relais, mais avec toute ma modestie, car ce sont de grands maîtres et moi je débute. Je voulais prendre le témoin et continuer dans leur lignée. Mais ces deux films, The artist et Blancanieves vont désormais être forcément unis, ce sont des films-frères. Toutefois, The artist est, parmi d’autres choses, plutôt un hommage au cinéma muet américain tandis que Blancanieves est, toujours parmi d’autres choses, plutôt un hommage au cinéma muet européen.

EN : La bonne nouvelle, c’est qu’il semble toujours y avoir aujourd’hui un public pour un film muet… ce qui n’était pas gagné d’avance lorsque vous avez lancé le projet !

PB : J’en suis très heureux. Et j’espère qu’après Blancanieves, il y aura un autre film muet qui sortira. The artist a été un succès, Blancanieves commence à connaître un certain succès… Mais en même temps, aussi bien pour The artist que pour mon film, ça a quand même été un voyage très, très long à financer. C’est en 2005 que j’ai présenté le scénario en disant "c’est un film muet, en noir et blanc". Les producteurs se moquaient de moi en douce. Ils pensaient que j’étais devenu fou. Car non seulement c’était un film muet et en noir et blanc, mais en plus c’était un film cher. Mais j’étais convaincu du fond de mon cœur que cette puissance que j’avais ressentie lors de ma première projection de film muet, puissance des images, de l’histoire, de la musique, c’était quelque chose qu’on devait pouvoir partager aujourd’hui. Je voulais donner à un public plus large cette émotion que j’avais ressentie. Mais Blancanieves n’est que mon deuxième film et il représente huit ans de ma vie… C’est beaucoup…

EN : Comment avez-vous finalement financé le film ?

PB : Il faut préciser que c’est un film franco-hispanique. Le producteur Jérôme Vidal [Noodles production] s’est intéressé à ce projet et sans lui, ç’aurait été impossible. Il s’est battu pour qu’on puisse avancer. On a pu être aidé avec l’avance sur recettes pour l’écriture du scénario. On a également reçu des subventions d’Eurimages, de la Berlinale… Au final, c’est une vraie coproduction européenne. Mais beaucoup de monde s’est battu pour le film, pour le rendre possible.


   MpM

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