Sara Forestier
Sara Forestier. Elle trouve que son nom est passe-partout, alors elle emprunte celui de Bahia BenMahmoud pour Le nom des gens. Rencontre avec une actrice nature et généreuse.



Karim Aïnouz
Toni Servillo
Félix Dufour-Laperrière
Jayro Bustamente
Gilles Perret
Hélène Giraud
Ryusuke Hamaguchi
Rohena Gera







 (c) Ecran Noir 96 - 24





Spontanée, alerte, passionnée, elle a donné rendez-vous à la presse montréalaise dans ce grand hôtel de luxe, une tour bétonnée au confort occidental. Le buffet est copieux. On lui apporte un cendrier. Mais que demander à cette actrice-cinéaste? Elle a déjà tout dit sur Place Vendôme. Le calvaire d'un accouchement long et difficile. Le Prix de Deneuve à Venise. Que dire sur un film si évident, et dont le mystère doit peut-être rester secret... Pourtant elle est bavarde et nous offre une vraie séance psychanalitique de son film.
Ecran Noir- Comment définiriez vous les Hommes dans votre film ? Ils ont une âme assez sombre, des actes assez lâches.





Nicole Garcia - Je ne les trouve pas hideux, mais fatigués. Ces hommes ont tous un point commun, c'est qu'ils sont arrivés à un moment de leur vie, à un moment de leur histoire, de leur chemin, et même de leur maturité, où ils savent que la vie ne ressemblera pas à leurs rêves. Et pourtant il faut qu,ils continuent... Il faut avoir ce courage de continuer. J'en ai connu des hommes comme ça. Ce courage, le personnage de Bernard Fresson ne l'a pas. Il arrête. Ils tous une sorte de lucidité, un charme et uen générosité cachée, comme peut l,avoir le personnage de Jacques Dutronc. Il joue un voyou à bout de souffle pendant tout le temps du film, mais qui arrive, à la fin, à avoir cette générosité de se rendre, pour qu'enfin cette histoire s'arrête pour Marianne.

Donc, évidemment ce film, c'est un quatuor. Avec deux femmes, qui développent le thème du double, puisqu'Emmanuelle Seigner est ce qu'a été Catherine Deneuve il y a 25 ans. Et puis il y autour d'elle ces 3 hommes. Mallivert (Fresson), Jean-Pierre, joué par Bacri et Batistelli (Dutronc). Mais ce sont les 2 femmes qui vont se battre. C'est Marianne qui a cette rédemption à faire, qui doit partir de si bas. Le film commence au plus fort de sa crise. Elle est morte à elle-même, indifférente à tout. Elle ne trouve que dans l'alcool les derniers plaisirs, les dernières sensations qu'elle peut arracher à la vie. C'est comme si le film lui donnait la possibilité de réinterpréter son secret. Un secret qu'on découvre dans le flash-back. Elle peut relever les cartes, comme on dit au Poker.

NG (suite) - Alors c'est vrai que les partitions des hommes sont plus en retrait, mais ils ont chacun des contradiction et des vies très fortes. Par exemple le personnage de Bacri, il trahit pour de l'argent, et en même temps c'est le seul soutien qu'elle va rencontrer sur sa route, Deneuve. C'est même lui qui la réinitie à un désir sensuel qu'elle avait oublié, occulté depuis longtemps. Ils ont tous leurs contradictions. Ils sont tous capables d'aller du bien vers le mal. Je n,aime pas les personnages simplifiés au cinéma, parce qu'ils ne semblent pas vivants. Et le personnage de Dutronc, c'est pareil, il est capable à la fin, quand il la retrouve, de lui donner une marque comme quoi elle ne l'a pas aimé toute seule. C'est l'aspect romanesque du film. Il en faut. Il ne veut donc pas courir plus loin. Il est traqué. Et en même temps il veut que Marianne se libère de tout ça. C'est normal que dans un film aussi dense, autour de tant de personnages, on ne peut pas donner une égale importance à tous. Mais aucun des personnage n'est fantôche. Ils ont un poids de vie. Fort. Ils sont émouvants par ça. Ce ne sont pas des jeunes gens. Ils ont tous la cinquantaine et ils ont l'impression que la vie les a fatigué. La vie leur a donné des coups. Comme Bacri, c'est un homme de la déchéance. C'est pour ça qu'il veut rencontrer Deneuve, qui est aussi une femme à la déchéance. Il était avocat, il est devenu un petit huissier. Donc ils ont tous une sorte de goût de la chûte, de cette chûte sociale.

EN - Fresson est très vite chassé du quatuor, remplacé par Dutronc...

NG - Il fallait qu'il ait un passage fulgurent. C'est cruel. Il a aimé très fort Marianne, et il la protégeait trop, un peu comme une enfant. Il faut donc qu'il disparaisse pour qu'elle commence à vivre. Pour qu'elle commence à retrouver cette autonomie, ses réflexes, son instinct. Alors qu'en fait il l'a couvé. A la fin du flash-back, elle le dit: "il m'a épousé, j'étais rescapée." C'est vrai, il l'a sauvé, du scandale, de la prison même. Il l'a enterré dans ce luxe qui était le sien. Comme cet appartement... On sent qu'elle n'y a jamais rien touché dans ceta ppartement. Elle s'y promène comme ça. Mais on sent qu'elle s'y était laissée enterrer. Fresson le dit d'ailleurs: "Tu sais combien de temps tu as passé ici depuis janvier. 30? Non 17..." Elle passe son temps dans les cliniques. Il l'a donc aimé très fort. On peut penser qu'il a eu une histoire avec Emmanuelle Seigner. Toujours cette histoire du double. Une affaire qui n'est pas très importante, ni pour lui ni pour elle. Elle c'est une jeune femme ambitieuse, et qui est prête à coucher avec qui la sert. Mais il a aimé beaucoup Marianne. Même s'il n'y a pas d'enfant. Et pourtant il faut qu'il disparaisse. C'est la cruauté et le cynisme de la vie, parfois....

EN - Initialement Jean Yanne devait jouer le rôle du mari, finalement incarné par Fresson...

NG - Oui c'est Yanne qui devait le faire au départ. Et puis il y a eu des problèmes de disponibilités d'acteur comme on dit. Le tournage a commencé plus tard que prévu. Alors j,ai été obligée de choisir quelqu'un d'autre. Au déaprt le film aurait dû se tourner au début de l,été, et sortir en salles au printemps 98. Mais à cause de ma tournée de théâtre, et parce que je passe toujours beaucoup de temps en salle de montage, le film n'a été prêt qu'en septembre.

EN - Comment sont vos rapports avec votre équipe ? Est-ce qu'être réalisatrice peut poser des problèmes encre aujourd'hui ?

NG - Quand on a beaucoup d'énergie et d'engagement dans son sujet, il y a une sorte d'autorité naturelle qui s'impose à une équipe. Je n'ai pas l'impression qu'il y ait un sexisme qui se passe à ce moment là. Il y a évidemment des éléements machistes quelque part sur la route. Mais je n'ai jamais eu à en souffrir. Même si les choses pour moi sont un peu différente parce que je suis une actrice avec une certaine notriété en France. Plus maintenant à mom troisième film, mais ça a pu joué à mes débuts de cinéaste. Je ne pense pas, cependant, qu'il y ait de difficultés particulières pour une femme. Il est de toute façon difficile de faire un film, qu'on soit homme ou femme. Difficle d'engager une équipe entière derrière vous. Difficile de communiquer votre rêve, de le faire partager. Un film c'est un travail d'équipe, mais je n'ai pas L,impression d'être desservi par le fait d'être une femme. Au contraire... Il y a une sorte d'estime qui s'installe, et qui tient lieu d'autorité.

EN- Et par rapport à votre métier d'actrice ?

NG - Je suis totalement engagée dans mon travail d'actrice. J'ai assez de travail comme ça avec le rôle. Mais je pense que pendant toutes ces années de plateau que j'ai pu faire, la technique du cinéma m'a traversé, de manière inconsciente. Dire pourquoi je suis devenue metteur en scène, moi-même je ne le sais pas. J suis quelqu'un qui agit par mon inconscient. Je fais donc les choses, et je comprends après coup pourquoi je les ai faîtes. J'avais fait un petit court-métrage. Le plaisir que j'avais eu à écrire une histoire, à l'écriture même du montage...ce que j'avais pris comme un film de vacances était devenu à ce moment là quelque chose de plus important, et c'était pour moi une expression beaucoup plus forte, beaucoup plus libre que celle de comédienne. J'ai toujours du plaisir à jouer mais mon engagement à faire des films à moi est plus fort.

EN - Vous envisagez quand même de redevenir actrice prochaînement...

NG - Je voudrais surtout trouver un sujet pour un autre film. Je ne pense qu'à ça. Mais comme il faut bien vivre, je vais tourner un film comme actrice au printemps. Et j'ai beaucoup joué au théâtre la saison dernière. C'est pour ça que le montage de Place Vendôme a été long, parce que j'avais signé une tournée de théâtre avec André Dussolier, Scène de la vie comnjugale, de Bergman. Je l'ai jouée pendant longtemps en tournée en France. Mais un film en tant que réalisatrice vous expose tellement plus que votre métier d'acteur, que ça devient une chose très première. Quand on a fait les deux côtés, on se rend compte qu'il y a un tel engagement, une telle énergie à dépenser en tant que réalisatrice...Peut être que ma vie d'actrice était plus douce que ma vie de metteur en scène. La vie de metteur en scène est rude. Mais je l'ai choisie. Personne ne m'a obligé.

EN - Vous avez dirigé Bacri. Vous allez le retrouver en tant qu'actrice sur le premier long de Sam Kerman. Est-ce que ça va changer vos rapports avec lui ?

NG - Non. Quand je suis actrice, je suis simple soldat. Je ne m'occupe de rien. C'est assez difficle de se concentrer, de s'immerger dans un rôle. Il n'y a plus de trace de metteur en scène en moi, quand je joue. C'est peut être pour ça que je en sais pas faire l'un et l'autre.

EN - De quoi parle votre prochain film d'actrice ?

NG - Le film que je fais avec Jean-Pierre, Kennedy et moi, est une sorte de déclinaison du Misanthrope. Ça se passe à St Jean de Luz. C'est un homme à la fin de sa vie, qui n'aime plus rien, où le monde entier l'enrage... et je suis sa femme, et je dois vivre avec le Misanthrope.

EN - Vous aviez déjà tourné avec Jean-Pierre Bacri...

NG - Oui. Mort un dimanche de pluie. Mais ce n'est pas pour ça que je l'ai choisi pour Place Vendôme. C'est un acteur magnifique. Et puis j'aime beaucoup ce type d'homme méditerrannéen, et en même temps sensible...

EN - Avez-vous voulu montrer quelque chose en mettant la lumière sur un délit au sein de la joaillerie française ?

NG - Non. J'avais juste besoin d'une hsitoire comme ça. D'ailleurs certains joaillers de la Place Vendôme qui m'ont dit que je donnais de leur métier une image qui n'était pas conforme à la probité de leurs taches. Et je leur ai répondu que tout ce qui était délictuel dans le film était dû à ma simple imagination. Mais le personnage de Bernard Fresson est un grand personnage. On pense longtemps à lui. C'est un grand bourgeois, qui a hérité de ctte grande maison de la joaillerie parisienne. Quand l'afafire va mal, il est obligé de faire des compromissions, et son honneur est en jeu. Il se bat longtemps. Et puis un jour comme il dit: "je n'ai plus envie de me battre."

Et ça ça peut arriver à tout le monde. On est dos au mur, de faire des choses qui sont délictuelles, criminelles... On le voit à la première scène à la De Beers à Londres, on voit qu'il plane un soupçon sur lui. Il n'a pas supporté d'être un homme accusé de ce soupçon. Il n'a pas poour se réconforter dans la vie une femme prêt à l'entendre, puisqu'elle est une épave. Alors il décide d'en finir...enfin il le décide à un instant, quand il voit le camion dans la forêt.

EN - Avez-vous rencontré des pressions de la part d'entreprises comme la De Beers ?

NG - La De Beers a vu le film, ils avaient lu le scénario. La documentation importante que j'avais faite pendant le film m'a conduit à aller les voir, avec mon scénariste. J'avais un peur quand je leur ai montré le film à la fin. J'imaginais un procès. Au contraire, ils ont tout accrédité. Ils ont souligné qu'il y avait un parfum d'authentique dans le film, et que la documentation qu'on avait faîte sur le monde des diamantaires - ce monde là m,avait davantage intéressé que les vitrines de la Place Vendôme - les a impressionné.

Le glamour sombre de ce film vient de là où se trouve la lumière. La lumière, l'éclat des diamants, des parures c'est comme un théa^tre des marionnettes. La scène est éclairée, amis ce qu'il y a de plus important, ce qui agite ce monde lè, c'est ce qu'il y a de l'autre côté de la scène. C'est un monde très romanesque. C'est comme un monde maffieux, avec des règles du jeu propres. il n'y a rien de retranscrit par écrit même pour de spierres qui valent de smillions de dollars. Tout est dans la parole donnée. C'est un monde très mystérieux, qu'on a du mal à cerner, à attraper, et qui ne veut pas donner ses codes. J'aurais pu le faire dans le monde de la finance, des médias. Mais ça aurait été moins riche. Mon souci était de mettre mes personnages dans un souci de danger constant. Il n'y a pas de sang versé. On sent qu'il y a une menace autour de mes personnages. On ne sait pas d'où elle va surgir. Ce monde, avec cette part d'ombre, donnait un corps idéal pour ça, plus que les médias par exemple.

EN- Il y a la lumière, l'ombre mais aussi la chaleur...

NG - La chaleur des personnages ?

EN - Oui...

NG - Il faudrait parler de la direction d'acteur. Ça nous ramène à l'écriture des personnages. Je teste toujours l'imagination que je peux avoir des personnages à la pulsion du jeu. Et moi je joue tous les personnages quand j'écris: les femmes, les vieillards, les enfants... c'est comme j'éprouve la qualité d'une scène, et donc ça fait partie de ce que j'offre à un acteur. J'aime beaucoup les acteurs. Je les aime d'autant plus maintenant que je suis metteur en scène. Je leur trouve une fragilité... C'est très fragile les acteurs. Leur situation est très précaire. On comprend les angoisses des acteurs. Ils ont toujours besoin d'être choisis, d'être dans le désir des autres. C'est une situation qui reste inchangée tout au long de leur vie et qui les rend presqu'infantiles. Et quand un acteur arrive devant vous et que vous avez un personnage, la direction d'acteur c'est ce parcours que lui va faire vers moi.

Je crois que pour faire une grande performance d'acteur, comme celle de Catherine Deneuve dans ce film, il faut une trinité. Il faut être trois: le personnage, l'actrice, et le metteur en scène. C'est de cette trinité là quand elle marche bien que naît une grande performance d'acteur. Catherine et moi avions un goût égal pour ce personnage. Nous étions garantes, elle et moi, pour que ce soit un grand personnage de femme.

EN - Comment avez-vous réagit à son prix d'interprétation à Venise? Au fait que Deneuve se soit donnée à fond dans ce personnage ?

NG - Je ne sais si elle aurait accepter ce rôle il y a 10 ans. Mais elle avait conscience - c'est uen actrice très intelligente et qui mène sa carrière de manière admirable - d'être faîte pour ce personnage. J'ai pensé à elle assez vite. Donc je lui ai raconté ma petite histoire, au tout début de la gestation. Et elle a tout de suite eu beaucoup d'intérêt pour ce rôle. Et après pour le scénario. Je pense que le personnage l'a obligé à abandonner une séduction qui est la sienne depuis plus de 30 ans, pour une autre séduction, que je trouve, moi, beaucoup plus émouvante. Dans ce film là, on avait envie de la protéger. Elle semble tellement désemparée, en plein désarroi. Ce n'est pas la gamme de jeu qu'elle a le plus souvent. En plus, quand elle remonte peu à peu la pente, elle retrouve quelque chose de son humour, une insolence... Mais c'est vrai que pour le Prix d'interprétation à Venise, quand on l'a appris, on était toutes les deux l'une à côté de l'autre, je crois que j'ai eu un débordement, une émotion encore plus forte que la sienne. Parce que c'est quelque chose que je prenais pour moi, et pour le film. C'est un personnage qu'on a écrit comme ça, on a choisit l'actrice pour ça; elle l'incarne de manière si somptueuse...et en plus c'est le premier grand prix international qu'elle ait eu, alors, c'était pour moi quelque chose de très joyeux, de très gai.

Elle a accepté très vite tout ce que je lui ai demandé pour le rôle. Je pense qu'elle m'a fait une immense confiance. Je m'en rends compte encore plus, maintenant que le temps a passé. Je ne sais pas si elle aurait fait une confiance comme ça à tout le monde. Parce qu'elle joué démaquillée, elle jouait telle qu'elle arrivait dans la loge. Elle ne regardait jamais son image. Notamment pendant toutes les scènes du début du film, où elle est très mal, très abandonnée. C'est comme au trapèze : on peut se jeter quand on est sûr que quelqu'un va vous rattraper. On peut prendre des risques comme ça quand on sait que de l'autre côté quelqu'un va vous retenir. Sinon, non, c'est trop dangereux.

EN - Quels sont vos rapports avec les acteurs, en tant qu'actrice ?

NG - Je les aime comme on aime des enfants. Avec une impression de les protéger et de leur devoir quelque chose...

EN - Et le choix d'Emmanuelle Seigner ?

NG - J'ai très vite penser à Emmanuelle Seigner parce que je trouvais qu'en France, c'était la seule actrice qui pouvait donner un écho de ce qu'est Deneuve: une même blondeur, une même élégance... On peut imaginer que pendant le flash-back, elle se projette dans l'histoire de Deneuve, et qui pour moi était crédible. Il y a une analogie entre ces deux femmes. Après ce sont des détails de mise en scène. le même chignon, les mêmes genres de tailleur. Bien sûr c'est travailler à l'image. Mais je trouvais qu'il y avait une correspondance entre ces deux femmes. On peut croire qu'elles ont été toutes les deux des grandes courtières en diamant, qu'elles ont aimé les mêmes hommes, qu'une même vie attend l'autre si elle ne prend pas garde à elle.

EN - N'est-ce pas un peu pessimisme de faire répéter l'histoire ainsi, à 25 ans d'intervalle ?

NG - Vous ne connaissez pas des jeunes femmes d'aujourd'hui qui tombent dans des pièges par amour, ou qui par amour font des choses que leur lucidité devraient empêcher de faire, mais que l'amour enlève cette lucidité. C'est éternel ça... L'histoire se répète inlassablement sur ce sujet. On peut changer beaucoup de choses au niveau des apparences du monde. Mais les sentiments sont à la fois arcahaïques et semblables. Je pense que dans cette répétition des destins, un des grands thèmes de Shakespeare, il y a quelque chose de très vrai, de très révélateur. Les mêmes événements se passent, on pense qu'on va pouvoir les arrêter, que ce soit l'Histoire ou les destins personnels, mais tout recommence... Il y a un optimisme dans ce film, mais il réside dans le personnage de Marianne. Il y a un désir qui émerge, une capacité d'amour qui est le même que celle d'une héroïne de 30 ans. Et elle se bat pour ça, et c'est ce qui est fort, positif et optimiste. Elle s'arrache peu à peu à l'ombre, vers sa lumière et sa délivrance. Et ce secret qui l'avait naufragée, elle s'en libère enfin.

EN - C'est l'acteur qui est à l'origine du personnage ou l'inverse ?

NG - J'écris le personnage qui me lance, qui m'inspire l'histoire. Et après je choisis l'acteur ou l'actrice idéal pour ce personnage. Mais pourquoi pas l'inverse... Il y a beaucoup d'acteurs que je trouve très bons, très désirables. Ou d'actrices... Mais c'est plus difficile comme démarche. le déclic nous vient d'une histoire, d'un personnage ou d'un fait divers. Ou d'un paysage. Par exemple le Québec. Je suis pas quelqu'un qui vient d'un pays de neige. Mais j'aimerais beaucoup tourné un film dans la neige, enfin une partie du film pourrait avoir lieu dans un pays comme le Québec.

EN - Il n'y a pas beaucoup de neige en ce moment...

NG - Si, si on s'éloigne...en Gaspésie. Je me suis renseignée déjà.

EN - Vous avez fait un choix de musique surprenant: vous avez réutilisé une Bande Originale de Film, celle des James Ivory...

NG - J'ai eu le tort... mais est-ce un tort? je crois pas au bout du compte... J'aimais beaucoup cette musique. Je pensais qu'elle était très juste pour le film, elle avait quelque chose de très romanesque, et elle soulignait les séquences, le film. Et donc pendant la phase du montage du flash-back, j'ai toujours pris cette musique, en modèle. J'ai demandé à Richard Robbins de faire la musique et la musique qu'il a faîte pour ce moment là ne me paraissait pas adéquate. Je m'étais habituée à l'autre. Donc j'avais un désir, une émotion qui était tellement collée aux images, que j'ai pu garder celle-là, après des transactions un peu longues. Et puis tout le reste est la Bande Originale composée par Robbins.

EN - Pour conclure, dans le dernier numéro de Studio, vous avez confié que vous aviez coupé une scène où Deneuve chantait un air de Piaf...

NG - C'était Comme moi. Elle venait d'apprendre que l'homme qui l'avait trahie, et qu'elle essayait d'occulter de ses souvenirs, réapparaissait dans a vie. En fait Piaf chante à la radio. Et Deneuve reprend cette chanson qu'elle connaît, qui est la chanson type d'une femme amoureuse. Il y a comme une distorsion entre ce qu'elle chante elle et Piaf qui crie son besoin d'amour, sa capacité d'amour, sa force d'amour.

Propos recueillis par Vincy Thomas


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