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 (C)Ecran Noir
 1996-2000

  

Fritz Lang, Georg Wilhem Pabst et Friedrich Wilhelm Murnau,formaient le triumvirat de l'âge d'or du cinéma allemand, dans les années20. Murnau était un poète doublé d'un visionnaire; le succès l'amenajusqu'aux collines de Hollywood, mais le rapprocha aussi de la mort, quisurvint dans un accident de voiture en 1931, alors qu'il avait 42 ans.F.W. Murnau (de son vrai nom Friedrich Wilhelm Plumpe) était uninnovateur-né qui s'ingéniait infatigablement à créer des images poignanteset d'une grande beauté. Fasciné par le surnaturel, il cherchait constammentà brouiller les frontières entre le réel et l'irréel. Son but ultime étaitque le cinéma ait un langage propre. Dans ses films, le moindre plan estmotivé: une manière de partager avec le spectateur son mépris du trucagefacile.

L'univers pictural de Murnau, historien de formation, découlait dedifférents mouvements artistiques comme le romantisme, l'impressionnisme oul'expressionnisme allemand. Sa collaboration suivie avec le chef opérateurKarl Freund a donné naissance à certaines des plus belles images del'histoire du cinéma. Nosferatu est sans doute l'une de ses meilleuresoeuvres, et le Comte Orlock joué par Max Schreck, l'un des personnages lesplus marquant du Septième Art. Le regard du Comte Orlock, entouré d'uncercle de suie, exprime la plus intense des solitudes, un désespoirenfiévré qui lui donne l'air de sortir directement d'une toile d'EdvardMunch.
NOSFERATU est basé sur le roman de Bram Stoker, « Dracula ». Le titre et lenom du personnage ont été modifiés, car la veuve de Stoker avait estimé quel'adaptation de Murnau trahissait le roman. De manière fort ironique, c'estle succès de NOSFERATU qui fit vivre les écrits de Stoker. L'oeuvre deMurnau inspira des dizaines d'autres films, parmi lesquels la version deNOSFERATU signée Werner Herzog en 1979, avec Klaus Kinski.
L'histoire de NOSFERATU commence à Brême en 1838. Assoiffé de sang humain,le comte Orlock a confié à un agent immobilier le soin de lui trouver unlogement en ville. L'agent envoie son clerc, Jonathan Hutter, enTransylvanie, où réside le comte, afin de régler l'affaire.

Les plans sur le navire restent gravés dans les mémoires. Dans la calerepose une cargaison de cercueils remplis d'une terre souillée par la pestedu cimetière. Les membres de l'équipage tombent malades et meurent un à un.Un matelot donne un coup de hache dans l'un des cercueils d'où s'échappentdes rats grouillants. A ce moment le comte se dresse, rigide et effrayant,de l'un des cercueils. Un plan terrifiant, inconcevable d'horreur àl'époque... Le bateau arrive finalement au port sans équipage...
La plus grande partie du film de Murnau a été tournée avec des jeuxd'ombres. Les côtés de l'image ont été plus utilisés que d'ordinaire :c'est là que les personnages se tapissent, se recroquevillent. C'est unerègle de composition cinématographique qui veut que la tension s'exacerbedès lors que le personnage est légèrement décadré.
Les effets spéciaux de Murnau ajoutent à l'atmosphère inquiétante : lesmouvements accélérés du serviteur d'Orlock, la disparition de la diligencefantôme, l'apparition du comte , comme surgi de nulle part, etl'utilisation de l'image en négatif qui noircit le ciel et blanchit lepaysage. Le film comporte l'un des cartons les plus célèbres du cinémamuet: « Et quand il eut passé le pont, les fantômes vinrent à sa rencontre», sublime appel à l'imaginaire qui fascina des générations de cinéphiles.Quintessence du romantisme allemand, ce carton mythique allie, dans cepassage de l'autre côté du miroir, une allégorie de la mort à une parabolesur le cinéma.
NOSFERATU est considéré comme la pierre de touche de l'expressionnismeallemand. L'utilisation de lieux réels et de décors stylisés en fait unclassique de l'âge d'or du cinéma d'outre-Rhin. Bien que le Draculapitoyable incarné par Max Schreck se trouve aux antipodes de la suavitéséduisante d'un Bela Lugosi, il émane de NOSFERATU un alanguissementquasi-érotique. L'historienne du cinéma Lotte Eisner verra dans NOSFERATUune expression de l'homosexualité tourmentée et de l'aliénation de Murnau.Et pourtant, NOSFERATU reste un film profondément empreint de romantisme,marqué d'une inébranlable foi dans le pouvoir rédempteur de l'amour, thèmerécurrent dans l'oeuvre de Murnau.
Mais, cette SYMPHONIE DE L'HORREUR (sous titre de NOSFERATU) prend sapleine signification quand on la resitue dans le climat qui voit naître lefilm, celui d'une Allemagne encore rongée par la défaite, en proie à toutesles incertitudes, morales, politiques et économiques. Les rats peuvent semultiplier et les tyrans sortir de leur retraite tel le comte Orlock.Ceux-ci ne manqueront d'ailleurs pas de le faire dans la réalité avec unétrange synchronisme, conférant à NOSFERATU une aura particulière et desrésonances fortement symboliques.

Murnau a réalisé vingt-deux films, mais reste principalement connupour les chefs-d'oeuvre que sont NOSFERATU (1921), LE DERNIER DES HOMMES(1924), avec Emil Jannings dans le rôle d'un portier d'hôtel détruit par laperte de son emploi, et L'AURORE (1927), qui permit à Janet Gaynor deremporter l'Oscar de la Meilleure Actrice dans le rôle d'une femme que sonmari cherche à assassiner. Murnau décédera quelques jours avant la premièrede son dernier film, TABOU (1931).

MAX SCHRECK, UN INTERPRETE DE LEGENDE:
Max Schreck est né à Berlin en 1879. Très présent au théâtre, enparticulier à Munich et à Berlin, il est apparu dans près de cinquantefilms, dont le NOSFERATU de Murnau. Sa prestation dans ce rôle de vampirerestera éternellement attachée à son nom, surtout à l'étranger où on alongtemps cru qu'il s'agissait d'un pseudonyme (« Schreck » signifie eneffet « effroi » en allemand). En Allemagne, Max Schreck est connu pour saparticipation à L'ALCADE DE ZALA MEA (L. Berger, 1920), LA RUE (K. Grüne,1923), LE MARCHAND DE VENISE (P.P. Felner, 1923) ou encore LES FINANCES DUGRAND DUC, pour lequel il retrouve Murnau en 1924. Max Schreck est décédéd'une crise cardiaque en 1936, à Munich, à l'âge de 57 ans.
La qualité de son interprétation du Comte Orlock suscita à l'époque lesrumeurs les plus folles, les plus délirantes: Murnau aurait tenu lui-mêmele rôle du vampire, l'acteur serait mort avant le tournage, il s'agiraitmême peut-être d'un véritable vampire...

L'EXPRESSIONNISME EN QUELQUES DATES:
Le mouvement expressionniste qui affirmait un art paroxystique etrévolté, fut principalement allemand. Il marqua profondément la peinture,la littérature et le théâtre outre-Rhin entre 1908 et 1918. Sa rencontreavec le cinéma, brève et tardive, se produisit alors que naissait laRépublique de Weimar (1919) et que le pays, humilié par la défaite de laPremière guerre mondiale, politiquement déçu, en proie à une inflationgalopante, avait perdu ses repères. Produit de l'angoisse et du repli, lecinéma expressionniste fuyait toute représentation réaliste, sans refuserpour autant figuration et narration. Conçu à l'abri du monde, à la lumièreexclusive du studio, il se complaisait dans l'exaspération des formes etdes contrastes, dans la déréalisation des décors et des personnages, pourbâtir un monde d'artifices à la limite de l'abstraction.
(Extrait de « Ecoles, genres et mouvements au cinéma », de Vincent Pinel.)

1905 : Le peintre Ernst-Ludwig Kirchner fonde, à Dresde, le groupe artistique Die Brücke (« Le Pont »). Die Brücke répond, en Allemagne, au mouvementpictural qui est en train d'essaimer l'EUROPE (Munch en Norvège, Soutine etChagall en France, Auberjonois en Suisse, Sluyters aux Pays-Bas, voireSegall et Portinari au Brésil) appelé expressionnisme, et qui a subi, deprès ou de loin, l'influence d'écrivains tels que Kafka - angoisse del'individu devant la force d'agression des autres- ou Rilke - obsession dela mort, impuissance à être.

1912 : Les peintres Kandisky, Klee et Marc constituent le groupe Der blaueReiter (« Le cavalier bleu ») à Munich.

1913: Le danois Stellan Dye réalise L'ETUDIANT DE PRAGUE, que l'onconsidère aujourd'hui comme le premier film expressionniste, qui racontel'histoire d'un dédoublement de l'âme, un thème cher aux romantiquesallemands. Henrik Galeen en réalise le remake en 1926. Max Reinhardts'essaie au cinéma avec L'ILE DES BIENHEUREUX. L'influence du célèbremetteur en scène du Deutches Theater de Berlin sera énorme sur les futurstenants du courant expressionniste allemand au cinéma tels que Muranu, Leniet Weneger, mais aussi sur des cinéastes comme Ernst Lubitsch ou WilliamDieterle, qui fut également acteur dans LE CABINET DES FIGURES DE CIRE etFAUST.

1914 : Réalisation de GOLEM de Paul Wegener, acteur formé à l'école de MaxReinhardt et passé derrière la caméra. Wegener réalise une seconde versiondu GOLEM en 1920.

1919 : Robert Wiene réalise LE CABINET DU DOCTEUR CALIGARI, directementinfluencé par les recherches picturales des groupes Die Brücke et Des BlaueReiter. Ce film , extraordinaire recherche esthétique sur la lumière et lesdécors , est considéré comme l'un des sommets de expressionnisme.

1920 : DE L'AUBE A MINUIT de Karl Heinz Martin, fait reposer tout le filmsur des effets graphiques en sorte que les êtres humains ne sont plus vuscomme tels. Le film avait été terminé avant LE CABINET DU DOCTEUR CALIGARImais ne fut pas montré en Allemagne.
ALGOL de Hans Werckmeister.
TORGUS de Hanns Kobe.

1921: NOSFERATU, de F.W. Murnau, voit le genre sortir des studios pour seconfronter au réalisme des décors naturels.

1923 : LE MONTREUR D'OMBRES de Arthur Robinson.
RASKOLINIKOV de Robert Wiene.

1924 : LE CABINET DES FIGURES DE CIRE de Paul Leni, autre référence dumouvement expressionniste et qui annonce un film comme IVAN LE TERRIBLE deS.M. Eisenstein.
LES MAINS D'ORLAC de Robert Wiene.

1926 : FAUST de F. W. Murnau

1927 : METROPOLIS de Fritz Lang, considéré aujourd'hui , à l'instar deNOSFERATU, comme une prémonition de la montée nazie en Allemagne. FritzLang ne s'est cependant jamais considéré comme un expressionniste.

1932 : L'ATLANTIDE de G. W. Pabst, d'après le roman de Pierre Benoist etremake du film de Jacques Feyder (1921), est encore très influencé parexpressionnisme au travers de décors oniriques signés Ernö Metzner et d'ungigantesque travail sur les jeux d'ombres et de lumières.

1933 : Dans LE TESTAMENT DU DOCTEUR MABUSE de Fritz Lang, se reflèteencore certaines singularités de expressionnisme, mais le mouvement a vécu.

Par la suite, l'influence de expressionnisme reste encore un momentsensible en Union Soviétique. On en retrouve le trace dans les éclairageset les cadrages du cinéma noir américain des années 40-50, chez RobertSiodmak, Samuel Fuller ou Orson Welles. En 1990, le plasticien et metteuren scène de théâtre Peter Sellars réalise LE CABINET DU DOCTEUR RAMIREA,hommage au film de Robert Wiene, tourné sans dialogue.