Sara Forestier
Sara Forestier. Elle trouve que son nom est passe-partout, alors elle emprunte celui de Bahia BenMahmoud pour Le nom des gens. Rencontre avec une actrice nature et généreuse.



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Passionné par le cinéma dès son plus jeune âge, Vincent Grashaw réalise vers l’âge de 14 ans qu’il veut être réalisateur. Encouragé par ses parents à faire ce qu’il aime, il tourne des courts métrages à la sortie du lycée et écrit un scénario inspiré d’une expérience personnelle : vers l’âge de 15 ans, un des membres de son équipe de hockey avait été envoyé dans un camp de redressement pour mineurs. Lorsqu’il l’avait revu trois ans plus tard, son ami avait tellement changé que cela l’avait terriblement marqué. Il décide alors d’écrire sur ce sujet.

Au fil du temps, ce projet adolescent deviendra Coldwater, un film âpre mêlant propos social et ambiance de thriller, sur le quotidien de l’un de ces camps où les brimades, la violence et les humiliations font office de discipline. Une œuvre fictionnelle qui, d’après le principal intéressé, est encore en-dessous de la réalité ultra-violente de ces lieux de non-droit, qui ne sont régis par aucune législation.

Ecran Noir : Quel est votre parcours avant Coldwater ?





Vincent Grashaw : Avant Coldwater, j’ai produit un film qui s’appelle Bellflower. Ca m’a pris 3 ans. Ce fut une expérience complètement dingue. Nous étions un groupe d’amis à essayer de faire ce film sans argent. On a passé entre un an et demi et deux ans à le filmer et monter par intermittences. On a tout fait avec moins de 20 000 $. Avant ça, j’ai travaillé sur de petits projets, j’ai tissé des liens avec le milieu du cinéma… Ca m’a pris 10 ans à devenir un réalisateur. Je n’ai pas suivi d’études de cinéma, je n’avais aucun contact dans le domaine du cinéma, j’ai tout appris par moi-même.
On a passé un temps fou à faire Bellflower et nous n’avions aucune idée de ce qui allait se passer. Nous ne savions pas que le film aurait un tel retentissement, qu’il irait à Sundance… Ca a vraiment décollé pour nous après Bellflower. Les critiques l’ont adoré, on a été nommé pour de nombreux prix, notamment les Independent Spirit Award. C’est après tout ça que j’ai trouvé le financement pour Coldwater. Là, ça a été une expérience radicalement différente : faire un film comme il faut, avec un budget.

EN : Votre passion du cinéma remonte à l’adolescence. Quels genrse de films regardiez-vous à l’époque ?

VG : Ce qui est dingue, c’est que les films dont je me souviens, ceux qui m’ont marqué lorsque j’avais entre 14 et 18 ans, ce ne sont même pas ceux que je préfère. Je ne suis même pas forcément fan du travail de ces réalisateurs. Mais ils ont développé mon sens esthétique, le style qui me convient. Par exemple Basketball diaries de Scott Kalvert, He got game de Spike Lee, Il faut sauver le soldat Ryan de Steven Spielberg, Kids de Larry Clark, Magnolia de Paul Thomas Anderson… C’est le genre de films qui m’est resté en tête. Mais je voyais beaucoup de films. J’aimais observer les sensations que le film provoquait en moi et comprendre pourquoi : le choix des plans, la musique… J’essayais de comprendre comment ces films étaient faits et pourquoi ils me faisaient réagir ainsi. Faire des films, je crois, c’est un peu comme entrer dans le subconscient des gens sans même qu’ils s’en rendent compte. Eux-mêmes ne savent pas pourquoi ils réagissent d’une manière ou d’une autre.

EN : Vous aviez le projet de Coldwater depuis longtemps. Saviez-vous dès le départ ce que vous vouliez en faire ou a-t-il beaucoup évolué avec le temps ?

VG : Il a sans aucun doute changé au fil du temps. Je l’avais écrit en 1999, j’avais à peine 18 ans. Il a failli être fait plusieurs fois. J’avais de l’argent, des acteurs importants, et puis tout s’écroulait. A l’époque, je ne devais pas le réaliser, j’étais juste le scénariste. Je me demandais vraiment ce que j’allais en faire. A ce moment-là, mon coscénariste Mark Penney et moi avons tout réécrit. Là encore, ça a failli marcher, et puis non. Cette fois, j’étais prêt à envoyer balader le film. Je ne voulais plus le faire, c’était trop. Un peu style "la passion du Christ". Il y avait trop de sang dessus ! Donc j’ai reculé et j’ai fait Bellflower. Mais malgré tout, je revenais toujours au scénario de Coldwater. Après Bellflower, un ami qui a sa propre société de production, Joe Bellata, m’a demandé ce que je voulais faire maintenant. Je lui ai montré le scénario et il m’a répondu "ok, on le fait !". Il avait l’argent pour le faire. Je ne voulais plus faire le film, mais je n’ai pas pu m’empêcher d’en tomber à nouveau amoureux. Et j’en suis assez fier, car le film n’aurait jamais été aussi bon si je l’avais fait avant. Maintenant, j’avais la maturité de le rendre meilleur, alors qu’avant, il n’était juste pas prêt.

EN : Un autre problème aurait pu être que le sujet du film devienne moins actuel…

VG : En réalité, au fil du temps, j’ai fait de plus en plus de recherches sur ces fameux camps de redressement. Avec internet et les réseaux sociaux, j’ai trouvé bien plus d’informations qu’au début. Et cela m’a donné de nouvelles raisons de vouloir faire le film car justement, plus je creusais et plus cela s’avérait pertinent.

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