Pas si élémentaire que ça, ma chère Watson

Mais ne croyons pas que le casting fut évident. Au départ Amélie était Emily. Watson. L'actrice de Breaking the waves, qui donc devait incarner une anglaise venant vivre à Montmartre. Mais Emily tombe enceinte et ne peut accepter un tournage si long. Amélie devient Audrey grâce à la complicité du directeur de casting (Benissiou). Audrey créé Amélie.
Pour le reste du casting, ce fut plus simple. Kasso, il l'a rencontré plusieurs années auparavant lors du festival du Film court de Brest, et ils appartiennent à la même famille cinématographique, Jamel, Dominique Pinon, Rufus font partie de ses gueules à la Michel Simon que Jeunet affectionne. Seul le rôle de l'Homme de verre posait problème. Trintignant était pressenti, mais il ne veut plus faire de cinéma. Trintignant ca aurait été un lien logique vers Audiard, avec Kasso... Serrault fut le second choix. Mais il était trop cher. Et il a préféré Belphegor. Ce fut donc Serge Merlin, qui par son absence de notoriété, augmente l'impact de Tautou sur le film...

Le pari d'Amélie c'est Paris

Amélie est née avant Alien. A l'époque Jeunet compilait des anecdotes, des idées ; il n'y avait pas un sujet de film précis, et cela pouvait partir dans 4-5 directions différentes.
Il s'inspirait d'observations, d'histoires vécues (le poisson rouge), de romans (Paul Auster), de la vie de collectionneur de Michel Folco (les photomatons), un film de Vecchiali, de BD de Tardi (le même amour de Paris), d'un style imaginaire à la Prévert...
Car c'est bien Paris qu'il voulait filmer.
" Amélie est un film sur la victoire de l'imagination, ce qui m'amusait, c'était de retrouver, d'imaginer, de réinventer un Paris idéal... ", déclare-t-il.
C'est d'autant plus vrai qu'avant de finaliser ce projet, la FOX l'appelle pour réaliser le quatrième Alien, et qu'après une année sous les palmiers, il ne rêve que de Paris...
Un Paris recréé, pour l'occasion : sans époque, même si l'histoire se passe à la fin des années 90, un peu rétro (citroën DS), sans embouteillage ou stationnement sauvage, relativement printanier, avec des affiches belles et colorées, cohérentes entre elles, aucun graffiti, et un ciel constamment bleuté. " Chaque plan doit être un tableau " se justifie-t-il en citant Kurosawa. Cette exigence esthétique a demande un travail de post production chez Duboi (Le Pacte des loups, Astérix, Alien IV). L'étalonneur était constamment sur le tournage pour assister le directeur photo, Bruno Delbonnel, un copain de 25 ans de Jeunet. C'est aussi le premier film sans Khondji pour Jeunet. Le résultat est saisissant.
Ce cocktail donne une tonalité différente des autres opus du cinéaste, où il remplace la noirceur romantique par une poésie amoureuse plus optimiste.
C'est aussi la première fois que Jeunet tourne en extérieur. Comme il l'avoue lui-même, il fallait bien y passer un jour. Il n'a pas aimé, d'ailleurs. Trop incontrôlable : les gens, le temps, l'argent que cela fait perdre...
Et donc de ce mélange de tournage rue Lepic, rue des Trois Frères et Gare de l'Est, il y a un an, de ces images piquées au zapping de Canal + (l'hallucination du cheval dans la course cycliste), de la découverte de Jamel au temps de Radio Nova, ou encore d'un CD de Yann Tiersen écouté par une stagiaire, de ces Foutaises est né Amélie.

Ce que j'aime bien c'est quand les histoires se finissent bien.

Le film a été acheté un million de dollars par Miramax, cet hiver, dès sa présentation au marché du film américain de Los Angeles. Outre l'Oscar du meilleur film étranger que vise le studio indépendant, Miramax espère surtout faire encore mieux que La Cité des enfants perdus et ses 5 millions de $ de recettes. Jeunet est apprécié. " Amelie from Montmartre " sortira sur les écrans US cet automne.
Chronique d'un triomphe annoncé ? En France, il fera au minimum 2 millions d'entrées et part déjà favori pour les prochains César. Il peut espérer avec une bonne campagne et un excellent bouche à oreille 4 à 5 millions d'entrées.
Le film est fait pour rendre les gens heureux. Il transpire une nouvelle maturité de la part de Jeunet, qui souhaitait un film positif, où l'on construit plutôt que l'on détruit.
" J'avais envie de faire un film qui soit léger, qui fasse rêver, qui fasse plaisir.... "

Vincy

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