Production : Thousand Words, MediaStream III, Wildwood enterprises
Distribution : UFD
Réalisation : Pietter Jan Brugge
Scénario : Justin Haythe
Montage : Kevin Trent
Photo : Denis Lenoir
Décors : Chris Gorak
Musique : Craig Armstrong
Costumes : Florence-Isabelle Megginson
Durée : 94 mn Ê

Casting :

Robert Redford :Wayne Haynes
Helen Mirren : Eileen Hayes
Willem Dafoe :Arnold Mack
Alessandro Nivola : Tim Hayes
Matt Craven : Agent Ray Fuller
Melissa Sagemiller : Jill Hayes
Wendy Crewson : Louise Miller
Larry Pine : Tom Finch
Diana Scarwid : Eva Finch
Elizabeth Ruscio : Cindy Mack

 

 
Robert Redford
Willem Dafoe
Site officiel
  (c) Ecran Noir 96-04
The Clearing / L'enlèvement 
USA / 2004 / Sortie France le 24 novembre 2004 
 
 
Wayne et Eileen Hayes int une belle vie dans la ville de Pittsburgh. Il a réussit à batir une jolie fortune dans la Location de voitures. Ils ont une belle villa, avec piscine. Eileen a une vie plutôt oisive, et un peu ennuyante depuis le départ des deux enfants. Wayne ne parvient pas à "raccrocher". Il a une maîtresse, s'est trouvé un job d'administrateur, met son costume cravate tous les jours.
Mais ce jour-là, Arnold Mack, un de ses anciens employés, chômeur, monte dans sa voiture pour lui parler.
Le soir, Wayne ne rentre pas alors qu'ils ont un dîner avec des amis. Eileen prévient la police durant la nuit. Ses enfants reviennent. Personne n'a de nouvelles. Et les ravisseurs n'émettent aucun message. L'angoisse commence. Ê
 
   Dédié au cinéaste Alan Pakula (Les hommes du Président, L'affaire Pélican), le film prend ses racines dans un certain cinéma d'auteur américain et une volonté de faire passer encore quelques messages dans un script. On comprend l'intérêt d'un Redford pour ce projet. Il a d'ailleurs clairement soutenu le projet, en insistant sur quelques séances de réécritures nécessaires, et lui a offert un lancement dans son festival, Sundance, au début de l'année. Tournée en Caroline du Nord à l'automne 2002 et à Pittsburgh (la ville) et Atlanta (la résidence) pour le reste, le film sort aux Etats Unis à l'été 2004 seulement, espérant draguer un public adulte pendant la déferlante des blockbusters. A peine 6 millions de $ au Box Office.
C'était la première fois depuis longtemps que Redford tourne dans un premier film, et qui plus est dans une production modeste, où il a d'ailleurs mis quelques unes de ses billes, convaincu par le scénario. L'idée provient de Pieter Jan Brugge, plus connu pour être le producteur de films réputés comme Glory ou Révélations (The Insider). "J'avais entendu parlé d'un cas de kidnapping qui m'avait captivé, dans ma Hollande natale, au milieu des années 80." Il en fera la trame de son premier film de réalisateur, aidé par le scénariste Justin Haythe, dont c'est le premier script. Notons la présence du directeur de la photo français Denis Lenoir, habitué aux univers d'Assayas, Tavernier, Leconte...
Devant la caméra, outre Redford, dont le dernier hit remonte à 2001 avec Spy Game, on retrouve Willem Dafoe, ancien méchant de SpiderMan et bientôt à l'affiche des films de Wes Anderson, Martin Scorsese et Lars Von Trier. Dans le rôle central - et féminin - Helen Mirren est impeccable, déjà admirée dans Gosford Park, The Pledge, Excalibur et sur scène en tant que membre de la Royal Shakespeare Company.


 

 
LA RAVISSANTE ET LE RAVISSEUR

"- Tout le monde souffre, pas vrai?"

En apparence, ce film indépendant a tout l'air d'un bon thriller d'auteur. Il a ce je ne sais quoi de fascinant, essentiellement porté par trois grands comédiens. Mais il a aussi - très vite - atteint sa propre limite, narrative surtout. Car on comprend vite que les deux histoires racontées en parallèle ne le sont pas dans le même espace temps. L'une se déroule sur des jours et des jours quand l'autre n'a que 24 heures de vie. Dès lors on devine l'issue certaine d'un des protagonistes.
A cela s'ajoute un autre défaut, plus gênant d'un point de vue cinématographique, en l'absence de profondeur. Certains échanges entre le ravisseur et son kidnappé, certaines séquences autour de la ravissante épouse du disparue, aurait mérité un traitement qui donne plus de sens à cet acte imprévisible. Une dimension plus générale - humainement et socialement parlant - n'aurait pas dénaturer le film. Le récit semble du coup trop superficiel face à tant de gravité. Ce sentiment est renforcé par la séquence finale, relativement hors-sujet, et légèrement sirupeuse.
Pourtant. Ce portrait de deux Amériques, celle de Redford, opulente, et celle de Dafoe, en détresse, pouvait donner lieu à un duel passionnant. D'autant que le premier a acquis son statut avec la force de son travail quand l'autre devient un bête terroriste sans morale. Dans le même genre, The Edukators, bien que plus didactique, renvoie deux conceptions du monde plus légitimes, plus nuancées, moins manichéennes. On a du mal à voir Redford comme quelqu'un qui n'aurait pas mérité sa vie, et Dafoe comme quelqu'un qui justifierait son acte. C'est aussi pour cela que le film se détourne de son propos pour aboutir aux relations entre deux époux et finalement au bilan d'une vie, où il ne reste que l'amour, et son relatif échec. Cela donne la plus belle séquence du film : la confrontation de l'épouse et de la maîtresse. Helen Mirren prouve là tout son talent. Elle apporte une beauté intérieure à son personnage, sans surjouer, sans extravagances hollywoodiennes. Elle encaisse, à merveille, chacun des coups. C'est ce qui donne le relief au film : sa sobriété. Le couple est immédiatement uni dans le regard du spectateur. Même si Redford a pris un sérieux coup de vieux. La musique de Craig Armstrong épouse parfaitement les allers retours entre la forêt, la ville et la villa. La photo est soignée. Le film est élégant. Et se salit dans la boue le temps d'une scène bestiale, et certainement la plus identitaire, un combat entre deux hommes plus trop jeunes qui se battent pour leur survie. Il y en a un qui a une morale, l'autre pas. L'intelligence peut être notre pire ennemie. En cela le profil psychologique et son adéquation dans le scénario sont justes. D'inquiétudes en non dits, de scènes muettes et courtes en échanges verbaux brefs et incisifs, le film ne s'embarrasse pas de beaux atours et de jolis apparats. Ce dénument correspond très bien au sujet central du film : la possessivité, sale virus qui nous conduit à être égoïste, cupide, exclusif.
L'Enlèvement dépossède une famille de son principal fournisseur de cash, de son repère (le père) aussi. Elle oblige au partage : les souffrances, les questions, les vérités, l'amour d'un individu. C'est hélas trop allégorique pour que l'on puisse se laisser transporter dans ce deuil final. Accepter sa place dans le monde n'est pas une réponse suffisante, alors peut-être que la clarification que nous attendions était trop confuse à l'arrivée. Tandis que Redford s'interroge sur la trace affective qu'il va laisser, le film, au final, n'en laisse presque pas. Ca se voulait sauvage, et c'est trop domestique. Pas assez intense, voilà tout.

- Vincy