Reservoir Dogs
Pulp Fiction
Jackie Brown
Kill Bill (vol1)
Kill Bill (vol2)
 
©1996-2004 Ecran Noir SARL
Conception: PETSSSsss-
Rédaction: Vincy - Arnaud
Crédits photos: Miramax
 
réalisation: Quentin Tarantin
scénario: Quentin Tarantino, Roger Avary
image: Andzej Sekula
montage: Sally Menke
decors: Sandy Reynolds-Wasco
costumes: Betsy Heimann
durée : 99 min
 
Harvey Keitel (Mr. White)
Tim Roth (Mr. Orange)
Michael Madsen (Mr. Blonde)
Chris Penn (Nice Guy Eddie Cabot)
Steve Buscemi (Mr. Pink)
Lawrence Tierney (Joe Cabot)
Quentin Tarantino (Mr. Brown)
Edward Bunker (Mr. Blue)
Reservoir Dogs 
Mr. ORANGE ROULE LES MECANIQUES

"- Ca m'amuse de torturer un putain de flic!"

Reservoir Dogs est un film à petit budget (1.2 millions de $), comme un brouillon, l'esquisse d'un style. Pas forcément original, d'ailleurs. Mais pour une petite prod', les chiens aboient avec classe. Avec le temps, l'oeuvre est devenue culte. Les soirées vidéo aidant. Comme le cinéaste géniteur s'est plongé dans différents films pour exhumer celui-là de ses neurones. Jamais RD ne fut populaire. Trop violent, trop politiquement incorrect, il ne rapporta que 3 millions de $. Avec 252 "fuck" éructés, il est même passible de crime verbal dans un pays où chaque gros mot est remplacé par un bip sur le petit écran.
Tarantino, pour son premier essai, sacré à Sundance, invité à Cannes, et applaudit à Toronto, aura choisi de rendre hommage à Ringo Lam (le script est assez similaire à City on fire, un des films cultes de Quentin) et John Woo (les costumes sont semblables à ceux de la suite d'A better Tomorrow). on reste dans les années 80 avec la référence ultime pour ouvrir son film : Madonna. Long dialogue sur les mérites de la fausse blonde, sur son tube Like a virgin ("après Papa d'ont preach j'ai décroché"). Dès cette séquence pré-générique, le réalisateur dessine ce qui sera sa "touch" : des échanges philosophiques sur des sujets anodins, une envie de jeu et de comédiens, un cadre qui sert de huis-clos.

Pas une serveuse ne viendra interrompre ces bandes à part : en aparté, il ne se passe rien justement. Juste un casse qui tournera mal. Ils papotent comme des gonzesses, alors que ça joue aux gangsters. Chevaliers de table ronde, en costards, tontons flingueurs, toutes les gueules sont choisies. Là aussi reconnaissons un immense talent de casting au monsieur. Gros plans et bavardages interminables. En une séquence on a tout ce qui peut agacer et ce qui rend admiratif chez cet éternel banlieusard.
A l'image de ces durs, pas si flamboyants, ni vraiment flambants neuf, on a le droit à de l'occaze qui décoiffe avec un vocabulaire chiadé et se recoiffe avant de clamser. C'est ce qu'on retient, l'essence même de ce Reservoir rouillé (un entrepôt qui a servi de morgue dans la vie réelle; ça ne s'invente pas) : les acteurs, de Keitel à Buscemi, de Roth à Madsen, en passant par Chris Penn (yeux exhorbités, fascinant de folie). Ces acteurs jouent les durs. Comme ces durs imitent les acteurs (de Scorsese) pour se donner de l'importance. Nommés par des noms de couleur (à l'instar du film de Sargent, The taking of Pelhalm One Two Three), on suivra l'itinéraire de ceux qui survivront (Orange, Blonde, White) grâce à une narration en flash-backs. Chacun sa version des faits. Il manquera celle de Mr. Pink. Rôle à la base dévolu pour Tarantino (qui passa la main à Buscemi) et contesté dans le film par le personnage. Cela peut expliquer.

Ces salopards sont très bavards. Ils se placent avec précision dans ce huis-clos très léché par ses choix de cadre. Le film davantage les apparence d'une tragédie théâtrale. L'économie de moyens rend cette dramaturgie très épurée, limitant l'action. Pourtant, le spectateur embarque. Ce suspens en quête de traître aboutira déjà (comme dans tous ses films) à une morale très classique : le mouchard paie, et aucun, même celui qui semble doté d'une conscience et de compassion (ici Keitel, celui qui a le doute), ne sera sauvé. Qui a versé le sang baignera dans l'hémoglobine. Le rouge colorie ce film noir à chemises blanches. Il faut bien cela pour compenser l'absence de B.O.F. marquante (excepté le super son des années 70 de la radio K-Billy). Tarantino connaît déjà la partition. Lorsque la musique envahit l'écran, c'est pour mieux appuyer l'insoutenable à venir. L'agressivité n'est pas que verbale. Comme pour mieux manipuler le public, le cinéaste s'autorise la surenchère, qui nuit fortement à l'ensemble.

C'est évidemment la séquence qui fit le bonheur du producteur : celle dont tout le monde parle, sans l'avoir vue. Après des bagarres de gamins, des engueulades d'ados immatures, l'auteur se sert d'un flic comme d'une bête de laboratoire. Torturé, le flic sera un déclic important dans le scénario. Mais quelle idée de sombrer si gratuitement dans le gore? Avec un fort pouvoir suggestif, il oublie sa moralité durant quelques minutes inutiles. Avec une jubilation de tortionnaire, Tarantino, habile, nous décompresse avec une attitude et une musique cools pour compenser la tension des pires scènes.

C'est aussi, paradoxalement, à partir de là, où l'on se fout de ce qui est clamé, et on l'on s'intéresse enfin à ce qui est filmé. Jusqu'à présent c'était l'inverse. La parole sauve tout et rend humain. Mais ce n'est qu'un brouhaha qui couvre un silence bien plus important : la violence qui couve en l'homme. Car l'action, à chaque fois, est une malédiction. C'est le début des emmerdes. Pendant qu'ils parlent, ils ne font pas de conneries, finalement.

Au delà du sacre du verbe, Tarantino rend le factice triomphant. Rien de crédible. Ce sont les détails qui font les histoires, et qui rendent celle-ci un peu plus probable. A l'image de cette séquence, la meilleure, où Tim Roth raconte, répète, apprend, et vit une même anecdote. Multiples décors pour propos identique. Tout n'est qu'un jeu. Il n'y a ici aucun je. Que des rôles.
Il ne faut chercher aucune profondeur dans tout cela. Les discours résonnent comme ceux de beaufs, limite racistes. On y parle de Pam Grier et de Lee Marvin : voilà leur champ culturel. des beaufs qui aiment se raconter des blagues au niveau de la ceinture. Tout n'est que de la frime. Un vide abyssal remplit par une culture ni underground ni pop, juste curieuse. Tout est "à la manière de". Hormis la morale et les dialogues, Tarantino ne prouve pas, alors, qu'il est un auteur, avec une vision propre à un cinéaste. Il a juste bien digéré tout ce qu'il a vu dans les années 80.

Enervant? Soyons indulgents, le duel à trois final, fatal triangle bermudien où chacun s'apprête à tuer l'autre par effet de dominos, est un beau moment de cinoche. Instant de grâce où Mr. White doit tuer Joe, puis tourner son arme vers Eddie. Mais White oublie de tourner son arme vers Eddie, qui, par réflexe, tombe sans avoir été touché. Certains s'interrogent sur qui a tué Harry ou Liberty Valance. Qui a donc tué "Eddie le gentil"? On s'en fout, en fait, parce qu'il ne reste plus personne dans ce hangar pour souffler la réponse. La seule chose qui compte, ce n'est pas l'authenticité de l'image, mais bien l'effet qu'elle donne. C'est ça, la signature Tarantino.

-Vincy 

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