Production : Contentfilm, Dog Pond Films, Furst Films, Gryphon Films,Pierce-Williams et Visionbox Pictures
Distribution : Bac Films
Réalisation : Wayne Kramer
Scénario : Frank Hannah et Wayne Kramer
Montage : Arthur Coburn
Photo : James Whitaker
Décors : Toby Corbett
Musique : Mark Isham
Durée : 103 mn Ê

Casting :

Paul Sorvino : Buddy Stafford
Alec Baldwin : Shelly Kaplow
Maria Bello : Natalie Belisario
Shaw Hatosy : Mikey
William H. Macy :Bernie Lootz Ê

 

 
William H. Macy
Site Officiel
  (c) Ecran Noir 96-04
The Cooler / Lady Chance 
USA / 2003 / Sortie France le 18 août 2004 
 
 
Bernie Lootz, alias The Cooler, est le type le plus poisseux de Las Vegas. Qu’il s’agisse de son mariage, de sa relation avec son fils ou de son chat, tout ce qu’entreprend Bernie tourne mal. Pour le Shangri-la qui l’emploie, sa malédiction est un don : dans ce casino au bord de la fermeture, il erre d’une table à l’autre, répandant son mauvais karma et refroidissant la main des joueurs en réussite.
Alors qu’il ne lui reste plus que quelques jours sous contrat, il rencontre Natalie, nouvelle serveuse au bar du casino. Il se laisse aller dans ses bras et tombe amoureux. Dés que Natalie lui prouve son attachement, la chance de Bernie tourne. Ce n’est pourtant pas dans son contrat avec Las Vegas et Shelly Kaplow, gérant du casino.
 
   Elève de l’Ecole d’Art, de Théâtre et de Musique de Johannesburg, Wayne Kramer débarque aux USA en 1986 et s’engage dans l'écriture. En 1998, Fox acquiert son scénario "Mindhunters" (réalisé depuis par Renny Harlin) au prix d’une guerre des enchères face à des indépendants soutenus par des majors. La même année, Avenue Pictures pose une option sur "Second Wine" que l’acteur Chazz Palminteri s’empresse de reprendre (Kramer réalise actuellement le film intitulé Running Scared. Kramer cède à Rob Minkoff, producteur et réalisateur du Roi Lion et Stuart Little 1 & 2, le scénario "Sketched to Kill" prévu pour William H. Macy. C’est pourtant sa rencontre avec Frank Hannah et l’écriture en commun de Lady Chance qui bouleverse la carrière de Kramer. Soucieux de passer à la réalisation, Kramer présente son story-board au producteur Edward R. Pressman (Wall Street d’Oliver Stone) qui convainc Furts Films et William H. Macy de participer au pari. Wayne Kramer envisage la réalisation de "Dubbing De Niro", l’histoire folle du doubleur italien de Robert De Niro et l’adaptation pour David Fincher de "The Black Dahlia" de James Ellroy.

Prévu initialement à Las Vegas, le tournage de Lady Chance s’est déplacé à Reno où l’équipe a enfin trouvé un casino acceptant les prises de vues. A l’instar du Shangri-la du film, le casino Flamingo a été détruit pour faire place à un nouvel établissement : le Golden Phoenix. Lors de sa présentation devant la commission de censure américaine (MPAA), le film a échappé de peu à la classification NC 17, l’équivalent d’un classement X pour les films non pornographiques, à cause d’une scène où apparaît très brièvement le pubis de Maria Bello. Que les spectateurs du monde entier se rassurent, la version présentée hors USA est celle non censurée.

Après une véritable traversée du désert (voix-off pour de nombreux cartoons, sans parler de The Devil and Daniel Webster, un nanar réalisé en 2001), Alec Baldwin retrouve un semblant de statut. On le retrouvera prochainement chez Scorsese dans The Aviator sur la vie du producteur Howard Hughes et Cameron Crowe (Vanilla Sky) dans Elizabethtown. Depuis juin 2004, l’acteur se trouve mêlé à un scandale savamment orchestré par une call-girl qui publie dans "Mes jeux SM avec Alec Baldwin", les détails de sa relation présumée avec la star. Au menu : vibromasseur en forme d’Ïuf et une barre de chocolat Hersey. Plus sage, William H. Macy a tourné récemment avec David Mamet (Spartan) et jouer le rôle de l’un des ravisseurs de Frank Sinatra dans Stealing Sinatra. Peu connue du grand public (hormis des fans d’ "Urgences"), Maria Bello semble entamer une véritable carrière cinéma. Au programme, Silver City de John Sayles (Lone Star), le remake de Assault on Precinct 13 de John Carpenter par Jean-François Richet, Sin City de Frank Miller et Robert Rodriguez et A History of Violence de David Cronenberg.
 

 
LEAVING LAS VEGAS

" - Toi t’es comme Ken, t’as pas de bite !"

Les Bernie sont décidemment des types peu fréquentables. Mais à chacun son style. Si le spécimen franchouillard arbore une élégante pelle assassine mariée à un sourire vicelard des plus effrayants, son équivalent américain lui (William H. Macy, l’inoubliable Jerry Lundegaard de Fargo), paraît presque ridicule affublé de son costard trop grand, de ses cernes taille XXL et de son teint blanchâtre à faire pâlir le plus célèbre des rois de la pop. Pas moins dangereux pour autant. Car Bernie Lootz est le genre de garçon à vous détrousser de vos maigres économies placées inconsciemment sur une fichue table de Roulette Anglaise ou de Punto-banco. Ou à assécher illico presto le flux continu des machines à sous. Pas d’arme blanche dans les poches ou de guide du "parfait escroc" pour notre Bernie, mais seulement une poisse générale aussi inouïe qu’inexplicable. Une simple main posée sur votre épaule et votre butin s’effrite. Une fois sa triste mission accomplie, Bernie s’enferme dans un appartement glauque, déserté par son chat, un voisin bruyant et des fleurs mortes pour seule compagnie. Alors quand ce loser invétéré s'entiche d’une adorable mais tout aussi perdue serveuse, on se dit que les candidats aux jackpot n’ont plus qu’à s’exiler. C’est sans compter surÉ la chance.

Cette improbable histoire d’amour est la première grande surprise de Lady Chance. Plébiscitant nerveusement Ðmais avec un certain talent Ð les filons du film noir, le jeune débutant Wayne Kramer s’aventure à dresser un portrait touchant et saisissant de deux âmes en peine en quête d’un peu de répit. Jamais héroïques ou stylisés, ses deux anti-héros parviennent à émouvoir grâce à leur naïveté et leur simplicité. Personnage humble qui avoue s’être inspiré de ses propres déboires pour les besoins du scénario, Wayne Kramer adopte un ton léger et décalé qui épouse à merveille l’univers oppressant du casino et de Las Vegas. Les gags et les situations, délibérément répétitifs, entraînent parfois Lady Chance à mille lieux des sentiers habituellement empruntés par le polar et frôle avec la magie du film d’auteur. Le plaisir charnel comme la violence la plus insoutenable n’acquièrent jamais ici la fonction voyeuriste si chère à Hollywood.

Motivé sans doute par l’envie de prouver son efficacité, mais effrayé plus encore par les références cinématographiques qu’il s’impose (le nom du casino Shangri-la renvoi à Capra et Horizons perdus entres autres), Kramer enraye sa belle machine à grands coups de ralentis et de tics visuels éprouvants et maladroits et par un dénouement faussement alambiqué. Cette "erreur de jeunesse" ne saurait pourtant pas effacer une surprenante maîtrise d’acteur qui permet à Lady Chance de s’élever bien au-dessus des récentes productions américaines. Il faut voir Alec Baldwin (peut-être son meilleur rôle depuis Glengarry de James FoleyÉ en 1992) se battre avec la rage des condamnés pour la survie d'un paradis perdu qui ne transparaît plus qu’à travers les murs du Shangri-la. Admirer son aveuglement presque amoureux pour retenir l’unique être qui ait un tant soi peu compté. Même s’il ne s’agit là que d’un poissard. Face au désespoir de ce mort-né, les très communs (mais non moins talentueux) Maria Bello et William H. Macy ne peuvent qu’espérer sortir indemnes et ressuscités de cette sordide aventure. La façon presque maternelle avec laquelle Wayne Kramer les protège et les illumine, renvoie au second plan les imperfections de Lady Chance et la trame policière parfois poussive. Reste maintenant à prouver que la réussite de ce premier long métrage ne doit rien à une quelconque chance du débutant.

- Jean François