Sara Forestier
Sara Forestier. Elle trouve que son nom est passe-partout, alors elle emprunte celui de Bahia BenMahmoud pour Le nom des gens. Rencontre avec une actrice nature et généreuse.



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Présenté en clôture de la Quinzaine des Réalisateurs, après avoir fait sensation à Sundance en janvier 2017, Patti cake$ est le feel good movie par excellence, servi par un quatuor de personnages ultra attachants et un style visuel riche et varié. On se laisse entraîner avec bonheur dans ce mélange de récit d'apprentissage et de conte moderne qui voit l’ascension d'une jeune femme du New Jersey rêvant de devenir une star du hip-hop. Si le scénario ne brille pas spécialement par son originalité, l'actrice Danielle MacDonald insuffle suffisamment de force et de singularité à son extraordinaire personnage qu'il suffit très largement à faire oublier les facilités et maladresses.

C'est en toute décontraction, sur la plage de la Quinzaine des Réalisateurs, à la fin de la 70e édition du festival de Cannes, que nous avons rencontré Geremy Jasper, l'heureux réalisateur du film, dont c'est le premier long métrage. L'occasion de parler de la naissance de Patti et du long travail d'écriture et de recherches esthétiques qui a présidé au film. Mais aussi de 8 mile, auquel le film a beaucoup été comparé...

EN : J’imagine que vous aviez forcément en tête des références de films de ce type, qui racontent ce genre d’histoires. Comment réussir à vous démarquer ?

GJ : Je pense que la chose essentielle, c’est qu’on n’avait jamais vu un personnage comme celui de Patti à l’écran. Quoi qu’il en soit, ça allait forcément être différent des autres films. Vous savez, des personnages comme ceux de Patti et de Barb, il y en a partout, mais on n’est pas très habitué à les voir dans des films. Je pense qu’au départ, dans les premières versions du script, je voulais tellement déconstruire qu’on perdait complètement le contact avec eux. Et plus le scénario avançait, plus les personnages progressaient, plus je m’appropriais ce genre de films en le subvertissant un peu, et je m’apercevais que choisir un personnage aussi improbable fonctionnait parfaitement. Ca prenait tout son sens. Même les gens qui ont l’habitude de ce genre de films, je sentais qu’ils auraient envie de faire un bout de chemin avec Patti. Je ne sais pas, c’est comme si tout s’était connecté.

EN : La première fois qu'on a entendu parler du film, il a été présenté comme une sorte de 8 mile au féminin. Est-ce que cette référence vous agace un peu ?

GJ : Non, pas du tout ! 8 mile c’est quand même LA référence du genre. La référence par excellence du film de hip-hop. Je veux dire : c’est un classique ! Le film sera toujours comparé à 8 mile. J’en suis fier.

EN : Un 8 mile assez hilarant, par moments… Notamment dans toutes les scènes avec la grand-mère. Comment avez-vous travaillé sur les autres personnages pour obtenir cet effet ?

GJ : Les personnages devaient être forts, mais sans prendre le pouvoir sur Patti. Donc il fallait qu’ils soient bien calibrés. Le casting a été le résultat d’un long processus. Par exemple, j’ai rencontré Cathy [Moriarty], on a tourné un court métrage à Mexico. C’est une très belle femme, très glamour. Dans Raging bull, elle avait 19 ans... C’est une sorte de légende ! Et la première fois où j’ai parlé avec elle, j’ai su que je la voulais pour interpréter le rôle de Nana [la grand-mère]. Elle n’avait absolument rien à voir avec Nana. Mais elle est mise à parler, et c’était exactement la voix que je cherchais. Elle me faisait penser à ma tante, à des gens que je connais. Elle vient du Bronx, qui est comme un cousin du New Jersey. Donc il y a de vraies similarités. C’est elle qui ressemblait le plus aux gens avec lesquels j’ai grandi. J’ai dû la supplier pour qu’elle mette sa fierté de côté et accepte de paraître 20 ans de plus, fume des joints… Mais elle a été formidable sur le plateau.

EN : Pouvez-vous nous dire quelques mots sur vos choix esthétiques, qui sont extrêmement forts tout au long du film ?

GJ : J’aime des styles très différents qui peuvent se combiner. Pour moi c’était important que le film n’ait pas qu’un style visuel. D’un côté vous avez cet aspect de clip coloré et surréaliste pour les scènes fantasmées. C’est bigger than life, en technicolor. Et puis la réalité était dans un style plus documentaire. Quand on fait connaissance avec Patti en tant que personnage, j’avais peur que le public reste en retrait et la juge, parce que c’est un personnage tellement haut en couleurs ! Mais en la suivant partout, en restant fixé sur elle comme si on faisait un documentaire sur sa vie, on est vraiment dans le film avec elle, dans sa vie quotidienne compliquée, on la ressent, on l’ accompagne dans son parcours. Il y a donc deux styles qui cohabitent. ET on a essayé d’expérimenter visuellement dans chaque scène. De se dépasser. Et au montage, ça a été plutôt long de réussir à faire cohabiter tous ces petits morceaux. De ce fait le film est assez fragmenté, composé de ces différents styles.

Propos recueillis à Cannes en mai 2017


   MpM

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