Production : Odyssey Entertainment, Warner Bros, Really Useful films, Scion films
Distribution : Metropolitan Film Export
Réalisation : Joel Schumacher
Scénario : Joel Schumacher, Charles Hart, Andrew Lloyd Webber, d'après le roman de Gaston Leroux
Montage : Terry Rawlings
Photo : John Mathieson
Format : 2.25 Scope
Décors : Anthony Pratt
Musique : Andrew Lloyd Webber
Durée : 140 mn Ê

Casting :

Gérard Butler : Le fantôme
Emmy Rossum : Christine
Patrick Wilson : Raoul
Miranda Richardson :Madame Giry
Minnie Driver : Carlotta
Ciaran Hinds : Firmin
Simon Callow : André
Jennifer Ellison : Meg Giry

 

 
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Phantom of the Opera / Le fantôme de l'opéra 
USA / 2004 / Sortie France le 12 janvier 2005 
 
 
Opéra de Paris. 1919. On vend aux enchères les souvenirs de ce vieux théâtre. Deux personnes cherchent à s'approprier les objets, en hommage à leur jeunesse.
1870. La légende commence. Christine Daaé n'est qu'une figurante, adoptée par Madame Giry à la mort de son père. Le jour où la diva Carlotta fait un caprice de trop, devant le nouveau mécène, Raoul de Chagny, les producteurs décident de la remplacer par la jeune Christine. Le soir c'est une révélation. Le public lui fait un triomphe, entraînant la rage de la cantatrice vedette. Et la fascination d'un mystérieux spectateur, un homme qu'il ne faut jamais vexer ou humilier. Il vivrait dans les catacombes de l'Opéra.
Il va devenir fou d'amour pour Christine. Mais celle-ci n'est pas insensible au charme de Raoul...
 
   On va faire court, parce que ça ne mérite pas qu'on perde de temps. A cause d'un attentat raté contre Napoléon III, ce dernier décide de faire construire un Opéra permettant de sécuriser l'arrivée des VIP. L'Opéra de Paris, construit par Charles Garnier est bâti sur une ancienne rivière (ça vous rappelle un De Funès?). Nous sommes en 1875 quand il est inauguré. En 1908, Gaston Leroux , chroniqueur judiciaire célèbre, auteur fameux du "Mystère de la chambre jaune", visite ce décor incroyable pour un feuilleton. Il écrira "Le Fantôme de l'Opéra" et le publie en 1910. En découleront 135 adaptations télévisées ou cinématographiques, dont celles de Brian de Palma et Dario Argento, et 35 pièces de théâtre, ballets et spectacles. La plus célèbre, la plus vue est sans aucun doute celle d'Andrew Lloyd Webber qui composa aussi des drames musicaux comme Cats, Jesus Christ Superstar, Evita. Le Fantôme de l'opéra, c'est : 7000 représentations sur Broadway (10 millions de spectateurs), 3 milliards de $ de recettes mondiales, 7 Tony Awards... il s'agit du spectacle joué le plus longtemps à New York (depuis 17 ans).
Une version cinéma du spectacle musical était envisagé depuis un bout de temps. Dans les années 90, on envisagea de transposer le casting scénique avant que le compositeur ne divorce de la chanteuse, Sarah Brightman. De là, avec les hésitations hollywoodiennes (aucun "musical" n'avait été un succès au Box office depuis des lustres avant que Moulin Rouge et Chicago ne changent la donne), les stars changèrent : Banderas, Travolta, Anna Hathaway, Keira Knightley, Katie Holmes, etc...
Côté cinéastes, on passa du kitschissime Shekhar Kapur au kitchissime Joël Schumacher, le choix originel de Lloyd Weber (qui avait adoré The Lost Boys, et notamment l'usage de la musique). Le cinéaste, de son côté, n'a jamais vu la version théâtrale.
Devant les obstacles pour voir son oeuvre adaptée au cinéma, Lloyd Webber, qui n'a pas fait un hit à Londres ou New York depuis Sunset Boulevard (1993), a mis 6 millions de $ de son propre argent pour boucler un budget de 60 millions de $. Dont 1.3 millions de $ pour un lustre de Swarovski, la marque étant placée dans un plan pour sa pub. Or, le film se déroule en 1870 et Swarovski n'apparaît pas dans l'histoire avant 1892. Lloyd Webber a composé une chanson (Learn to be lonely) et 15 minutes de musique supplémentaires pour le film. Tous chantent de leur propre voix, excepté Minnie Driver, doublée par Margaret Preece.
Gérard Butler, choix plus que contesté, a été choisi par Schumacher après l'avoir vu dans Dracula 2000. ca vise haut d'entrée. Grande carrière ce monsieur (trop jeune pour le rôle) avec Le Règne du feu, Tomb Raider 2, Prisonniers du temps... Ca vaut la filmographie peu épaisse de Patrick Wilson, à peine vu dans Alamo, plus remarqué dans "Angels in America" (TV). On préférera les filles. Minnie Driver a été révélée avec Will Hunting, avant de tourner dans Sleepers ou Un mari idéal. Quant à la vedette du film, la jeune Emmy Rossum, elle a d'abord été chanteuse d'opéra (à 7 ans) avant de débuter à la télévision (à 11 ans), puis au cinéma (Songcatcher, remarqué à Sundance). Elle a joué récemment dans Mystic River et Le Jour d'après. Il y a pire débuts.
Bien sûr, ce n'est pas le résultat au Box Office du Fantôme de l'Opéra qui va la booster (à date le film a rapporté 60 millions de $ dans le monde et est un beau flop aux USA). Mais le film a reçu quelques récompenses, la plupart la concernant. Nomination à la meilleure actrice aux Golden Globes et aux Golden Satellite. Si les Globes n'ont soutenu que le film et la chanson, les Satellite sont plus généreux : acteurs, second rôle féminin, direction artistique, photo, costume, chanson, scénario, son.
En France, on peut prévoir un bide. Les critiques ne sont pas bonnes. Les français regretteront le roman d'origine, par chauvinisme. Et la comédie musicale à la Lloyd Webber n'a jamais réussi dans ce pays. Il y a mieux à voir : Miyazaki, Allen, Berri, ...
 
 
LES PETITS RATS ET LEUR JOUEUR DE PIPEAU

"- Quand viendras-tu mon maître?"

L'étoile va, non pas à la danseuse, mais à la chanteuse. Une étoile pour un tel film c'est peu (comparé aux attentes), et c'est beaucoup trop (après l'avoir vu). S'il n'y avait pas la présence d'Emmy Rossum, le zéro pointé aurait renvoyé ce fantôme d'opéra dans les catacombes du cinéma.
Car tout est toc. Dans cette reconstitution "artistico-numérique", nous sommes plus proches du pitoyable Vidocq que du jouissif Moulin Rouge (où le Tango de Roxanne avait davantage de grain et d'âpreté). A voir ce petit théâtre qui sert de grand opéra, la démesure ne sera pas de ce monde. Pire, le révisionnisme et l'aspect carte postale vont dénaturer complètement le contexte de cette histoire pourtant bien noire. Tout est factice et invraisemblable, jusqu'à la tombe grandiose d'un modeste paternel ou ses gorges dénudées de chanteuses, en plein tempête de neige. C'est à ce genre de détail que le tragique devient grotesque.
Le film se rêve Titanic (le flash back narratif), a les allures d'un Baz Luhrman (sans la folie créative) et surfe sur le phénomène Chicago (l'adaptation de "musicals" made in Broadway) et devient à la comédie musicale ce que Pearl Harbor était au film de guerre. Une forme de parodie involontaire. En cela, Rossum est la seule qui parvient à jouer (et chanter) juste, dans une note dramatique. Sinon il faut l'outrance d'une Minnie Driver en diva italienne pour se sentir, enfin, dans un registre plus en phase avec notre ressenti. Tous les autres se prenant au sérieux (tout en étant très fades) nous apparaissent décalés pour ne pas dire ridicules. Contrairement à ce que nous voyons à l'image, nous ne retrouverons jamais le lustre d'antan, les couleurs d'autrefois. C'est la première incohérence : le présent est en noir et blanc et le passé en couleurs. Cela donne la transition la plus esthétique du film, mais démontre à quel point l'image n'a plus de sens aux yeux d'Hollywood. L'idée est de créer un effet plus que de lui donner un sens. Beaucoup de pompe et d'énergie, mais si peu de faste et de fantaisie.
Nous passons donc de la poussière aux ors et velours. Schumacher n'oublie pas d'épaissir son propos avec les techniciens en coulisses, les prolétaires du spectacle, un regard un peu ironique sur le star système. Mais ça ne suffira pas à élever l'ensemble d'une lourdeur aussi massive qu'une cantatrice castratrice en costume de scène. Les décors sont kitschissimes (d'un mauvais goût digne de Barbra Cartland). La musique a mal vieillit, hésitant entre arrangements symphoniques et sons plus seventies. Et voilà l'écueil qui survient : Schumacher et Lloyd Weber ne sont pas sortis des années 70. Ces fantasmes (la muse pour son mentor, les auteurs pour une époque) font resurgir un look "vintage", entre clips de Mylène Farmer (tendance Libertine) et Ladyhawke, Emmanuelle et Excalibur. En moins bien, évidemment : de la barque "vénitienne" dans les brumes du Styx à cette vestale immaculée sur un cheval noir, rien ne nous épargné. Même pas l'amant viril montant à cru son destrier véloce.
D'autant que l'histoire est, elle aussi, passablement démodée, pour ne pas dire ringarde. Comment filmer, encore aujourd'hui, une romance de ce genre, où la jeune pucelle s'amourache d'un vieux salaud psychopathe? Possession ultime perversion de l'amour chrétien? En tout cas la soumission maso de la voix pure et cristalline à son Maître monstrueux renvoie aux années pré-IVG. Tout a vieillit, tout est dépassé. Jusque dans les métaphores (l'autre face du miroir, le petit rat qui a peur des rats). La belle et la bête, mais Cocteau était bien en avance sur leur temps.
Ici le livret est mauvais, les chansons plutôt mièvres, les actes explicites, trop visibles. Aucune subtilité. Le film est une grosse farce. Ca se veut un Opéra, mais après tout le public distingué n'applaudit et ne se divertit qu'avec un spectacle de grossièretés, de petites vulgarités, entre soubrettes et bestiaire. La partition est monotone, hormis un morceau, répété, et sur lequel on calque toujours des images gothico-romantiques. Baroque.
Après le premier meurtre, le premier bisous. On passe de Thanatos à Eros, de Hair à Elephant Man sans jamais être émerveillé. Nous sommes glacés de tant d'effrois, de si peu d'émois. Il y avait pourtant de quoi faire avec ce monstre mis à la marge. Au lieu de cela, tout est risible. "Mes pensées te résistent mais mon âme s'incline." Elle parle de Dieu, de son père, de ce mec qui se prend pour le fantôme parce qu'il a un masque (et à peine plus vieux qu'elle, une des nombreuses incohérences du casting). Pauvre gamine à la fois tentée par le diable - qui leurre - et le regret du défunt père, elle ne voit pas que le chevaleresque mécène est prêt à lui prouver son amour à la pointe de son épée. Le duel aura lieu au cimetière. Ca aurait pu faire des économies pour le cortège funèbre, mais le film doit encore durer une heure. De longues minutes où le défiguré se prend pour Mozart (Lloyd Webber n'a pas de pudeurs), les hommes jouent très bien avec leurs capes, et où l'héroïne ne perd toujours pas sa virginité! "Suis-je maintenant la proie de vos désirs charnels" Texto. Il était temps de s'interroger sur les envies des protagonistes : de la chair fraîche. Le film lui est avarié. Comme une pute racontant la gueule des gargouilles passées entre ses jambes... Un musée des horreurs!

- Vincy