Production : Fox 2000 Pictures, New Regency Pictures, Scott Free Productions
Distribution : UFD
Réalisation : Tony Scott
Scénario : Brian Helgeland
Montage : Christian Wagner
Photo : Paul Cameron
Musique : Harry Gregson-williams
Durée : 146 mn Ê

Casting :

Denzel Washington :Creasy
Christopher Walken :Rayburn
Mickey Rourke : Jordan
Marc Anthony : Samuel
Dakota Fanning : Pita

 

 
Denzel washington
Christopher Walken
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  (c) Ecran Noir 96-04
Man on fire 
USA / 2004 / Sortie France le 13 octobre 2004 
 
 
Le Mexique est en proie à une vague d’enlèvements sans précédents : en l’espace d’une semaine, 24 personnes ont été kidnappées par des bandes criminelles et crapuleuses. Face à ce danger, les familles aisées engagent des gardes du corps pour la protection rapprochée de leurs enfants. Appelé sur place par son vieil ami Rayburn, Creasy, ancien " nettoyeur" pour le compte de la CIA, se voit proposer un job inattendu : "bodyguard" de la petite Pita Ramos, 9 ans. Usé, alcoolique et hanté par le souvenir de ses anciennes victimes, Creasy se prend d’amitié pour sa jeune protégé, reprenant ainsi goût à la vie. Après le violent kidnapping de Pita et son probable assassinat, Creasy se met en tête de retrouver les ravisseurs. La méthode et les moyens utilisés importent peu. Ê
 
   Le projet Man on Fire ne date pas d’aujourd’hui. La première tentative d’adapter le livre éponyme de A.J. Quinnell (inspiré d’une histoire vraie) date en effet de 1980 avec le même Tony Scott. Le manque d’expérience et l’absence de gros carton au box-office du jeune réalisateur (un drame passé inaperçu et un épisode de série télévisée à son actif), contraignent les producteurs à abandonner. Une aubaine au final pour Tony Scott qui réalise peu de temps après Top Gun avec le succès que l’on sait. Ce n’est qu’en 1987 que le scénario refait surface avec Elie Chouraqui, Scott Glenn et Joe Pesci, pour un film franco-américain relativement insignifiant.
Devenu depuis réalisateur à succès, Tony Scott, appuyé par la fox, reprend le projet dès l’été 2002 après les refus de Michael Bay et Antoine Fuqua (occupés sur Bad Boys II et King Arthur) avec dans l’ordre, Robert de Niro, Will Smith et Bruce Willis dans le rôle de Creasy. Le choix de Denzel Washington ne s’impose qu’après une rencontre inopportune dans une salle d’attente chez un médecin et quelques heures à peine après le visionnage par le réalisateur de la performance bouleversante de la jeune Dakota Fanning dans I Am Sam aux côtés de Sean Penn. Où s’arrête la réalité et où commence la promo ?

Toujours est-il que le public ne semble pas avoir été convaincu et Man on Fire a difficilement atteint les 77 millions de dollars de recettes (pour un budget de 70 millions). Une nouvelle claque pour Denzel Washington qui ne jouit plus des faveurs du public américain et français depuis le succès de Training Day en 2001. Une baisse de popularité qui s’explique peut-être par ses rôles récurrents de monsieur muscle à des années lumière de la posture zen et tolérante de l’acteur. Le futur thriller Tru Blu avec Antoine Fuqua risque de ne pas arranger ses affaires.
 

 
L'AMERIQUE BRULE-T-ELLE?

"- Je les transbahute et ils me prennent pour John Wayne"

Que faut-il réellement attendre d’une nouvelle réalisation signée Tony Scott ? A la vue de sa " maigre" filmographie Ð tout en prenant soin d’exclure de ces méchancetés, True Romance et Spy Game) Ð, le choix paraît aussi simple que simpliste : pour les puristes de films d’action consciencieux, pas grand-chose à se mettre dans l’Ïil sans parler du cerveau. Pour les spectateurs les moins regardant, du blockbuster calibré pas finaud pour un sou, avec un quota de tôle froissée et de cascades exubérantes largement respecté. Bref, un cinéma de basse voltige mais loin d’être en tout point désagréable à la première projection. Toujours est-il que ce grand farceur de Tony Scott semble, une fois n’est pas coutume, avoir pris un malin plaisir à faire taire toutes les mauvaises langues. Du moins dans la première heure. Si tout un chacun consent, d’entrée, à pardonner un pré générique pompeux et une mise en scène bardée de tics visuels anesthésiants, Man on Fire surprend dans son approche quasi intimiste du couple "inédit" formé par une minuscule et angélique tête blonde protégée par un bodyguard désabusé. Mâchoire serrée et regard fuyant, Denzel Washington campe à merveille un Creasy jusque-là sourd à toute forme d’amour et qui trouve dans la jeune Pita, une forme de rédemption quasi inespérée. Certains regretteront la transparence de Christopher Walken et Mickey Rourke, réduits à étoffer, tant bien que mal, un casting qui se veut imposant. En dépit d’un sentimentalisme gnangnan et très hollywoodien (la faute à Dakota Fanning, pour qui le spectateur versera, à chaque fois, une larmichette, garçons et critiques y compris), le réalisateur laisse libre cours à une intrigue certes surexploitée mais payante. Aux coups de feu perdus et autres explosions fracassantes, Tony Scott préfère un suspense filant crescendo avant d’atteindre son point culminant dans une séquence de kidnapping horripilante. Plutôt efficace.

Mais s’en est déjà trop pour un simple faiseur comme Tony Scott qui semble d’un coup prit par une étrange crise existentielle. Le rapt et l’échec des négociations pour la jeune Pita font basculer Man on Fire vers une imagerie réactionnaire et nauséabonde que ne renierait pas certains grands propagandistes américains (le tout signé Brian Helgeland, scénariste de Mystic River). Tel un geôlier vengeur échappé de la prison d’Abu Grahib ou de Guantanamo, le brave et preux gringo Creasy s’adonne, sous l’Ïil complaisant du réalisateur (et d’une partie du public ?) à la traque et à la torture des intermédiaires, des exécutants et des commanditaires. Hommes et femmes. Rien ne nous épargné : hémoglobine, voyeurisme, citations bibliques et exécutions sommaire sur fond hurlant de Luciano Pavarotti. Mais qu’importe la manière quand l’honneur d’une gamine de 9 ans à peine est en jeu. Triste morale. Le public sud-américain a sans doute apprécié la bonne leçon de démocratie (corruption de la police, de l’Etat à tous les niveauxÉ) de ces illustres voisins yankees. La séquence finale, pourtant poignante, ne pèse déjà plus très lourd face au message d’intolérance qui imprègne l’écran. Pas de quoi améliorer la réputation violente et acharnée d’un certain cinéma américain. Quant à Denzel Washington, certains préféreront sans doute se replonger dans Cry Freedom ou Hurricane Carter, films plus proche d’un certain message de respect et de fraternité, véhiculé par l’acteur à longueurs d’interviews.

- Jean François