FAIT HISTORIQUE
THE ENGLISH PATIENT
Le Patient Anglais

USA / Grande-Bretagne

Laszlo de Almasy












Ralph Fiennes est Laszlo de Almasy








Ralph Fiennes est Laszlo de Almasy
LA VERITABLE HISTOIRE DU "PATIENT ANGLAIS"

The English Patient, qui vient de remporter neuf Oscars à Hollywood, a suscité une polémique aux Etats-Unis pour avoir pris des licenses avec la vérité historique et transformé un authentique collaborateur nazi en héros intrépide et romantique.
Le film du britannique Anthony Minghella retrace l'épopée dans les sables du désert égyptien du comte hongrois Laszlo de Almasy durant la Deuxième Guerre mondiale. Pour tenter de sauver la femme qu'il aime et qui agonise, blessée, dans une grotte du désert saharien, cet explorateur féru d'archéologie en vient à vendre aux Nazis de précieuses cartes.

Le film
Interprété par Ralph Fiennes, le comte Almasy a réellement existé. Mais, comme l'attestent plusieurs études biographiques, loin d'être le noble héros et l'amant fou dépeint dans le film, il était un espion opportuniste et homosexuel, un monarchiste convaincu et collaborateur nazi de la première heure.
Ce film est "amoral et anti-historique", s'insurge Elisabeth Salett, présidente de l'Institut multiculturel national de Washington qui, la première, a dénoncé la supercherie.
Son père, ancien consul général de Hongrie à Alexandrie (Egypte), a bien connu le vrai Almasy. Le metteur en scène "est parti d'un personnage réel et l'a entièrement reconstruit pour en faire un héros amoureux et passionné", poursuit-elle.
Plusieurs études historiographiques, en particulier celles d'un officier de renseignement britannique et d'un cartographe hongrois, permettent de dresser un portrait plus ambigu de l'explorateur.

Le véritable Laszlo de Almasy
Né en Hongrie en 1895, entré à 20 ans dans l'armée de l'air austro-hongroise, Laszlo Almasy participe en 1921 à Budapest à une tentative de restauration de la monarchie hongroise. Le neveu de l'empereur François-Joseph le fera comte.
Dans les années 30, les Britanniques, qui le soupçonnent d'être un agent double, puis les Italiens, refusent ses offres de service. En 1936, le roi Fahd d'Egypte rejette son projet de musée du désert, après avoir été averti qu'il pourrait s'agir d'une couverture pour des activités d'espionnage.
En 1940, ce connaisseur hors pair du désert nord-africain rallie l'Afrika Korps du maréchal Rommel. Dans son livre "En Libye avec l'armée de Rommel" (1943), Almasy saluera l'invincibilité de l'armée du Reich et les qualités humaines du "Renard du désert", qui le décorera de la Croix de Fer.
Les Britanniques l'interpellent en 1942 au Caire et trouvent dans son attaché-case une liste des personnes à arrêter, une fois l'Egypte occupée.
Après la guerre, Almasy travaillera pour les Soviétiques, avant de s'éteindre en Autriche, à l'âge de 55 ans, victime d'une dysentrie. On retrouvera 80 lettres d'amour passionnées écrites à un jeune officier allemand, à qui il tenta d'éviter l'envoi sur le front russe.
Dans une interview récente au New York Times, Anthony Minghella reconnaît qu'en adaptant le roman du Canadien Michael Ondaatje, il connaissait le passé d'"espion ou d'agent double" du vrai Almasy. Mais, explique-t-il aussitôt, ses opinions politiques n'ont pas été retenues car elles n'apportaient rien au mécanisme émotionnel de l'intrigue.

Révisionnisme cinématographique
Ce n'est pas la première fois -- de Malcom X (Spike Lee) à JFK (Oliver Stone) ou de Larry Flint (Milos Forman) à Evita (Alan Parker) pour ne prendre que des exemples récents -- que le cinéma prête le flanc à des accusations de "révisionnisme cinématographique", en mythifiant, pour les besoins bien compris d'un scénario, des personnages historiquement plus complexes et ambigus.
"Il est de la responsabilité des réalisateurs d'être exacts", estime le réalisateur américain Rob Reiner. "Les gens, soulignent-ils, apprennent l'histoire à travers les films, alors je considère que notre responsabilité effectivement est énorme".
A moins que l'industrie cinématographique n'ait décidé de souscrire à la devise du reporter qui, dans la scène finale du western culte de John Ford, "L'Homme qui tua Liberty Valance", déçu en apprenant la vérité, jette son carnet de notes et lance: "Quand la légende devient un fait accompli, il faut diffuser la légende".


(C) Ecran Noir 1996