Sara Forestier
Sara Forestier. Elle trouve que son nom est passe-partout, alors elle emprunte celui de Bahia BenMahmoud pour Le nom des gens. Rencontre avec une actrice nature et généreuse.



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 (c) Ecran Noir 96 - 24



Réalisateur de courts métrages reconnus et primés dans le monde entier, Jean-Gabriel Périot passe au format long avec Une jeunesse allemande, film de montage édifiant qui narre l’histoire des protagonistes de la RAF à travers des images d’époque. Extraits de films de Meins ou Meinhof eux-mêmes, apparitions télévisées, emballement médiatique suite aux premiers attentats… Le cinéaste utilise une matière riche et complexe pour raconter en parallèle le basculement d’une poignée de jeunes intellectuels reconnus dans la violence armée et la révolution des images qui s’opère à la même époque à la télévision allemande. Un documentaire captivant qui met à mal les poncifs sur le terrorisme malade et gratuit, fruit d’un long et patient travail de recherches historiques, dans lequel le réalisateur ne renie pas une certaine subjectivité.
Ecran Noir : Comment est née l’idée d’Une jeunesse allemande ?





Jean-Gabriel Périot : Il y a plusieurs étapes pour arriver d’abord au sujet, puis au film. Ca se fait vraiment lentement, avec beaucoup de hasards. Je faisais des recherches très personnelles sur le passage à la lutte armée. J’ai fait beaucoup de films sur la violence mais souvent du point de vue des victimes, ou alors sur l’irruption de la violence, mais sans préambule. Je cherchais pourquoi, dans les révolutions, il y a toujours de la violence. Je tournais autour de ces questions et je me suis rapproché progressivement des années 60 / 70, probablement parce que c’était la plus proche. Je comprenais leurs textes, leurs lectures… Pas seulement de la RAF, mais de l’ensemble des mouvements passés à la lutte armée, mouvements anticolonialistes, enfin tout ce qui se passe à ce moment-là. J’ai resserré progressivement autour des jeunes occidentaux parce qu’il y a une chose que je comprends peut-être plus dans les enjeux. Je vais me focaliser sur la RAF parce que de manière très parcellaire, je commence à apprendre qu’Ulrike Meinhof était journaliste et qu’elle a aussi fait des films pour la télé ; que Holger Meins était étudiant en cinéma ; que Gudrun Ensslin jouait dans des films… qu’il y avait comme ça tout un tas de coïncidences autour de la production d’images. Et après c’est en voyant des images que quelque chose se débloque. Par exemple, la première fois que je vois Meinhof à la télé parce qu’entre connaître ce qu’ont fait les gens avant et tout à coup les voir à l’image, ça pose une intrigue. Qui est cette femme ? Elle a l’air tellement forte ! C’est tellement à l’opposé de ce qu’on met derrière le mot "terroriste" par exemple ! Voilà il y avait un nœud qui se créait… Il y avait aussi le film de Fassbinder, Dans l’Allemagne en automne, son court métrage.

EN : C’est le film que l’on voit à la fin d’Une jeunesse allemande

JGP : Oui, on voit un extrait. C’est un élément très important, parce que je n’ai pas compris le film. Je l’ai trouvé très beau, magnifique, mais je ne le comprenais pas dans sa factualité parce que je n’avais pas la connaissance historique mais pas non plus de cet état d’hystérie, de douleur dans laquelle lui se met, dans laquelle les autres cinéastes se mettent à ce moment-là. J’avais besoin de savoir pourquoi tous ces cinéastes, à ce moment-là, font ce film. Pourquoi ce film qui est tellement en empathie avec les gens de la Raf, qui est tellement critique envers l’Etat. Alors là je pousse les recherches, et là ça devient un film quand je me rends compte que je vais avoir assez de matière pour faire un film qui tenterait de faire un portrait principalement avec leurs images à eux. En tout cas sur la première partie du film. Voilà, je pouvais interroger ça. Savoir quel film ils avaient fait. J’ai compris au fur et à mesure qu’en fait ils étaient assez connus. Certains étaient des figures de la vie politique allemande et que du coup ils passaient beaucoup à la télé, et ça ouvrait des possibilités de faire le film.

EN : Comment se sont passées les recherches, concrètement ?

JGP : Au début j’étais assez vite battu parce que les archives accessibles, il n’y en a pas tant que ça. Ce que j’ai pu voir, ce sont les films traitant le sujet. Plutôt des fictions, d’ailleurs, qui étaient éditées en DVD. J’avais peu accès à des documentaires, des archives de la télé allemande… J’ai dû commencer à penser le projet, à faire des recherches pour avoir des financements pour l’écriture avant même d’avoir vu des images. C’était un projet sur des hypothèses : qu’il y ait assez d’images, qu’elles soient intéressantes… Après, les images n’auraient pas existé, ça aurait été un autre film. A partir de là, une fois qu’on a un peu d’argent, car c’est quand même le nerf de la guerre pour ce type de films, commence une recherche de tous les côtés. J’ai accumulé des heures et des heures de films. C’est une première phase de recherche, où j’ai accès aux images facilement visibles. Ca permet de consolider quelque chose. Je commence à avoir de la matière sur Meinhof, sur Mahler, sur Meins… C’est encore lacunaire mais ça valide le film. A partir de là commencent de très longues recherches : aller chercher les fragments perdus. C’est un travail d’historien, une espèce de pas de deux entre la recherche historique et le travail sur l’image. J’ai besoin de faire l’historien pour trouver des images et les images posent de nouvelles questions, donc j’ai besoin d’ouvrir de nouveaux pans de recherches. Ca fait un effet d’entonnoir jusqu’à la fin.
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