Production: Patrick Godeau
Réalisation: Benoît Jacquot
(Pas de scandale, La fausse suivante, La fille seule)
Scénario: Jacques Fieschi
Adapté du roman de Serge Bramly
Photo: Benoît Delhomme
Son: Michel Vionnet
Montage: Luc Barnier
Durée: 100 mn

Casting:
- Daniel Auteuil : Sade
- Marianne Denicourt : Sensible
- Jeanne Balibar : Madame Santero
- Grégoire Colin : Fournier
- Isild Le Besco : Emilie
- Jean-Pierre Cassel : Le Vicomte de Lancris  

 

 
La vie de Sade
Daniel Auteuil
Sade (fiche Unifrance)
Sade (site officiel)
Sade 
France / 2000 / Sortie France le 23 août 2000 
 
Sade
 
1794 : Parmi les milliers de suspects qui croupissent dans les geôles de la République, Sade s'apprête à être transféré à Picpus, maison de santé et détention. Lui qui fut incarcéré dès ses 23 ans pour "débauche outrée" va y retrouver les feux de sa jeunesse. Echappant à la menace que la République vertueuse de Robespierre fait peser sur lui, grâce au dévouement d'une ancienne maîtresse, Sade développe sa philosophie, ses
révoltes et pose une fois de plus l'énigme de la fascinante répulsion qu'il éveille chez les hommes et les femmes.
 
 
   LE DIVIN PRISONNIER
Oui, j'ai été libertin. Tout ce qu'on peut concevoir dans ce
genre-là, je l'ai fait. Mais je ne suis pas un criminel, pas un meurtrier.
Il n'y a pas d'idée sans corps, et pas de corps sans idées.


Une odeur de souffre plane à la seule évocation du nom de Sade, auteur controversé du XVIIIe siècle, ayant laissé son nom à une pratique sexuelle violente et destructrice. On croit tout connaître du divin marquis, tant les biographes ont été inspirés par sa vie rocambolesque et agitée.

Pourtant, une période de sa vie reste obscure, car on manque de documents pour savoir ce qui s'est passé lors de son incarcération à la maison de santé de Picpus, sorte de ghetto pour nobles en pleine période révolutionnaire.

Fort de cette ignorance, Benoît Jacquot a choisi de se pencher sur cette année 1794, pour nous offrir une biographie imaginaire de l'auteur de Justine. Mais si Sade est au coeur du film, ce n'est pas moins qu'une évocation de la société révolutionnaire que nous offre le réalisateur. Grâce à une mise en scène classique, des décors plus que réalistes et un casting plus que parfait, Jacquot nous transporte dans une période clé de l'histoire française: celle où le peuple s'émancipe et extermine sa noblesse. Sade, dans toute sa complexité, résume à lui seul cette phase transitoire et terrifiante de la société française.

Homme libertin, immoral, noble de surcroît et mis au ban de sa caste, le divin marquis a bien du mal à se faire une place dans le microcosme où il est projeté malgré lui. Les nobles l'abhorrent, les révolutionnaires le craignent, mais la fascination qu'il exerce, de part sa personnalité hors norme et anachronique, lui vaut finalement l'admiration de ses pairs. Dans le mouroir où il est incarcéré, il saura insuffler la vie et rendre l'espoir à des hommes et des femmes pourtant voués pour la plupart à la guillotine.

Daniel Auteuil incarne magistralement le marquis impétueux, plein de fougue, de vices et de mystères, provocateur en diable et ayant voué sa vie à la dépravation et à la luxure, ne cachant rien de ses vices dans une noblesse qui se veut bienséante mais qui ne pense qu'à assouvir ses désirs sexuels tout en restant cachée. La mort est le quotidien de Picpus, en particulier lorsque les révolutionnaires y installent une fosse où ils jettent les guillotinés, et pourtant, Sade saura animer le couvent et donner envie à ses partenaires de cellule (dorée, certes, mais prison
quand même), de croire en un avenir plus rose.

L'intérêt majeur du film réside en ce contraste entre la sulfureuse réputation de Sade, et son effort constant pour animer un univers morbide. Mais il ne faut pas oublier l'interprétation magistrale de l'ensemble du casting, et nul doute que le duo Auteuil-Denicourt est en passe de devenir un des couples sacrés du cinéma français...

Une pléiade d'acteurs pleins de promesse gravitent autour des deux têtes d'affiche, notamment Isild Lebesco, qui n'est pas sans rappeler Isabelle Adjani à ses débuts, et qui incarne à merveille une jeune ingénue qui se laissera corrompre par le marquis...
Ajoutez à cela une mise en scène quasi parfaite, un scénario plutôt bien ficelé, et les lumières enchanteresses de Benoît Delhomme (qui a notamment travaillé avec Mike Figgis), et vous obtenez un film enchanteur dans lequel vous vous laisserez emporter avec plaisir et délectation. Et peut-être aurez vous l'envie ensuite de vous replongez dans l'oeuvre complète de cet homme qui n'a jamais été autant d'actualité.

- Delphine