Sara Forestier
Sara Forestier. Elle trouve que son nom est passe-partout, alors elle emprunte celui de Bahia BenMahmoud pour Le nom des gens. Rencontre avec une actrice nature et généreuse.



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A moins de trente ans, Anthony Chen est devenu en mai dernier le nouveau réalisateur asiatique à suivre. Il est en effet le premier Singapourien à recevoir la prestigieuse Caméra d’or pour son long métrage Ilo Ilo. Déjà remarqué pour ses courts métrages (dont Ah Ma, mention spéciale à Cannes en 2007 et Haze, sélectionné à Berlin en 2008), le jeune cinéaste a séduit le jury emmené par Agnès Varda avec une chronique familiale sensible sur fond de crise financière, directement inspirée de son expérience personnelle.


EN : Oui, c’est ce qui est intéressant dans le film. A travers les différents personnages, vous présentez différentes formes d’espoir (la spiritualité, l’émigration, la chance…) et rien ne fonctionne. Mais à la fin, la naissance du bébé est comme une manière de revenir à ce qui est vraiment important.

AC : Exactement ! Je pense que c’est si facile pour nous d’oublier ce qui compte vraiment. On est toujours occupé par nos vies, par la nécessité de trouver de l’argent, par tant de choses, que l’on oublie ce qui est le plus essentiel.

EN : Vous teniez à montrer ces différentes formes d’espoir déçus comme un échantillon de ce qui existe ?

AC : Non, je crois que ce n’est pas intentionnel. C’était plus un moyen de dépeindre les personnages. En général, j’écris beaucoup sur les personnages, sur ce qu’ils veulent, qui ils sont. Et à la fin, c’est comme si je reliais les points. C’est un procédé presque organique. J’écris sur un personnage, il lui arrive ci, il fait ça, et je regarde ce qui lui arrive. Comment il est à la fin. Ce qu’il a appris. Je pars toujours d’un élément indéfinissable, une émotion, et au fur et à mesure que j’écris, je comprends peu à peu de quoi il s’agit.

EN : Forcément, la crise de 1997 évoquée dans le film fait penser à la crise économique actuelle. Est-ce que c’est aussi une manière pour vous de montrer que les choses ne changent pas ?

AC : Non, ce n’était pas intentionnel. Mais je pense que les événements actuels en font la démonstration par eux-mêmes : les temps ont changé, mais pas les gens. Je crois que c’est la vie. Mais c’est drôle car le film se passe il y a 15 ans, et c’est un portrait presque précis de ce qui se passe aujourd’hui ! Moi-même j’en suis plutôt surpris ! Je ne sais pas quoi en penser. En dépit du fait que nous voulions tellement changer le monde, le monde reste le même. Et je pense que ça va continuer comme ça pendant encore très longtemps. Nous voulons tous rendre le monde meilleur, nous voulons tous essayer d’être les meilleurs possibles, mais nous n’y arrivons pas parce que nous ne sommes pas parfaits. Nous continuons à faire des erreurs et à nous conduire de manière stupide. Parce que nous ne sommes pas parfaits. Et je pense que c’est grâce à ça que l’on peut faire des films.

EN : Est-ce aussi un moyen d’essayer de changer les choses ?

AC : Je ne suis pas sûr que les films puissent changer les choses, et encore moins le monde. Cela fait plus d’un siècle que l’on fait du cinéma et il y a toujours des guerres. Mais les films peuvent aider à voir les choses autrement, d’un point de vue différent. Et ça, je trouve que c’est important. Qu’au moins les gens continuent à se poser des questions : pourquoi sommes-nous là ? Quel est notre but ? Qu’on continue à interroger notre humanité.

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