Empire of the sun
1987 - 1 330 000 entrées France
 

Le 8 décembre 41, James Graham, voit sa vie basculer des privilèges d'un jeune anglais expatrié à l'horreur d'être un ennemi en temps de guerre. Il voit Shanghai envahie par les japonais et se retrouve prisonnier, déchiré de ses parents. Dans le camp, il essaye vainement de refaire sa vie.

Scénario : Tom Stoppard, Menno Meyjes (d'après le roman de J.G.Ballard)
Musique : John Williams
Image : Allen Daviau
Montage : Michael Kahn
Durée : 150 mn

casting:
Christian Bale (Jim)
John Malkovich (Basie)
Miranda Richardson (Mme. Victor)
Nigel Havers (Dr Rawlins)

Quelques mois après " Le dernier Empereur " de Bertolucci, Spielberg restitue la seconde guerre mondiale sur le front chinois. L'Empire n'aura pas le triomphe de l'Empereur, et surtout, il relativisera la perception d'échec provoquée par " The color purple ". Dans son film le plus " davidleanien ", Steven Spielberg entremêle son admiration pour l'Asie, sa fascination pour les avions, sa passion pour la seconde guerre mondiale, et le regard d'un enfant. Il s'agirait presque d'un film de jeunesse, à la genèse de ses influences. Le film laissera une trace dans la mémoire du réalisateur, qui s'avoue avoir été perturbé par ce tournage où il ne savait pas s'il devait faire une œuvre subversive, avec de l'humour noir, ou un drame épique. Le résultat est un peu bancal. Si esthétiquement le film est l'un des plus beaux de sa carrière et l'un des sujets les plus forts, le montage est parfois trop déséquilibré, le scénario pas assez précis.
Spielberg n'y allait pas de bon cœur. Il adorait le roman mais pensait que David Lean le réaliserait. Une fois que Lean transmet le projet à Spielberg, il ne sut jamais comment rendre le film plus émotionnel, moins contemplatif. Si l'on élimine les thèmes mentionnés plus haut et la place de l'enfant, c'est sans doute l'un des films les moins " spielbergiens " de sa carrière. Et l'un de ses plus gros échecs. En fait, il ne parvient pas à associer l'aventure au sentimentalisme, le drame à l'imaginaire. Car Spielberg a cette volonté d'adoucir la réalité et de se laisser aller à son amour pour les machines. Il filme la guerre comme un spectacle pour enfants. Ce qui donne des scènes magnifiques de combats aériens. Mais rien de méchant, aucun personnage contrasté ; dans son souci de " rapprocher les peuples ", Spielberg en oublie l'atrocité que font subir les japonais. Un révisionnisme qu'on lui reprochait déjà en masquant la violence conjugale dans " The color purple ". Cette compassion, qu'on retrouve jusqu'à " Always ", lui permettra de se dépasser par la suite, et fera sa différence dans des films comme " Schindler's List " ou " Saving Private Ryan ", où il se montrera bien plus réaliste.
" L'empire du Soleil " est, cependant, artistiquement sublime. Les images, le son, la musique en font un défi audiovisuel, mais il reste distant, un peu comme " Kundun ". En étant trop proche de son personnage incarné par Christian Bale (encore une révélation du fantastique directeur d'acteur qu'il est), il n' a pas pris assez de recul. Il se reconnaissait indéniablement dans le rôle. De la même façon qu'il n'a pas pu faire le portrait de japonais méchants. Mais en 87, Hollywood a peur de cette invasion des capitaux nippons, à l'instar des californiens craignant le débarquement des " jaunes " dans " 1941 ". Spielberg est un des rares à ne pas se sentir menacer par ce nouveau pouvoir.
Néanmoins, il parvient parfaitement à montrer l'absurdité de la guerre, l'influence qu'elle a sur le comportement des hommes. Souvenons-nous : tour à tour, Spielberg a fait de l'enfant une quête (" Sugarland "), une victime (" Jaws "), un mystique (" RD3T "), un ami des aliens et rêveur sentimentaliste (" E.T "), un malicieux, un maléfique et des exploités (" Indiana Jones 2 "), une violée par son père (" The color purple "). Ici l'enfant est fou, aliéné, et choisit le mauvais camp. A chaque fois, l'enfant est confronté à la perte de son innocence. Et ici de son identité : il passe du statut de Britannique abandonné à celui d'Américain typique. Spielberg ne sait pas quoi faire de ce gamin, tantôt imbuvable, tantôt traumatisé et con, ou encore sauveur de l'humanité, héros et même kamikaze. La surenchère classique chez Spielberg devient un grave défaut de scénario, nous enfonçant dans l'inaction et une certaine compassion, plutôt qu'une réelle adhésion. A chaque pêché, correspond une bonne action. En plus d'être politiquement maladroit, le film traite son personnage principal, un peu louche, de manière manichéenne. Plus précisément, le réalisateur a essayé de faire un film profondément surréaliste, illustrant la folie d'un enfant dans un monde en folie. Une œuvre décalée en quelques sortes. Spielberg n'hésite pas à faire de l'explosion de la bombe atomique un passage quasiment biblique et merveilleux.
Ce film baigne dans la grandeur de ses intentions, et se laisse envahir, voire écraser, par son ambition. On retrouve beaucoup de " Empire of the sun " dans " Schindler's list ". Mais la maturité n'est pas encore au rendez-vous.
 
      Dossier réalisé par Vincy + PETSSSsss
      (C) Ecran Noir 1996-2005