Production: Warner Bros, Castle Rock
Réalisation: Barbet Schroeder
Scénario: Tony Gayton
Montage: Lee Percy
Photo: Luciano Tovoli
Musique: Clint Mansell
Durée: 118 mn
Sandra Bullock : Cassie Mayweather
Ben Chaplin : Sam Kennedy
Ryan Gosling : Richard Haywood
Michael Pitt : Justin Pendleton
Chris Penn : Ray
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Murders by Numbers (Calculs Meurtriers)

USA / 2002 / sortie en salle le 5 juin 2002
Hors Compétition / Présenté le : 23.05.02

Dans une bourgade californienne, un meurtre atroce est découvert. Cassie, vétéran et brillante spécialiste des scènes de crimes. Avec son nouveau co-équipier, Sam, elle conduit une enquête qui la mène au jeune Richard. Si Sam préfère interroger les indices et les détails, Cassie suit plutôt son instinct jusqu'à se décridibiliser. Entre le meurtre parfait d'une sauvagerie rare et une théorie plus complexe, il y a un pacte amical, un passé à retrouver, la criminologue devra affronter les pires démons.
Barbet Schroder aime les thrillers où les ambiguïtés permettent de dévoiler les recoins de la psychologie de gens brillants. Cet ancien collaborateur des Cahiers du Cinéma - ce qui lui vaut aujourd'hui un certain respect par la presse cinéphile - il fut aussi assistant de Godard avant de créer Les Films du Losange. En 87, il s'envole pour Hollywood où il tourne Barfly (avec Roorke et Dunaway), Le mystère Von Bulow (avec Irons et Close), J.F. cherche appartement (avec Bridget Fonda et Jennifer Jason Leigh).... Avec le Mystèe Von Bulow, il est cité à l'Oscar et aux Golden Globes. Mais il renoue avec les Festivals et les critiques élogieuses avec La Vierge des Assassins, film cruel et noire sur la dope en Colombie.
Sandra Bullock est une méga-star internationale. Depuis Speed, elle rivalise avec Julia Roberts et Cameron Diaz dans le coeur du public américain. Avec miss Congeniality en 2000, elle s'octroie un énorme succès mondial. Elle obtient ici un de ses rôles de femmes fortes qu'elle affectionne tant. On lui adjoint Ben Chaplin, révélé par le romantique Entre chiens et chats, Ryan Gosling, qui incarna Danny Balint, jeune skinhead juif, et Michael Pitt, déjà choisi par Van Sant, Larry Clark et John Cameron Mitchell.
Le film est sorti en mars dernier au USA avant de s'offrir les marches cannoises. Le succès est modeste avec un peu plus de 30 millions de $ au B.O. US. Par ailleurs, il s'agit du premier film produit par un studio relatif à des enfants meurtriers, depuis le massacre de Columbine, dont Michael Moore s'est inspiré pour son documentaire.A l'origine le projet était destiné à Rob Reiner.

  LE MYSTERE FROM BULLOCK

"- Ils t'ont dit pourquoi on m'appelait la hyène ?
- Non.
- Parce que la femelle hyène porte un faux pénis.
- Ca te gêne ?
- Non. Je porte des pantalons larges.
"

A première vue, il s'agit d'un thriller tout à fait conventionnel où le crime parfait se trahit détails par détails. Mais reconnaissons que Barbet Schroeder, sans être visuellement aussi imaginatif qu'un De Palma, porte un regard intéressant sur ses personnages. Sa mise en scène est au service des comédiens, et de la psychologie qu'ils doivent véhiculer.
Car ce polar est caractériel dans le sens où il s'attache aux humeurs, aux souvenirs, aux fantasmes de chacun. L'action est d'ailleurs absente, au profit de la pensée qui guide les acteurs vers le précipice inévitable. Ce n'est pas le moindre des messages inculqués par le réalisateur : assumer ses responsabilités, choisir sa vie, non pas ses idées mais bien ses actes.
Le portrait de sa jeunesse dorée californienne, " orpheline " (comprendre parents aisés, effacés dans un monde matériel et ennuyeux) est évidemment cynique. Ce binôme ambiguë à l'homosexualité refoulée ne sont que deux parties d'une même personnalité qui s'admirent. Face à eux, un autre couple.
Un homme, une femme. Mais la femme joue à l'homme. D'ailleurs cette flic vétéran, allumeuse et instinctive masque tout son passé et ses angoisses derrière un visage trop lisse. Sandra Bullock et sa Cassie sont le principal atout et la réussite incontestable de ce film. Le personnage est attachant, faillible sous des dehors cassants et invulnérables. Elle n'avait jamais connu un si beau rôle de femme forte et fragile à la fois.
En miroir des 4 vérités, Ben Chaplin paraît un peu balourd, un peu fade. Pourtant Schroeder excelle dans les relations humaines et la psychologie complexe de chacun. L'histoire est un expédient, parfois trop facilement scénarisé, pour nous soucier de l'enjeu dramatique. Le final trop ouvertement hitchcockien est presqu'inutile tellement la pensée domine l'action tout au long de l'enquête. Les séquences paraissent inégales, des plus douées au plus gâchées. Le rythme ne se maintient pas sur toute la durée. Et seuls la construction du script et les mystères de Cassie/Sandra Bullock permettent au spectateur d'être tenu en haleine. Il manque cependant un peu de chair, un peu de sang, un peu de fièvre. Nous assistons trop au découpage clinique d'un corps mort, sans âme, froid.
Finalement, face à tous ces calculs, seules les femmes respirent un peu d'humanité. Et survivent. Ca ne vous rappelle pas un autre film de Schroeder ?

  (C)Ecran Noir 1996-2002