Rédaction: Romain
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Christophe Gans : Portrait d'un réalisateur aussi méconnu qu'incontournable

Certains metteurs en scène révolutionnent le monde du cinéma en signant des oeuvres d'un genre nouveau, abordant une thématique inexplorée, ou encore en proposant un aspect formaliste jamais vu auparavant. Godard fait partie de ces réalisateurs, ou, plus récemment, Lars Von Trier (à tort ou à raison).
Christophe Gans s'attache quant à lui à transformer, non pas le cinéma existant, mais plutôt le regard du spectateur sur celui-ci. C'est-à-dire qu'au début des années 80, il prend très tôt la défense de certains genres de films méprisés par l'esprit fermé d'une certaine élite intellectuelle française qui s'enfonce progressivement dans le cercle adipeux d'un cinéma nombriliste.
Aujourd'hui, l'année 2000 s'est placée sous le signe asiatique, s'enthousiasmant surtout pour Tigre et Dragon, l'hommage suprême et magnifique d'Ang Lee dédié aux films de genre chevaleresque Chinois. Or, rien ne se créant par hasard, et encore moins les phénomènes de foule, Christophe Gans, à son niveau, peut se targuer d'être l'un des responsables de l'ombre de cet avènement enjoué pour les valeurs perdues de cette forme de cinéma : le cinéma spectacle.

Dès l'enfance, le jeune Christophe développe une passion irraisonnée pour le cinéma, surtout quand, à peine adolescent, il découvre stupéfait le film de Brian De Palma : Phantom of the Paradise. Il sait dorénavant que le cinéma deviendra sa vie, et son désir de devenir réalisateur sa seule ambition. Ayant la chance d'habiter le sud de la France, il se rend chaque année sur la croisette pour assister en douce aux projections des films du Festival de Cannes. Il y découvrira les longs-métrages de ses maîtres à penser actuels : Cronenberg, Romero, Hooper ou Ferrara. C'est un véritable choc, il commence dès lors à dévorer le cinéma à corps perdu, jonglant sans cesse entre les salles de la région pour tenter de voir tous les films, et même, ceux projetés après la frontière italienne, rarement distribués en France. Il se forge rapidement un goût prononcé pour la série B et le film d'horreur, les films étrangers (surtout Japonais) et bien sûr, les films de Kung-Fu qui font leur apparition dans l'hexagone.
Mais ses connaissances de cinéphile ne suffisent plus à maintenir son désir de réaliser lui aussi ses propres films. Ses parents lui permettent de se rendre à Paris pour passer le concours de l'Idhec (nouvellement la Femis). Il y rentre avec succès à tout juste 18 ans et crée avec des amis un fanzine sur le cinéma de série B : "Rhésus Zéro". Ses références font sourire au sein de l'école, mais Gans n'en démord pas, et en fait même son cheval de bataille. Il y réalise un premier court-métrage, Silver Slime, qui rend hommage aux maîtres de l'horreur italiens Mario Bava et Dario Argento. C'est la première occasion pour Gans de se faire remarquer puisque le film remporte un succès non négligeable au Festival du Film Fantastique de Paris en 1982. Malheureusement, à la sortie de l'Idhec, il n'arrive plus à trouver de moyens financiers suffisants pour enchaîner sur d'autres projets, se confrontant au CNC qui n'apprécie guère ses choix de réalisateur.
Loin de courber l'échine, Gans se place en grand défenseur du cinéma de genre en créant "Starfix", le premier magazine de cinéma dédié à des réalisateurs méprisés en France comme Cronenberg, Carpenter, Ferrara ou John Woo. Aux côtés de son ami d'enfance Nicolas Boukhrief (Va mourir, Le plaisir et ses petits tracas), de François Cognard et Dominique Monrocq, Christophe Gans va susciter un phénomène de culte autour de "Starfix" pour de nombreux fans qui y retrouveront leurs goûts ou de nouvelles valeurs fortes.
À la fin des années 80, Gans se fatigue de la rédaction du journal et décide de relancer sa carrière de metteur en scène. Il va rencontrer le producteur Samuel Hadida avec qui il va développer de nombreux projets de films à venir. C'est ainsi qu'il écrit et tourne The Drowned, le premier segment d'un film fantastique à sketches : Necronomicon (1993). C'est grâce à ce dernier que les financiers de Crying Freeman voient en lui le réalisateur idéal pour porter à bien cette difficile adaptation du célèbre manga japonais. Gans se réapproprie le scénario original et tourne le film en un temps record dans les forêts de Vancouver au Canada.
La sortie du film en France (1996) ne fera malheureusement qu'un nombre moyen d'entrées (800 000) dû à une promotion bien trop discrète.
Avant de se pencher sur Le Pacte des Loups, Gans a travaillé deux années durant sur Nemo, une sorte de revisitation de "Vingt mille lieues sous les mers", sans avoir trouvé auprès des producteurs les moyens suffisants pour le réaliser. Pour contenter ses "besoins" cinéphiles, il lance une collection de cassettes vidéo sous le label "HK ", qui traite exclusivement du cinéma asiatique et permet à beaucoup de metteurs en scène de ses lointaines contrées de se faire connaître en France.
Gageons néanmoins qu'après le succès annoncé du Pacte, Christophe Gans ne trouvera plus beaucoup d'obstacles sur la route de ses désirs cinématographiques.

.../Un film sous influence