Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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 (c) Ecran Noir 96 - 24


Focus, UGC Ph  

Production : Focus features, Paramount, Good Machine, River Road, This is That, Alberta Filmworks
Distribution : Pathé Distribution
Réalisation : Ang Lee
Scénario : Diane Ossana, Larry McMurtry, d'après le livre de Annie Proulx
Montage : Geraldine Peroni, Dylan Tychenor
Photo : Rodrigo Prieto
Décors : Judy Becker
Musique : Gustavo Santaolalla
Directeur artistique : Laura Ballinger
Durée : 134 mn
 

Heath Ledger : Ennis del Mar
Jake Gyllenhaal : Jack Twist
Michelle Williams : Alma del Mar
Anne Hathaway : Lureen Newsome
Randy Quaid : Joe Aguirre
Valerie Planche : la serveurse
Roberta Maxwell : la mère de Jack
 

site officiel annie proulx
site officiel français
site officiel us
Dossier : Ecran Rose, le cinema gay
 
 
Brokeback Mountain (Le secret de Brokeback Mountain)


USA / 2005

18.01.06
 

Le secret de Brokeback Mountain devrait être une forme de sacre pour le plus reconnu des cinéastes chinois, Ang Lee. Deux fois Ours d'or à Berlin (Garçon d'honneur, Raisons et sentiments), déjà primé à titre de meilleur réalisateur aux British Awards et aux Golden Globes (Tigre et Dragon), ce Taïwanais de 51 ans a commencé sa fructueuse récolte avec un Lion d'or à Venise en septembre dernier puis une sorte de grand chelem américain : critiques de Boston, San Francisco, Dallas, New York et Los Angeles (meilleur film et meilleur réalisateur), mais aussi la meilleure photo (critiques de Chicago, Dallas), la meilleure musique (Chicago), le meilleur scénario (Dallas), le National Board of Review (réalisateur, second rôle masculin), le meilleur acteur (New York, San Francisco). Les Critic's Choice Awards lui ont décerné 3 prix (film, réalisateur, second rôle féminin). La société des chefs opérateurs a nommé Rodriego Pietro parmi les 5 meilleurs de l'année; de même la Guilde des réalisateurs l'a choisi parmi les cinq meilleurs de l'année (5 ans après son prix pour Tigre et Dragon, 10 après sa première nomination pour Raisons et sentiments). Idem pour la Guilde des Producteurs à titre de meilleur film de l'année, la Guilde des scénaristes pour le script (mais le prix est revenu à Capote) et la Screen Actors Guild qui a nommé le casting, l'acteur, le second rôle masculin et le second rôle féminin. Nominations aussi chez les Indépendants aux Spirit Awards (film, réalisateur, acteur, second rôle féminin). Mieux encore, les Golden Globes en ont fait leur chouchou avec 4 Globes (film, réalisateur, scénario, chanson) parmi les 7 nominations (musique, acteur, second rôle féminin).




Difficile de faire mieux. Rien de gagner à l'avance, cependant. Le script date même de la fin du siècle dernier. Il a été écrit dans la foulée de la publication de la nouvelle d'Annie Proulx, parue dans le chic magazine The New Yorker en octobre 97, l'année où Ang Lee sort l'excellent The Ice Storm. Le film est alors un serpent de mer qui fait long feu à Hollywood. Les cinéastes dits "gay" ont été appelés à la rescousse. Gus Van Sant - ce qui conduisit à un premier refus de la part de Jake Gyllenhaal ) puis Joël Schumacher. La gagnante du Pulitzer 94, Proulx, rassemble ses histoires courtes (Close Range) en 1999, rajoute un prologue et Brokeback mountain devient vite un objet littéraire culte. Impossible à financer, le film a pourtant un budget modeste (14 millions de dollars). Déjà largement rentabilisé puisque le film bat quelques records (en recettes par salles notamment) et cumule (avant les nominations aux Oscars) 30 millions de dollars de recettes en Amérique du Nord. La production a d'ailleurs délocalisé le tournage dans l'Ouest canadien (en Alberta), qui a l'avantage de ressembler à la fois au Montana et au Texas, pour réduire ses frais. "Les gens connaissent l'Ouest des westerns. Mais peu ont une idée de l'Ouest véritable. Quelqu'un venant de Taiwan comme moi, pense que l'Amérique c'est New York et la Californie. Mais il y a cette vie rurale américaine dont nous ne savons pas grand chose. Le film est une histoire d'amour entre des personnages issus de cette Amérique-là" détaille Lee.
Le script obsède très vite le réalisateur, qui avait besoin d'une expérience aussi forte que Tigre et Dragon après l'échec critique et en partie public de Hulk. "Après Hulk j'étais déprimé. Je pensais que je ne ferais pas de films avant un certain temps. Mais j'aurais été très jaloux qu'un autre que moi fasse ce film." Le scénario de Larry McMurtry (Tendres passions et un prix Pulitzer, "Lonseome dove") et Diana Ossana lui plaît immédiatement. L'équipe technique regroupe des talents variés. Pour la photo, il fait appel à Rodrigo Prieto, découvert avec les Inarritu (Amours chiennes, 21 grammes), confirmé avec 8 mile de Curtis Hanson. Il s'est pas mal aidé du beau livre de Richard Avedon (Photographies de l'Ouest Américain). On l'aperçoit en prostitué mexicain au détour d'une scène. Pour la musique, il fait aussi son marché en Amérique Latine, en recrutant le compositeur Gustavo Santaolalla, révélé par ses partitions pour les films du Mexicain Inarritu et surtout pour Carnets de Voyage du Brésilien Walter Salles.
Heath Ledger est le seul acteur à ne pas avoir eu besoin d'un casting pour être enrôlé. Entre Les Frères Grimm et Casanova. Il accepte de plonger nu dans un lac, manque de casser le nez de son partenaire en l'embrassant trop fougueusement, et ne se défile pas devant les questions pièges des journalistes. Impliqué plus que de raison.Gyllenhaal a été plus hésitant. Après son premier refus, il avait mûri, et besoin de changer de registre (Le jour d'après menaçait de le confiner dans le blockbuster commercial). Les rapports n'ont pas été idéaux entre le réalisateur et l'acteur. La tête d'affiche de Jarhead trouvait que Lee abandonnait facilement les acteurs à leurs sorts une fois les caméras en place. Mais cela a aussi permit aux acteurs de trouver leur symbiose, nécessaire aux deux personnages. Lee a surtout été très attentifs à leur complicité, à la crédibilité de la scène sexuelle (tournée 13 fois). "Ce sont des acteurs. Je ne suis pas leur agent. Je me fous de savoir si le film va briser leurs carrières. Tout ce qui m'intéresse était ce qu'ils me donnaient. Ce que nous devions tous atteindre c'était d'être convaincants. Certaines personnes pensent qu'il faut un réalisateur homosexuel pour faire ce genre de films. Je ne pense pas que ça compte d'être gay pour le réalisateur ou les acteurs. Il suffit d'être sensibles" se justifie Ang Lee.
Si Anne Hathaway a été oubliée de tous les palmarès, son principal titre de gloire a été d'obtenir le rôle. Ang Lee n'avait rien vu avec elle (Princesse malgré elle, Ella...) mais de peur que ses films jouent contre elle, la directrice de casting l'a présentée comme une actrice de Broadway. Michelle Williams, elle, a eu quelques honneurs dans son personnage de mère et femme bafouée. Entre-aperçue dans Land of Plenty (Wenders) et The Station Agent, elle joue surtout sur les planches (de Tchekhov à Mike Leigh). Pour rendre crédible son anéantissement devant le "coming out" de son mari (Ledger), elle a demandé aux deux acteurs de s'embrasser avec le maximum de conviction hors-champs.
Malgré les honneurs, l'Amérique conservatrice a quand même réagit à ce succès inattendu. Un cinéma de l'Utah (Etat mormon) a refusé de le programmer, estimant que ce film n'entrait pas dans le cadre des valeurs défendues par son propriétaire. Idem dans certaines petites salles au Texas ou ailleurs. Le film semble créer l'événements dans les Etats reculés où il commence à être montré. Un célèbre chroniqueur a publiquement avoué qu'un film sur une histoire homosexuelle n'avait pas d'intérêt pour l'hétéro qu'il est; il a été appuyé par un critique new yorkais de sexe féminin. Réactions immédiates des associations luttant contre la discrimination et les obligeant à revenir sur leurs déclarations proches d'une forme d'homophobie "légitimée". Après tout dans ce cas, pourquoi les homos (femmes et hommes) se sentiraient concernés par 99% des histoires d'amour hétéros du cinéma? Cependant, là où la communauté gay va peut-être trop loin c'est en en faisant une arme / argument en faveur du mariage entre deux personnes du même sexe.
Ce n'est pas, loin de là, le film le plus "gay" de l'histoire. Mais il s'agit de la première production hollywoodienne à montrer un acte sexuel explicite entre deux stars (qui plus est hétéros). Ang Lee n'avait pas été jusque là avec son Garçon d'honneur en 1993. Par ailleurs, en tant que film gay, le film est largement moins populaire que Entretien avec un Vampire, In & Out, Philadelphia, où des stars catégorie A s'enlaçaient ou s'embrassaient chastement. Le film, en fait, marche mieux comme western, même s'il n'a pas encore atteint les cimes de Unforgiven, Danse avec les Loups, Maverick. Des deux genres, il risque donc de marquer davantage un virage cinématographique chez les fans de grands espaces qu'une révolution culturelle chez les amateurs d'intimité (homosexuelle).
Moralité de l'histoire : si ce film a un Oscar, il est clair qu'après l'euthanasie selon Eastwood, Hollywood aura décidé d'être le véritable parti opposant à Bush durant son second mandat. "Essayons. prenons ce risque, mais j'ai besoin que le prennes avec moi; Je ne peux pas le faire tout seul." supplie Jake. Voyons combien de Français seront prêt à le prendre.
 
vincy
 
 
 
 

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