Darren Aronofsky c'est difficile à prononcer, pas simple à orthographier et inconnu au bataillon des encyclopédistes. Pourtant il est déjà rentré dans la petite histoire du cinéma. Avec son premier film, Pi, fameux chiffre permettant quelques calculs géométriques, il a réussi à s'assurer un avenir cinématograhique confortable (2 films déjà signés) et un Prix à Sundance pour sa mise en scène. Le voici à Paris dans les salons de l'hôtel (cossu) Costes. Mais qui est donc Darren Aronofsky?
Ecran Noir - La France va vous découvrir avec ce long métrage..
Darren Aronofsky - je l'espère bien !

EN - Quel a été votre parcours auparavant ?
DA - Pi est mon premier film, mais j'ai appris il y a déjà longtemps la réalisation. J'ai fait beaucoup de courts métrages. C'est le premier long, nous l'avons fait pour 60 000 $, je crois que cela fait environ 300 000 Francs. Donc on a eu recours à beaucoup d'emprunts, de deals et au vol!
Cela m'a pris deux ans pour le faire. Nous avons commencé en janvier 1996, ce n'était encore pas grand chose. 8 mois plus tard nous le tournions en 28 jours. Le montage a duré un an, donc nous avons pris un an pour le peaufiner et ensuite nous sommes allés à Sundance en 98.
Mon passé... Je viens de Brooklyn, à New-York. J'ai grandi dans les années 80 avec la culture hip-hop, énormément de culture hip-hop. D'ailleurs, je viens juste de rencontrer... Quel est son nom encore... Matthew... Quel est son nom de famille... Le réalisateur de La Haine ... Kassovitz, c'est ça! Il est charmant et très gentil aussi, très talentueux, terriblement talentueux. Nous avons beaucoup discuté de ça.

EN - Vous utilisez tous les deux le Noir & Blanc.
DA - C'est vrai. Le héros de La Haine est comme Sean et il y a aussi beaucoup de culture hip-hop dedans. C'était agréable de le rencontrer.

EN - D'où vous est venu l'idée de ce film ?
DA - J'essayais de faire un plus gros film depuis un moment et je ne trouvais personne pour me soutenir. C'est très difficile de faire un film aux États-Unis, ce n'est pas subventionné par le gouvernement ou autres. Vous devez le faire par vos propres moyens. Puis j'ai rencontré Sean [Gullette, le scénariste et acteur principal], c'est alors que j'ai décidé de faire un film pour 20 000 $ parce que je me croyais capable d'en ériger un. Avec toutes les personnes que je connaissais, à qui j'avais emprunté de l'argent, on a décidé de faire un " petit " film à cause de notre limite financière. Nous avons démarré avec une première image avec mon meilleur ami, Sean, qui est la star du film. Il se tenait devant un miroir avec un couteau planté dans sa tête. Ça ne faisait pas tout le film, mais cela donné une direction à suivre. C'était la seule image et nous l'avons développée. Les 8 mois suivants, pendant que nous développions les personnages, le producteur [Eric Watson] lisait l'histoire.

EN - Pensez-vous que le sujet, les mathématiques, peuvent faire déconnecter le public ?
DA - Pi n'est pas un film à propos des maths. Le plus dur problème dans le film consiste en l'opération 41+3 et nous donnons la réponse 3 secondes plus tard. Donc nous ne demandons pas au spectateur de venir au cinéma avec une calculatrice. L'idée était que les gens, au fil des années, utilisent les nombres pour chercher Dieu. Il y existe un aspect mystique des athématiques de Einstein, qui était un homme de foie, à Pythagore, il y a 25 000 ans, qui pensait que l Univers était régi par des nombres. Certains chercheurs utilisent les nombres pour comprendre leur monde et l'Univers, c'est ce concept qui m'intriguait. Personnellement je détestais les maths au lycée comme tout le monde probablement. J'échouerai certainement si vous me donniez un test maintenant. Mais Sean est vraiment quelqu'un de très appliqué et qui aime comprendre de nouvelles choses. Lorsque nous avons commencé, il ne pouvait même pas écrire des chiffres et une partie de son travail, quand il rentrait le soir, était d'écrire les chiffres de 1 à 50 et ils devenaient ainsi plus lisibles pour la caméra.

EN - Pourquoi avez-vous opté pour le N & B ?
DA - C'était une décision purement créative. Pi a toujours été un film différent pour les spectateurs parce que nous croyons que pour chaque Armageddon sorti, ce qui est très important, on trouve un public pour ce type de film, il y en a toujours un autre pour un genre de films différent. Donc nous avons voulu faire un film radicalement différent et lorsque nous avons choisi le N & B nous ne voulions pas tourné un film en N & B traditionnel. C'est pourquoi il est appelé "Black & White reverseal" (N & B revirement). Le premier film tourné en "reverseal", la première fiction, était celui de Bruce Weber, Let's get lost (1988), un film incroyable, un documentaire à propos d'un joueur de trombone. Ce qu'apporte le "B & W reverseal" c'est qu'au lieu de faire du blanc et du noir, il donne du noir OU du blanc. Le film n'est pas gris.

EN - A propos de la musique, avez-vous rencontré Clint Mansell auparavant ?
DA - Nous nous sommes rencontrés au début du projet. Il habitait New York City et je n'étais pas vraiment un fan de musique électronique, je ne la connaissais pas tellement. Mon producteur, Eric Watson, l'était plus et il nous a présenté. Dès que j'ai commencé à connaître Clint et d'autres musiciens "électroniques" comme Massive Attack et d'autres personnes qui ont participé au film, j'ai réalisé que cet homme était plus comme Max Cohen (le protagoniste de Pi), qui vit avec de vieux ordinateurs en cherchant l'âme avec une machine. Ils étaient donc parfaits pour le film, avec cette ambiance de sons électriques, avec une sorte de symétrie "Black or White" très abstraite. J'ai pensé que cela pouvait être un paysage très intéressant.

EN - Est-ce facile d'opter pour une bande originale avec de nouveaux sons ?
DA - C'était très excitant. Lorsque je regarde un film avec une musique classique cela ne fonctionne plus sur moi! notre génération est très sophistiquée. On regardait MTV, tellement d'images avec de nouveaux sons, c'est le moment pour une révolution dans les partitions .Je pense que Clint est à la frontière, je sais que David Homes n'a fait qu'une superbe musique de film. Il va diriger mon trentième anniversaire le mois prochain et il en sera le DJ. Je suis très excité, ça va être une bonne party. Si vous êtes à New-York en Février appelez-moi et vous viendrez à la soirée. Mais il est temps de changer de musique et, sans aucun doute, Clint a été un incroyable collaborateur sur le film.

EN- Avez-vous travaillé en symbiose sur le film ?
DA- Oui, on parlait de toutes les scènes. C'était stupéfiant, il arrivait avec ces choses qui me propulsaient ailleurs. Il n'y a peut-être qu'un morceau que je voulait changer dans la bande son mais tout le reste avait le ton juste. Il dégageait une telle émotion et même le morceau retravaillé était parfait, ce n'était pas exactement ce que je voulais mais il a énormément de talent. Il adore les films d'horreur, John Carpenter et ces trucs là, c'est pourquoi il a très bien compris les émotions des scènes.


      (C)Volute Productions 1996-1999