Production : Marvel Enterprises, Laura Ziskin, Columbia Pictures
Distribution : Gaumont Columbia TriStar Films
Réalisation : Sam Raimi
Scénario : Alvin Sargent, d'après la BD de Stan Lee et Steve Ditko
Montage : Bob Murawski
Photo : Bill Pope
Décors : Neil Spisak
Musique : Danny Elfman
Effets spéciaux : Sony Pictures Imageworks
Durée : 127 mn

Casting :

Tobey Maguire : Peter Parker, Spider-Man
Kirsten Dunst : Mary Jane Watson
James Franco : Harry Osborn
Rosemary Harris : Tante May
Alfred Molina : Dr. Otto Octavius
Dylan Baker : Dr. Curt Connors
J.K. Simmons : J. Jonah Jameson

 

 
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Spiderman 1
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Spider-Man 2 
USA / 2004 / Sortie France le 14 juillet 2004 
 
 
Peter Parker livre les pizzas en retard, n'arrive jamais à temps pour ses cours, oublie d'aller voir sa meilleure amie, M.J., en vedette au théâtre, et ne paie pas son loyer. Il faut dire que son job de super héros lui prend tout son temps...
Et tout son monde va vite s'écrouler devant ses yeux : sa tante est presque expulsée de chez elle, M.J. va se marier avec le fils du radin de patron de journal pour lequel il ne pige plus, et Harry va se retrouver ruiner, suite à l'échec de l'expérience du Dr. Octavius.
Pendant qu'Octavius, devenu fou, terrorise New York afin de poursuivre son expérience, Parker met son costume de Spider-Man à la poubelle. Décidé à reconquérir Mary, à réussir ses études. De toute façon, ses pouvoirs diminuaient...
Mais Harry, toujours désireux de venger son père, fait un pacte avec Octavius pour que celui-ci lui livre Spider-Man. Ê
 
   Superman dans les années 70. Batman dans les années 90. Spider-Man est assurément le héros des années 2000. Le premier de la série (qui devrait en compter au moins six) a rapporté 822 millions de $ dans le monde dont la moitié en Amérique du Nord. Un véritable phénomène mondial. Sony tenait sa franchise aux oeufs d'or. Rien que pour ses premiers jours d'exploitation, le second opus a rapporté plus de 150 millions de $ en 6 jours aux USA. 42 ans après sa création par Ditko et Lee, l'homme araignée domine l'entertainment. Bien sûr, pour garantir la qualité de cette suite et ne pas décevoir les fidèles, il a fallu grossir les chéquiers. SM2 a coûté 210 millions de $, environ, sans compter le marketing. Un quart du budget a été consacré aux effets spéicaux. Mais il a fallu aussi gérer les augmentations de salaire. Tobey Maguire est ainsi passé de 4 millions à 17 millions de $.
Pourtant la présence de Maguire n'était pas acquise. Souffrant du dos suite à son tournage dans Seabiscuit et à quelques séquelles du premier Spider-Man, il refusa tout d'abord de réendosser le costume du héros. Son agent avait même fait grimper les enchères à 25 millions de $. Les producteurs ne pouvant pas retarder indéfiniment le projet, proposèrent le rôle à Jake Gyllenhaal (Le jour d'après), par ailleurs petit ami de Kirsten Dunst. Il a fallu l'intervention de Ron Meyer, patron d'Universal, et père de Jennifer Meyer, la copine de Maguire pour le faire revenir à la raison. Désormais le deal est scellé. Maguire et Dunst ont aussi signé pour le troisième épisode. En revanche il n'est pas certain que Raimi re-signe. La sortie est déjà prévue pour mai 2007.
On y verra peut-être Le Lézard, normalement incarné par celui qui joue le Dr. Connors (par conséquent Dylan Baker), ou L'homme-loup, a priori celui qui interprète John Jameson - le fiancé de M.J. - soit Daniel Gillies. Car la particularité de ce deuxième épisode est bien de nous présenter des personnages qui peuvent servir de vilains enemis pour la suite. Pour être Octavius, il fallait être nommé aux oscars ses dernières années : Chris Cooper, Ed Harris, Sam Neill, Christopher Walken firent envisagés. Mais aucun n'avait la rondeur d'Alfred Molina (Frida, Identity, Coffee and Cigarettes).
Le scénario est inspiré principalement de l'aventure "Spider-Man No More" dans laquelle Parker jette son costume à la poubelle. On note par ailleurs que le scénario a été écrit par Alvin Sargent, oscarisé pour Julia et Des gens comme les autres. Cela explique la présence de séquences dramatiques et dialoguées.
Le générique d'ouverture, qui retrace toute l'histoire du premier, est dessiné par Alex Ross, spécialiste graphique de Marvel et DC comics.

 
 
HEROS REFOULE

"- Patron, votre femme a perdu votre chéquier.
- Bonnes nouvelles!
"

Plus de jus dans le poignet? Plus capable de grimper aux murs? Aussi seul que le phallique Empire State Building? Spider-man 2 a tous les troubles de l'impuissance. L'impossibilité de Peter Parker à assumer sa personnalité et à avouer son amour pour l'objet de ses désirs l'oblige à revoir à la baisse ses prétentions viriles de mec invincible. Le cerveau l'emporte sur le muscle. Et c'est une bonne nouvelle! Spider-Man 2 pourrait s'intituler la vérité révélée des atermoiements d'un jeune homme mal son costume de super héros.

Vu comme ça, vous prenez peur. On vous aurait transformé Maguire en Hamlet : Tobey or not to be. Vous n'auriez pas tort. Il y a de la tragédie shakespearienne dans ce royaume pourri de Gotham, où chaque personnalité est duale, tiraillée par ses contradictions. La très séduisante Kirsten Dunst doit choisir entre deux amour. Le très beau James Franco n'est pas capable de tuer le père qui le hante et de tuer son meilleur ami, pourtant cible de sa vengeance. Ne parlons pas de Alfred Molina (tout en charme et en vilenie), monstre complètement maboule avec ses tentacules intelligentes qui brouille sa pensée. Cette bande de schizos n'a rien à envier à Peter Parker / Spider-Man qui, pour le coup, tombe le masque, et montre son vrai visage. On est ici bien plus proche du super héros Batman façon Burton. Car Parker est maladroit, toujours en retard, pas à sa place dans la société, et source de quiproquos ou de comiques de répétition - le film ne manque pas d'humour. Un raté, ce Parker? Un mec comme les autres victime d'un libéralisme sauvage dans un monde cruel. On pourra juste reprocher que c'est un Aziz qui vire le pauvre Parker et un Ditkovich qui le harcèle pour son loyer. heureusement, il y cette Amérique éclairée, éprise de poésie, d'amour ou jouant Oscar Wilde. Même l'Amérique se dédouble dans ce film.

Dans de jeu d'âmes damnées, où chacun subit sa malédiction - le don de Spider-Man, la mort du père de Harry, la mort de la femme du Dr. Octavius... - Sam Raimi tisse sa toile. Le film offre une palette intéressante de tous les genres du cinéma, de la comédie au film d'action, du drame humain à l'horreur. Celle-ci peut-être pastichée (la blondasse qui hurle de peur comme dans les films catastrophes) ou référencée (la séquence dans la salle chirugicale, sans une goutte de sang, est particulièrement terrifiante). La fluidité de la mise en scène pour passer d'un genre à l'autre, la richesse du scénario qui n'hésite pas à étoffer psychologiquement chacun des personnages permettent à cette aventure d'aller au delà de nos attentes.

Car ici Spider-Man n'est pas là pour sauver Gotham - ça reste accessoire, et ironiquement ce n'est pas lui qui résoudra la menace apocalyptique. L'enjeu est plus important : la quête d'identité. Raimi donne de la place aux dialogues, à l'émotion, aux sentiments. Et même l'action est à la source de l'évolution du personnage : en sauvant sa tante, il va chercher une rédemption, en sauvant tout un métro aérien, il va enfin dévoiler son visage. Ces deux dernières séquences étant les plus marquantes pour le fan avide de divertissement. Mais là où Raimi est plus malin que dans le premier épisode, c'est justement en revenant aux préceptes qui ont fait le bon cinéma, en multipliant les cadrages inattendus. Plutôt que de nous filmer, à la Emmerich, une voiture allant écraser la foule, la caméra, souvent subjective, préfère fixer les visages effrayés à l'idée de recevoir la bagnole sur la tronche. On peut dire que Spider-Man 2 est davantage un drame sentimental qu'un simple film à effets spéciaux. Ces derniers oscillent entre haute voltige un peu irréelle, pour ne pas dire "cartoonesque", et un brio indéniable au service de l'action. Tout comme le prétexte du scénario, avec Dr. Octavius, clamant, ridicule, "la puissance du soleil dans la paume de ma main", ne cache pas tous les liens complexes qui se tissent entre les personnages récurrents. La détresse affective de chacun (nos héros sont plus que malheureux), leurs déceptions face à des promesses intenables, leurs trahisons par rapport à la confiance de chacun, en fait presque un film chorale où la responsabilité de tous est mis à rude épreuve. Comme si tous passaient à côté de leur vie.

En tout cas, Raimi, lui, ne passe pas à côté de son film. On pourra regretter quelques écarts, infimes : le discours lénifiant de la tante pour justifier, "labelliser", le concept du super héros (I need a hero!), le boss du journal trop grotesque (à moins qu'il ne symbolise les décideurs d'Hollywood), l'effet néfaste de la presse un peu trop caricatural, ... ou même la présence étonnante d'un métro aérien dans Manhattan. De Peur sur la ville à Speed en passant par Men in black ou Bad Boys II, le cinéma adore le métro... Rien d'original donc de ce côté-là.
C'est du côté des humains qu'il faut regarder : leurs corps qui souffre, leur visage enlaidit par l'effort. Le casting habite proprement ces rôles de jeunes Américains piégés dans un "drame qui les dépasse", comme le dit si justement Parker. Maguire a d'ailleurs le physique idoine, encore enfant, pas tout à fait adulte, pas vraiment beau, mais suffisamment charismatique. Confrontés à un choix, à leur libre arbitre, cette histoire est bien celle d'un destin, et de ses erreurs, de ses doutes. Le final offrira quelques ultimes rebondissements dramatiques et ne résoudra pas tous les problèmes. De quoi envisager un troisième épisode, certainement moins romantique, dans le sens littéraire du terme. Car Spider-Man, pourtant bien chaste, quand il retrouve ses pouvoirs, sait s'envoyer tout seul au septième ciel. Pour une fois, on a été ravi de l'accompagner dans cet univers de ruelles glauques, de toits isolés, et d'horizons sans limites.

- Vincy