FILMOGRAPHIE

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LES TEMPS QUI CHANGENT
Deneuveretrouve Téchiné et surtout Depardieu. Alchimique.
 



Sortie France le 15 décembre 2004
Festival de Venise

Production : Gemini Films
Réalisation : André Téchiné
Scénario : André Téchiné, Laurent Guyot, Pascal Bonitzer
Photo : Julien Hirsch
Montage : Martine Giordano (98 minutes)

Casting:
Catherine Deneuve (Cécile)
Gérard Depardieu (Antoine)
Gilbert Melki (Nathan)
Lubna Azabal (Nadia, Aicha)
Malik Zidi (Sami)
Tanya Lopert (Rachel)
Nadem Rachati (Bilal)


HISTOIRE

Antoine vient à tanger pour superviser un chantier. Ce n'est pas un hasard. Après avoir vadrouillé dans le monde entier, il cherchait l'amour de sa vie, le premier. Celui de Cécile. Elle s'est installée à Tanger, avec son mari, médecin, plus jeune qu'elle. Son fils, sami, parisien désormais, revient pour quelques jours. Il est accompagné de Nadia, qui vient revoir sa soeur jumelle après 6 ans de distance.
Mais Sami ne pense qu'à Bilal. Nathan, son mari, voit ses affaires tourner mal. Et la cour persévérante d'Antoine commence à déstabiliser ses fondations. Cécéile rejette le passé, refuse la passion, et renvoie Antoine à ses souvenirs.


CRITIQUE

PROCHE

"- Je ne sais même plus pourquoi on est venu là..."

Le titre est cruel. Car si les temps changent, les corps et les visages aussi. Pourtant le film, profondément "téchinien", flirtant avec Truffaut, est une ode au mouvement, que l'on nage, que l'on marche : tout le monde bouge. Et dès qu'il y a immobilisme, les ennuis, les soucis l'emportent. Une jambe mordue, une attente assise trop longue, la visite d'un trou dans un chantier, un embouteillage causent davantage de troubles que tous les déplacement à travers Tanger.
Téchiné a réalisé un de ses meilleurs films (et aussi son plus laid). Peut-être. Car le film est en constante évolution, séquence après séquence, sans que l'on sache précisément vers quels rivages il va nous amener. Inégal serait plus juste comme qualificatif. Le films nous bouscule comme un grand huit, sans jamais nous endormir. Cependant, quelques épisodes nous laissent sur notre faim. Le scénario montre ses forces comme ses faiblesses, à l'instar des deux personnages principaux. Sans peur.
Téchiné a sans doute voulu explorer trop de pistes, et les a malmenées au profit - louable - du rythme. Il bâcle ainsi le double personnages de Lubna Azabal, trop caricatural, et qui nous détourne de notre centre d'intérêt pour pas grand chose. Il a été mieux inspiré dans ses films passés quand il s'agissait d'homosexualité inavouée. La relation, ici, n'a rien à voir avec la beauté lyrique à laquelle il nous avait habitué. Elle est sèche, dénuée de sensualité, presque vide de sens même. Ces personnages secondaires, factices, sont pourtant bien interprétés - Malik Zidi a toujours cette élégance innocente magnifique. Le défaut est davantage dans l'écriture. Leur histoire véhicule trop de clichés, n'est pas assez creusée. Pire elle dérape ou s'offre des raccourcis qui révèlent à quel point ils sont secondaires.
Plus intéressant, mais tout aussi malhabile, le décor de ce suspens romantique. Tanger - déjà filmée dans Loin - théâtre économique ou socio-politique, sert d'expérience cinématographique avec un extrait de film d'entreprise, un montage presque expérimental et hallucinatoire (le chantier), des échanges sur le Maroc contemporain, les enjeux stratégiques, ou encore un regard pudiquement documentariste. Ce mélange des genres est fascinant. Il ancre le film dans son époque, dans cet étrange exil qui permet de déraciner l'universalité du propos. Car finalement Tanger regardant l'Espagne en chien de faïence, l'observant de loin, attirée par ce lien historique, n'est-ce pas Deneuve se refusant à Depardieu, territoire familier, mais séparée par une mer dangereuse...?
Car ne nous le cachons pas, ce Téchiné n'est pas comme les autres. D'abord il retrouve son amie Deneuve. Il l'avait transformée il y a 24 ans dans Hôtel des Amériques. On retrouve ici cette lourdeur du passé, cette mélancolie, mais aussi la passion du Lieu du crime, la famille et les engueulades de Ma Saison préférée, le jeu de chat et de souris des Voleurs. Les temps qui changent est un film dans la continuité de leur relation cinématographique. C'est aussi la première fois où Téchiné ne nous surprend pas avec son actrice "fétiche". Nous avons cette impression bizarre d'avoir déjà vu Deneuve dans chacune de ces/ses scènes. Mais voilà, la grande Catherine frôle la perfection. Pas forcément magnifiée (le regard dans la glace est cruel, mieux vaut éteindre la lumière avant l'étreinte), elle paraît plus naturelle que dans le jeu. Il faut s'attarder sur ce regard stupéfait quand elle revoit pour la première fois, par inadvertance, son premier grand amour. Impeccable quand elle vire virilement Depardieu de son bureau ou qu'elle encaisse les reproches, énervée ou diplomate, la Deneuve est chez elle, devant la caméra. D'ailleurs, même en arrière plan, elle est au centre de l'image, et notre oeil fuyant, ne voit qu'elle. Car même loin, elle est proche.
Si le débit rapide de sa parole contraste avec une certaine lenteur "deneuvienne", il est plus surprenant de retrouver Depardieu. Presque silencieux, lunaire, rêveur, adolescent, cet Antoine a la candeur des romantiques. Depuis 12 ans, nous ne l'avions pas vu aussi convaincant, aussi juste. Il apporte une légèreté et une belle émotion au film. Dans ce monde de routine et de réalité, il apparaît comme un extra-terrestre. C'est là le premier miracle du film : la résurrection de l'acteur de Barocco.
Mais ce coup-ci il n'a plus Adjani en face de lui. Il revoie Deneuve, pour la sixième fois, après 16 ans d'absence et leur Drôle d'endroit pour une rencontre. Ici un supermarché à Tanger. Outre le plaisir du cinéphile, la jubilation à les revoir ensemble, il faut noter l'évidence de ce mariage celluloïdale. Lui féminin comme jamais. Elle masculine comme toujours. Et Téchiné de jouer avec notre subconscient, nos souvenirs et de placer une photo en noir et blanc, période Dernier Métro, où le couple est heureux, jeune et beau. Mais les temps ont changé, et les ont changés. cette maturité leur sied bien. Et Téchiné sait la capter merveilleusement. Le vrai sortilège est dans sa caméra. Après tant de films où leurs amours s'avéraient impossibles ou contrariés, il va assouvir le fantasme du spectateur. Comme toujours, il fait monter la sauce, les sentiments s'entrechoquent et la passion l'emporte sur la raison. L'amour sur la vie et ses carcans. Cette liberté n'a jamais été aussi présente. Loin de Paris et du star-système, il y a deux comédiens qui gardent pour eux le secret qui les lient à nous : leur emprise sur notre plaisir. Car, ce film séduisant, fluide, emballant, mais irrégulier, nous enchante. Nous sommes sous le charme. Finalement, tout ne change pas.

(Vincy)



BUZZ
Le film a souvent changé de titre (L'emprise fut l'un des plus souvent retenus). Sorti précipéitamment (Téchiné était encore en salle de montage quelques semaines avant la sortie française du film - en vue des Césars et des fêtes), il faudra tout l'éloge critique (Télérama, Libé, Le Monde, ... as usual) pour séduire els cinéphiles.
Deneuve est très présente en promo (de Campus sur France 2 à la couverture de Zurban et A nous Paris). Elle célèbre son cinquième film avec Téchiné, 8 ans après <Les Voleurs. Mais surtout les retrouvailles avec Depardieu, avec qui elle a joué Drôle d'endroit pour une rencontre, Fort Saganne, Le choix des armes, Le dernier métro, Je vous aime. Melki avait déjà joué avec l'actrice dans Au plus près du Paradis. Azabal avait été révélée par Téchiné dans Loin. Et Zidi était dans le casting de Place Vendôme.
Les temps qui changent sort un an et demi après la présentation cannoise des Egarés, dernier Téchiné en date et joli succès public.

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