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(C) 96-01 Ecran Noir

La stanza del figlio / La chambre du fils
Italie / France
Sélection officielle (en compétition)
Projection: 17 Mai 2001
Sortie en salle : 18 mai 2001 (France)

Réalisation: Nanni Moretti
Production: Sacher Films, Bac Films, StudioCanal
Scénario: Nanni Moretti, Linda Ferri, Heidrun Schleef
Montage: Esmeralda Calabria
Photo : Giuseppe Lanci
Musique : Nicola Piovani
Durée: 99 mn
Nanni Moretti (Giovanni))
Laura Morante (Paola))
Jasmine Trinca (Irene)
Giuseppe Sanfelice (Andrea)
 
Giovanni est un psy renommé de la ville portuaire d'Ancone. Il vit le pein bonheur avec sa famille, même s'il regrette de ne pas trop comprendre son fils, d'être trop derrière lui. Un dimanche, il abandonne ses projets de jogging avec Andrea poour aller réconforter un patient. Ce matin là, un gros camion croise sa route. Un homme bouscule sa femme dans une brocante. Sa fille s'amuse dangereusement en scooter. Son fils va plonger dans la mer. Ce sera la fin du bonheur.
 
 
Nanni Moretti a reçu 3 Donatello pour ce film en Italie il y a quelques semaines. Meilleur film, meilleure actrice, meilleure musique, et 600 000 spectateurs en Italie. Un beau succès.
L'idée lui est venu après Journal Intime. Mais la noirceur du sujet l'a freiné. A cette époque cette histoire sur la mort, la réaction des gens face aux disparus, ne convenait pas à sa propre vie (sa femme attendait un enfant). C'est en s'associant à une scénariste et une écrivain qu'il a repris l'histoire, une fois Aprile aboutit. Le choix de la ville fut important : ça ne devait pas être une grande ville pour que son personnage prenne une importance sociale; certaines villes étaient trop liées à des cinéastes. Il a pris l'insipide Ancone qui lui permet ce voyage long au bout de la Nuit vers la frontière française.
Moretti est un chcouchou du Festival. Ses films y ont été présentés dans diverses sélections. Journal Intime, ardemment défendu par Deneuve, a même reçu le Prix du jury en 94.
L'actrice Laura Morente s'est faite remarquée chez Bertolucci au début des années 80. On l'a aperçue chez Moretti, Monteiro, Granier Deferre, Pinheiro, et sera dans le premier film du réalisateur John Malkovich.
Le film de Moretti sort en France le lendemain de sa projection cannoise. C'est dans ce pays que le cinéaste italien obtient ses plus grands succès.
 
QUE NANNI

"Je veux revenir en arrière..."

Même s'il explore toujours le territoire intime du Moi, Nanni Moretti s'offre le rôle du psychanaliste pertubré dans son propre subconscient. La Chambre du fils est de loin son meilleur film, à la fois personnel et enfin généreux, moins égocentrique et plus émotionnel. Cela tient à peu de chose. Le film est d'une sobriété étonnante, avec peu d'artifices mais une mise en scène et un montage impeccable, produisant l'effet voulu sans surenchère de moyens. Aucune scène n'est de trop, toutes sont bien réfléchies et cachent un sens.
Le film, à quelques scènes près, ne quitte pas ce psychanalyste de Province. Un psy qui affirme qu'on ne peut pas tout contrôler, mais qui n'accepte pas le hasard du destin, un père qui se sent responsable de tout, mais qui s'effondre devant la fatalité. En filmant cette famille idéale (quasiment une publicité pour la chicorée ricoré), heureuse durant toute la première partie du film, Moretti installe habilement un contexte léger, loin de ses comédies cyniques et amères précédentes. En quatre plans alternés, chacun présentant la vie d'un des membres, il acclère le destin frôle lincident, l'accident, la peur, la menace. Et fait surgir le drame, qu'on ne voit jamais, qu'on mentionne à peine. Bouleversant.
Moretti utilise des procédés simples, racontre une histoire simple, et touche sans les excès d'un mélo, mais avec tous les tons d'un drame. Ce deuil qui déconstruit une famille si unit va devenir une odyssée individuelle pour recoller les morceaux et reformer une unité. Tout est ébréché dans cette maison. Plus rien n'est pareil.
Le père et le psychanalyste fusionne jour après jour s'interrogeant sur ce qui aurait pu se passer si. Il souhaite revenir en arrière, et on voit, avec beauté, des flash backs s'intercallés dans le film, le père songer à ce passé fantasmé. Il cherche une explication rationnelle à cette perte démesurée, chère à payer. Parallèlement, il sombre dans l'irréel pour refaire sa vie avec son fils disparu.
Ce combat solitaire rappelle sa bataille contre le cancer, ou sa lutte politique. Il y a toujours quelque chose qui ronge son intérieur. Il l'évacue à chaque fois par le sport, ici le jogging et le tennis. Mais Nanni Moretti oublie la chronique personnelle, l'autobio filmée pour se concentrer sur l'implosion d'une cellule familiale. Reformer les atomes crochus ne sera pas évident et demandera un voyage imprévu au bout de l'Italie. La mer qui a emporté le fils sera aussi l'horizon qui réconciliera les trois survivants.
Le film aurait pu s'appeler Tout sur son père. Moretti a réussi modestement l'exploit de nous faire pleurer, de nous faire aimer ses personnages (superbe, belle et fabuleuse Laura Morente). Film athée, ce portrait juste et sensible est assurément en lice pour l'une des récompenses suprêmes du Palmarès et pour l'éloge de l'amour d'un public qui ne peut que s'élargir.

Vincy-