GHOST DOG
la voie du samouraï

Ghost Dog, Jim Jarmusch

  • Ghost Dog à Cannes
  • Synopsis et équipe (Lundi 4 octobre)
  • Les acteurs (Mardi 5 octobre)
  • Critique du film (Mercredi 6 octobre)
  • Liens et e-commerce (Jeudi 7 octobre)
  • La musique (Vendredi 8 octobre)
  • Jim Jarmusch (Samedi 9 octobre)
  • Jeu-concours (lundi 11 octobre)
  • Le Savoir (L'enseignement)
    "Les questions importantes doivent être traitées légèrement. Celles sans importance doivent être traitées sérieusement."

    Mémoire
    Le dernier film de Jim Jarmusch est avant tout un film-hommage, sorte d'esperanto du cinéma : le Samouraï (67) de Jean Pierre Melville remixé hip-hop et ganstarap, Le point de non retour (67) de John Boorman pour la façon dont Lee Marvin avait de se déplacer en fendant l'air, La marque du tueur (66) de Seijin Susuki. Sans oublier, Rashomon et Frankenstein, les films de mafiosi et les western. (Hawks et Scorsese ne sont pas loin !)

    Langage.
    Plus qu'un métissage des genres cinématographiques, Ghost Dog se veut multiculturel et réussit à montrer qu'il n'y a pas forcement besoin de comprendre une langue pour se comprendre - le cinéma est un langage universel ! -. Il en résulte une alchiminie des plus fines. Un tueur à gages black élevé à la sagesse nippon avec pour maître un rital mafioso et comme seul ami un marchand de glace frenchy ! Un peu ce que le cinéma européen pourrait être s'il existait !...

    Subjectif.
    Celui d'un oiseau survolant la ville. Ghost Dog, tueur à gages, sorte d'ange exterminateur mi-pigeon, mi-pitbull, erre dans la ville. Comme à son habitude, Jarmusch allie la légèreté à la profondeur. Pour cela, il joue de la multiplication des points de vues et opère par transferts (colombe, pitbull). Chaque mouvement, chaque déplacement de son personnage dans les rues est prédestiné. C'est celui d'un spectre aussi discret que silencieux à la recherche de ce qu'il sait trouvé (voiture, fringues flingue et cible). Son errance est un rituel musical. D'où cette impression fantômatique qui teinte le film : rarement des fondus enchaînés auront aussi bien traduits ubiquité et hamonie avec la nature qui l'entoure.

    Evangile.
    Si l'oiseau est le substitut physique et oral du samouraï qui le relie au monde des vivants c'est qu'il a une mission prophétique : il est porteur d'un message. Les textes apparaissent en surimpression comme une ponctuation, magnifiée par la voix grave et douce de Forest Whitaker. Telle une prière.

    Descendance.
    Un message n'est pas uniquement une information, c'est la transmission d'un savoir et donc par la lecture. Les scènes de prêt de livres avec la petite fille sont les plus tendres du film.

    Mort.
    Cultures en voie d'extinction. Au final une civilisation génocidaire dont l'absurdité arrive à son paroxysme avec les scènes de l'ours et de la femme flic. Ghost Dog lui même finira par être abattu comme un chien en pleine rue par son Maître.

    Cartoon.
    Et comme il n'y a pas de morale, l'humour joue le rôle de moderato par des ruptures de ton et un décalage permanent. Un rouge-gorge masquant la lunette d'un fusil du même nom et l'execution sommaire par la colonne d'évacuation des eaux d'un mafieux en train de se talquer le cul en se le remuant sur du rap! Les scènes de fusillade sont quant à elles précédées de leur version Tex Avery. Avec ce poême envoûtant, noir, secret et violent, d'une lenteur hypnotique, Jarmusch atteint sa cible. Mélangeant parodie et tendresse, il nous fait aimer ses personnages et compose un hymne humaniste qui s'élève contre l'acharnement idéologique et matérialiste des hommes. Au sortir du film, il reste comme une empreinte, l'image d'un songe teinté de mélancolie passagère.
    Et Jim Jarmusch suit sa quête...

    A noter la présence de deux pointures, l'une à la photographie, en la lumière de Robby Müller, et l'autre musicale, avec une B.O. signée RZA.

    C.L.C.