Production : Les Films Alain Sarde, StudioCanal, Zoulou Films, France 3 cinema, Assise productions
Distribution : Mars films
Réalisation : Patrice Leconte
Scénario : Jérôme Tonnerre, Patrice Leconte
Photographie : Eduardo Serra
Son : Paul Laine
Musique : Pascal Estève
Montage : Joëlle Hache
Durée : 104 mn

Casting :

Sandrine Bonnaire : Anna
Fabrice Luchini : William
Michel Duchaussoy : Dr. Monnier
Anne Brochet : Jeanne
Gibert Melki : Marc
Laurent Gamelon : Luc
Hélène Surgère : Mme Mulon

 

 
Sandrine Bonnaire sur EN
Fabrice Luchini sur EN
Patrice Leconte sur EN
  (c) Ecran Noir 96-04
Confidences trop intimes 
France / 2004 / Sortie France le 25 février 2004 
 
 
Anna se trompe de porte. Elle confond la droite de la gauche. Au lieu d'arriver chez le psy, le Dr. Monnier, elle entre chez le conseiller fiscal, William Faber. Conseiller de père en fils. Et alors, Anna se livre. Elle offre en apéritif, quelques confidences. La méprise n'est pas corrigée puisque Faber est soudainement fasciné par ces confessions. Comme une respiration qui lui donne une bouffée d'air pur.
Le jeu continue durant quelques séances; Faber va chercher des conseils chez le Docteur Monnier. Mais Anna découvre le subterfuge et ne vient plus.
Faber commence à prendre conscience de ce qu'il a perdu. Mais aussi de cette vie qui l'étouffe.
 
   Tous les ans, un petit Leconte pour réchauffer nos hivers. Ce sur-actif est bien plus réputé à l'extérieur des frontières françaises que dans les salles de cinéma de son propre pays. Pour exemple, L'Homme du train, son précédent film, a réalisé 700 000 entrées dans le monde depuis un an - avec un gros paquet de spectateurs aux USA. Car Leconte cumule les échecs injustes (L'homme du train, La fille sur le pont), les films maladroits (Félix et lola, La veuve de Saint Pierre) et les ratages (Rue des plaisirs, Une chance sur deux) depuis son triomphe public, critique et césarisé de Ridicule en 1996. Comme son cinéma ne parvenait pas à trouver sa place dans le système français. Le public préfère revoir en masse ses Bronzés des années 70. Et la critique ne l'estime jamais comme auteur, trop occupée à distribuer des étiquettes.
Ce film ne devrait pas trouver une solution à cette équation. Cette sortie "moyenne" (200 salles de cinéma) en pleines vacances, avec battage médiatique autour de Leconte (en radio), Bonnaire et Luchini (en télé), vise essentiellement le public adulte absolument pas tenté par le film d'action de John Woo et le western de Kevin Costner. Reste le film touchant de Jim Sheridan qui vise le même public...
Qu'est-ce qui fera la différence? Luchini, certainement. Car Bonnaire n'a jamais été un gage de box office (malgré quelques jolis succès récents depuis qu'elle est sortie de son registre de films "art et essai"). Luchini, qui affiche complet au théâtre depuis des années (entre lectures de Céline et reprise de Jouvet), fait le plein à chaque télé. Un numéro plus que rodé qui lui permet d'avoir un public gagné d'avance. Après un hiatus de plus de 3 ans, il est revenu sur les plateaux de cinéma. Radin constipé et célibataire dans Le Coût de la vie, sorti l'été dernier, ilm avait séduit 1 100 000 spectateurs. Succès surprise et l'un des dix films les plus rentables de l'année. La côte d'amour pour Luchini ne s'est pas éteinte après 6 ans d'absence en haut du Box Office. C'est ici sa première fois avec Leconte et Bonnaire - qui, elle, retrouve son réalisateur de Monsieur Hire (1987).
On retrouve aussi, avec plaisir, Anne Brochet (ancienne Roxanne chez Rappeneau), Gilbert Melki (loin de La vérité si je mens) et Michel Duchaussoy (qui était sur scène dans "Phèdre" de Chéreau l'an dernier). Joli casting presqu'intello. Au point que la plupart des médias se mélangent les pinceaux avec le titre (qu'ils nomment plus souvent Confessions trop intimes que Confidences...).
Mais, si le public boude une fois de plus ce film promis aux festivals (déjà Berlin) et aux salles art et essai des grandes villes anglo-saxonnes, on sera évidemment ravi d'apprendre que le prochain film de Leconte sera une comédie. Et pas n'importe laquelle : il retrouvera l'équipe du Splendid au complet, plus d'un quart de siècle après Les Bronzés. C'est promis pour fin 2005, début 2006. Même si l'expérience nous incite à être précuationner avec ce type d'événements. Rare l'attente est à la hauteur des espérances...
 
 
TANT D'HAINE

"- Mon mari ne me touche plus. Bon, je préfère ça que d'être une femme battue."

Le cinéma de Patrice Leconte est romantique. La plupart de ses films font en effet prévaloir les sentiments sur la raison. Cela échoue parfois (le débandant Rue des Plaisirs). Ou, a contrario, il réussit son coup (La fille sur le pont). Habile cinéaste, sachant s'entourer des meilleurs pour appuyer son style, pour forcer l'esthétisme, il impose rapidement le ton. Ici, pas loin de Monsieur Hire, nous nous enfonçons dans le fauteuil en palpitant d'avance face à ce duel qui regarde de biais Fenêtre sur cour. Après tout, la musique est dramatique, et omniprésente (jusqu'à saturation et indigestion). Il va forcément se passer quelque chose. La lumière éclaire un "film noir" d'apparence . Même le scénario offre un "twist" qui nous permet d'envisager la plongée dans les bas fonds de l'angoisse. Tout se veut inquiétant. C'est à peine captivant. Et ce sera le principal reproche à faire à ce film bien écrit (mais revoyez L'Homme du train, c'est bien plus jouissif).
Pourquoi, donc, dramatiser ce jeu de rôles alors qu'il s'agirait presque d'une comédie douce amère? Ce déraillement montre à quel point le cinéaste n'a pas eu une vision claire de son film. Enfermé sans doute dans ses propres limites. En effet, ces confidences de barjos sont d'une pudeur désuète, et même peu réaliste, trop poétique pour nous envoyer en l'air. Pas de quoi fouetter une chatte. Rien de cru à se mettre sous la dent (et encore moins sous les yeux hormis un décolleté plongeant). Tous ces gens sont bien élevés, tout est bien étudié. Maestro des tandems de cinéma, il s'offre un duo d'agneaux à peine mordant.
Mais là, le film suscite notre intérêt. Derrière tout ce classicisme, il y a le matériau brut, le jeu des comédiens. S'il gâche, un à un, tous les seconds-rôles (on lui en voudrait presque d'avoir gaspillé le talent d'Anne Brochet), il nous régale avec Sandrine Bonnaire et Fabrice Luchini. La première est une embellie en soi. Elle étonne par ses nuances, ses changements de regard instantanés, passant de la dureté à la séduction en un clin d'oeil. Mais c'est Luchini qui retient l'attention. Cela faisait longtemps qu'il ne nous avait pas, à ce point, bluffé. Moins bavard, observateur, à l'écoute, il est en phase avec son personnage trop sérieux et enfantin. Il se permet un rock endiablé en solo, qui pour le coup, nous scotche.
Et il ne faut pas s'étonner si le film n'est pas celui auquel on s'attend. Le titre est trompeur. Les confessions d'Anna n'ont pas d'importance, tant elles sont superficielles et ne servent que de prétextes. Dans cette ambiance faussement Nothomb, où la dérision se mélange à la prise de conscience, c'est la transformation de William qui est au coeur du film. Tous ces mots, tous ces rituels lui permettront, via le divan, de couper le cordon. Vieux garçon joué avec précision. De quiproquos en ironie décalée, le film ne nous emporte hélas pas plus loin. Même la caméra semble hésiter entre un film posé, sage et une aventure plus nerveuse, un peu floue. A l'image de la photo d'Edouardo Serra. La bonne idée de départ s'enlise un peu dans des considérations vides de sens. C'est un film intérieur cuir. Beau au toucher, rien d'obscène, et franchement déconseillé pour du tout terrain.
Les effets sont un peu attendus, pour ne pas dire devinés. L'imaginaire se heurte vite à ses propres frontières. Intriguant certes. Mais ce montage à la Hache (c'est le nom de la chef monteuse) ne nous émeut jamais. La caméra nous montre trop ce que nous avons à voir. Le moment est agréable. Mais trop de freudien, jusqu'au Zippo transitionnel, achève le propos. Il ne faudrait pas parler pendant l'amour. Ces confidences, belles à entendre, sont trop artificielles à voir. L'intime est trop chaste. Point d'orgasme. Bref, on ne monte pas en haut, comme elle dit. Peut-être en demandait-on trop avec des personnages si prisonniers de leur passé. Réalisateur inclus.

- Vincy