Production : Eskwad, Studio Images 9, Contre Prod, Canal + et Cinécinéma
Distribution : Mars Distribution
Réalisation : Nicolas Boukhrief
Scénario : Nicolas Boukhrief, Eric Besnard
Montage : Jacqueline Mariani
Photo : Dominique Colin
Décors : Laurent Allaire
Son : Cyril Moisson
Musique : Nicolas Baby
Maquillage : Judith Gayo
Durée : 95 mn

Casting :

Albert Dupontel :Alexandre Demarre
François Berléand :Bernard
Jean Dujardin : Jacques
Claude Perron : Nicole
Julien Boisselier : La Belette
Philippe Laudenbach : La Momie
Aure Atika :Isabelle

 

 
Aure Atika
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  (c) Ecran Noir 96-04
Le convoyeur; 
France / 2004 / Sortie France le 14 avril 2004 
 
 
La société de transport de fonds Vigilante a la vie dure. Trois violents braquages dans l'année. Aucun survivant. Sans parler du risque de dépôt de bilan. Alors qu'on évoque une possible complicité entre les braqueurs et certains convoyeurs, le "bleu" Alexandre Demarre entame sa première journée de travail. Ce nouvel arrivant discret et énigmatique éveille très vite les soupçons de ses nouveaux collègues.
 
   Cinq ans séparent Le plaisir (et ses petits tracas) du Convoyeur. Cinq années synonymes de grands changements pour Nicolas Boukhrief. Créateur en 1983 de la revue culte "Starfix" aux côtés de Christopher Gans, scénariste d'Assassins de Kassovitz et Tout le monde n'a pas eu la chance d'avoir des parents communistes de Jean-Jacques Zibermann, il est nommé à la tête de Canal + Ecriture pour l'aide à l'élaboration des scénarios des jeunes loups comme Dupontel et Kounen. Un passage remarqué derrière la caméra avec Va mourire ! en 1995 et tout s'enchaîne. Animateur de "Mon Ciné-club" sur la chaîne cryptée, il monte dès 1997 Eskwad en compagnie de Richard Grandpierre. Au menu : Comme un aimant d'Akhenaton, Les morsures de l'aube d'Antoine de Caunes, Irréversible de Gaspard Noé et Le pacte des loups (en attendant Bob Morane et Rahan). L'échec critique et financier de son deuxième film change la donne. Boukhrief quitte Canal + en 1998 pour se consacrer entièrement à un nouveau projet. Par conviction aussi : "Je gagnais trop d'argent. Je n'avais pas le niveau de vie de mes entrées en salles" (Synopsis, avril 2004).
Après le projet avorté d'une comédie sur un serial killer, Boukhrief soumet à Eric Besnard l'idée d'un scénario sur le quotidien des convoyeurs. Témoignages à l'appui. Face au refus catégorique des gens de la profession, une journaliste est chargée de mener l'enquête. Les rencontres anonymes organisées dans des bars, les entretiens téléphoniques servent de bases au scénario. La distribution elle n'a posé aucun problème. Depuis le début Boukhrief songeait à offrir le rôle principal à Dupontel et aucun des acteurs sollicités n'a refusé de participer au film. Seul film français en compétition au Festival du film Policier de Cognac 2004 Le Convoyeur a largement été boudé par un jury présidé par Roger Spottiswoode (Demain ne meurt jamais) entouré de Marina Foïs, Chantal Lauby, Jean Hughes Anglade, Jean-Paul Rouve et Johnny Hallyday.
 
 
LE PLUS BEAU METIER DU MONDE

"- C'est la crise. Même le shit se vend plus"

Voilà un juste retour des choses. En 2004 Boukhrief fonce d'entrée. A l'image de la séquence initiale du Convoyeur. Du brut en pleine poire. Une attaque de fourgon aussi violente qu'inattendue. Mieux vaut s'accrocher. En bon aficionado de films noirs Boukhrief ne boude pas son plaisir. Le petit Nicolas a pris du galon.
Pas de stylisation outrée de la mise en scène ou des personnages. Ses convoyeurs ne ressemblent jamais à des héros. Juste des morts-vivants. Coincés dans des boites de sardines à quatre roues. Les proches cousins des flics de Richard Fleischer (Les flics ne dorment pas la nuit) ou Robert Aldrich (Bande de flics). Comme eux, la Momie, la Belette et ses potes tentent de survivre. Bon gré mal gré. A chaque coin de rue la mort les guette. Autant l'exorciser. Drogues et alcools aidant. L'humour en guise de pied de nez. Le personnage de François Berléand oscillant entre rage et cruauté en est l'exemple le plus probant. On frôle parfois la caricature. La maîtrise scénique de Boukhrief équilibre assez habilement l'ensemble.
L'ennemi lui ne plaisante pas. Et arbore une multitude de curieux visages. Du petit "glandeur" de cité avec un "nique ta mère" et des crachats pour seule arme. Des fedayins de banlieue kalachnikov et kefhieh de rigueur. Jusqu'aux braqueurs aguerris armés comme en temps de guerre. Au milieu l'étrange Dupontel. Aux oubliettes les coups de pélloche intempestifs et le copinage avec les hyènes. Boukhrief glisse uniquement son nom. Distille (et filme magnifiquement) de minces indices censés peaufiner notre jugement. Flic, voyou ou taupe ? Le jeu tout en nuances - et grande classe - de l'acteur, les révélations sur son passé lèvent peu à peu le voile. Comme les morceaux d'un puzzle qui s'assemblent au compte-goutte. Et amènent à une fusillade et un dénouement surprenants. La caméra scrute une violence âpre et pénible. Sans artifices. Quitte à faire grincer pas mal de dents.
C'est sans doute volontaire. Et inespéré. A une époque où le cinéma français draine presque exclusivement des polars calibrés 100% action ou franchouillard à la mode Besson, Le Convoyeur opte pour la simplicité et le savoir-faire hérités du cinéma de genre. Un pari décidément plus courageux et risqué qu'il n'y paraît.

- Jean-François