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X au carré

X-Files, série cultissime de la télévision, se transpose sur grand écran, version long format (inflation que l'on retrouve dans les salaires des 2 acteurs et le budget du projet).
Pari risqué puisque c'est la première fois qu'une série TV encore à l'antenne est adaptée par son studio pour le Cinéma.
Il s'agit donc de ne pas décevoir les fans inconditionnels, afin de ne pas diminuer l'intérêt de cette x-philie.
Le but clairement recherché, d'un point de vue marketing, est de profiter d'un phénomène mondial et de masse, et d'attirer encore plus de fidèles.

Artistiquement, les enjeux étaient différents. D'abord il fallait répondre aux énigmes qui jallonent les épisodes des récentes saisons.
Ensuite, il fallait combler les attentes d'un public en quête de vérité. Et surtout il fallait plaire à tous ceux qui n'ont jamais suivi la série et qui pourraient être des téléspectateurs potentiels.
Enfin, le défi était de rendre cinégénique une création purement (et brillament) télégénique.

Dans tous les cas, le dossier reste non-classé. Le film laissera tout le monde sur sa faim. C'était peut-être un objectif (après tout il ne s'agit que d'un gros épisode clôturant une saison et introduisant celle de 98-99 - la 6ème).
Mais il est regrettable de voir que ce film tant attendu soit si conventionnel et si redondant. Or, X-Files c'est justement tout le contraire: innovant, inspiré, original, un mélange subtil entre la superstition et la vérité scientifique, entre le paranormal et le rationnel, entre l'action et l'investigation.
Chaque épisode permet de maintenir à la fois un suspens sur une saison entière et un intérêt sur chaque épisode.

Téléfilm hyper-enflé aux dollars, The X-Files: Fight the Future est une réalisation correcte sur un scénario vascillant.
Comment ne pas s'ennuyer devant des scènes émotionnellement mécanisées (et qu'on anticipe!)? Même nos frayeurs sont simulées. L'Alien n'est terrifiant uqe grâce à des effets sonores et une manipulation de l'image.
Car le pire est que nous ne croyons pas un seul instant à ce complot planétaire. Autant le format télé nous implique dans cette arnaque intellectuelle dont on se sent complice. Autant le cinéma nous rend fictif et superficiel cette histoire d'aliens débarquant sur la terre. La télé frôle le reality show là où le cinéma se sent obliger d'en rajouter pour séduire.

Résumons un peu. Il y a 35 000 ans au Texas, en pleine ère glaciaire, deux hommes visitent une grotte car l'un des leur à disparu.
Une bête semble roder. En guide de bête, des monstres qui tuent les êtres humains. Même morts, ces aliens (un virus) se répandent comme une nappe pétrolifère et pénètrent sous nos pores. Ils nous étouffent et commencent ainsi leur gestation pour se reproduire.

Cet alien a été vu dans quelques épisodes de X-Files. La vérité se trouve dans cette énigme. Le film nous dévoile les aliens. Ils veulent réduire l'humanité en esclavage (au mieux) et un complot planétaire les aide à vivre sur terre, à se reproduire.
Une élite (le gouvernement, le Syndicat) a en effet signé un pacte avec cette race extra-terrestre pour qu'on ne soit pas exterminé mais asservis.
Dans ce Syndicat, on retrouve l'homme bien manicuré (John Neville) et l'homme qui fume des cigarettes (apparu dès la première saison et au courant de tous les complots).
On aperçoit aussi le Chef de ce Syndicat, un nouveau venu en la présence du grand comédien Armin Muehler-Stall. Tandis que le scénario se concentre sur les aliens, le spectateur demeure dans une relative ignorance concernant ce Syndicat, ses membres, et ses intentions.
Une des pistes lancées se rapportent désormais aux abeilles et au maïs transgénique, tous deux porteurs du virus qui permettent aux aliens de se reproduire.

C'est donc un épisode d'entre-deux saisons qui nous est livré.
Reprenant des faits divers américains impliquant souvent néfastement le FBI (la tragédie d'Oklahoma City).
Faisant référence à des films du genre, de Rencontre du Troisième type à Abyss, en passant par La mort aux trousses et Alien.
Quelques clins d'oeil humoristiques (Mulder pissant sur l'affiche d'ID4) et les liens entre les protagonistes bien établis complètent ce dossier.
On retrouve donc bien l'esprit de la série. Mais on peut aussir eprocher que cet amalgame de déjà vu tiédisse le script et la création de Chris Carter.

Mais la réalisation manque d'inspiration. Et sans deux effets spéciaux très réussis (le building qui explose, la banquise qui s'effondre), on ne verrait rien des 63 millions de $ de budget.
Dont 9 pour les acteurs. C'est d'ailleurs le vrai lien entre le petit et le grand écran. Intact, ce lien touche à l'alchimie idéale. Duchovny comme Anderson sont impeccables dans leurs créations et participent au plaisir de voir ce film.
Le film étoffe un peu leurs rapports, leur respect mutuel. Duchovny, agent Mulder, continue d'être cet agent du FBI sensible mais passionné, fonctionnant à l'instinct et à l'impossible. Le contraire de St Thomas, il croit même ce qu'il ne voit pas.
Et Anderson, agent Scully, maintient son personnage dans le registre plus dramatique. Une femme médecin, scientifique, logique, mais convaincue par l'irrationnel, et victime parfaite.

Il y a bien sûr quelques scènes magnifiques (les ruches dans les champs de maïs), quelques moments captivant (les indications de Martin Landau à David Duchovny).
Mais l'exercice d'explication aux non-initiés entraîne le film dans une redondance lassante. Le rythme s'y perd un peu et tente de se rattraper avec des rebondissements stériles.
Hésitant entre action et enquête, entre tout révéler et ne pas trop en montrer, entre nous aguicher et nous renvoyer à nos postes de télés, le film apparaît comme un essai pas totalement raté, mais franchement pas réussi.
Une sorte de double supercherie.
Il est évident qu'il faut voir ce film. Carter est un malin. Sans ce Téléfilm-réalisé-pour-le-ciné qui comprendra quoi l'année prochaîne?
Il est tout aussi certain que ceux qui vont découvrir The X-Files seront étonnés du côté soft d'une série réputée pour frôler avec l'horreur et l'épouvante.

A croire que pour convenir à Hollywood de nos jours, il faut présenter un produit (qui plus est ici dérivé!) banal et prévisible. Où toutes les audaces sont aspirées et les mystères exhibés.
Heureusement, nos deux agents du FBI n'ont rien résolu dans ce film, qui ne fait qu'avancer le schmilblick. Il leur reste quelques pistes à explorer pour sauver l'humanité. On regrettera juste que le cinéma est décérébré cette science-fiction intello.

ECRAN NOIR, The X-files