- The Hole
 - Truffaut
 

(C) 96-01 Ecran Noir

Ni Nei Pien Chi Tien / Et là bas quelle heure est-il?
Taiwan
Sélection officielle (en compétition)
Projection: 17 Mai 2001
Sortie en salle : n.c.

Réalisation: Tsai Ming-Liang
Production: Arena Films, Homegreen Films
Scénario: Tsai Ming-Liang, Yang Pi-Ying
Photo: Benoït Delhomme
Montage: Chen Sheng-Chang
Durée: 116 mn
Lee Kang-Sheng dit Hsiao Kang
Chen Shiang-Chyi
Lu Yi-Ching
Jean-Pierre Léaud (lui même)
 
Il vend des montres dans les rues de Taipei. Son père meurt. Quelques jours après une jeune femme souhaite acheter la montre qu'il porte. Elle s'en va à Paris. Pour se rapporcher d'elle, il va vouloir mettre toutes les pendules de la ville à l'heure de la France. Pendant ce temps, sa mère essaie de faire revnir l'esprit de son mari.
 
 
Tsai Ming-Liang regrette que son père n'ait jamais vu son premier film. Il est mort d'un cancer en 92. A la veille du tournage de The Hole, le père de son acteur fétiche et fusionnel, Hsiao Kang meurt à son tour. De là est parti l'idée du film. Admirateur de Bresson et Truffaut (Les 400 coups est son film fabvori), Ming-Liang apprécie l'ameuteurisme bressonien de son comédien, dont l'appartement sert de décor pour ses films.
Finbancé par des producteurs français, hommage à Truffaut, ce film se permet d'engager le temps d'une scène dans un cimetière le fameux Jean-Pierre Léaud, star des 400 coups. L'acteur est aussi à Cannes cette année pour Le Pornographe. C'est aussi la troisième fois qu'un cinéaste étranger filme Paris : Godard, Oliveira sont en compétition officielle. Il a engagé le chef opé Delhomme (Jacquot, Beinex, Mamet, Klapisch, Tran Anh Hung) et le directeur artistique Yip Kam Tim (Tigre et dragon) pour ce film. TML a réalisé des films déjà présentés à Cannes : La Rivière et The Hole. Il a aussi adapté au théâtre des pièces de Brecht.
 
ON VOIT MIDI A SA PORTE

"On ne doit pas tuer un être vivant pendant 49 jours..."

Certes, ce dernier opus de TML, est symboliquement et cinématographiquement moins fort que The Hole, par exemple. Cependant, ce qu'il perd en originalité, il le gagne en charme et en rythme. Le temo est d'ailleurs primoridal sur ce film qui scrute le temps qui passe. Mais pas seulement. Obsédé par ses thèmes - la promiscuité, l'incommunicabilité, la solitude - le cinéaste made in Taiwan continue son observation des grandes villes, des petits appartements, de ces cases à urnes funéraires qui se superposent, de ces gens qui s'entassent dans le métro. Cette mythologie urbaine peuplée de cafards et remplis de poubelles, rend l'espace exigu et opressant.
Tout débute avec un long plan séquence sur un vieux monsieur; il sera le souvenir qui soutient l'intrigue. Il est seul, face à une mort dont on porte le deuil - décidément l'obsession de l'année. Cela n'empêche pas TML de placer des notes d'humour, des absurdités drôles, des petits détails inattendus, espiègles, qui nous font sursauter comme le carillon ponctue l'écoulement du temps à chaque heure. Dans cette longue insomnie avec décalage horaire, le réalisateur diuvise par chapites symétriques les trois des tins qui se coisent (la mère, l'expatriée, le fils) : ivresse, absence, sexualité, vol... cette synchronicité tryptique des actes marque le poids de la chronologie tout au long du film. Le lien entre les deux célibataires est d'ailleurs symbolisé par l'heure et les horloges. TML va jusqu'au bout de ce délire allégorique en mettant Taiwan à l'heure de Paris. Paradoxalement, son héros va ainsi découvrir la France à travers un film et du vin tandis que la touriste aura le plus grand mal à s'intégrer, malgré une expérience vécue et non virtuelle.
On appréciera l'hommage appuyé à Truffaut, liaison et lésion irréelles entre les deux êtres.
Cette oeuvre discrère n'en est pas moins attachante, comme les personnages, et notamment le toujours très beau Hsiao Kang. Le cadre et l'image sont splendides. Ce n'est pas les 400 coups. Mais ces 12 coups de minuit suffisent non pas à réveiller un mort, mais plutôt à nous maintenir éveillé devant tant de sensibilité, et de fatalité face à cette éternité interdite.

Vincy-