Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Diaphana  



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The Secret Life of Words (La Vida secreta de las palabras)


Espagne / 2005

19.04.06
 








L'ECUME DES JOURS

"- Vous préférez les hommes circoncis ou vous trouvez que ça ne change pas grand chose? (....) Ne répondez pas à ma question sur le mariage, c'était impoli. Mais vous n'échapperez pas celle sur la circoncision."

Il n'est pas question ici de dévoiler l'intrigue tant elle est chevillée au corps du film. La révéler serait enlever tout le mystère qui imprègne son personnage principal. Cependant The Secret Life of Words exigera du spectateur de la patience pour comprendre où on le mène. Le ton vaguement décalé, les sons électros (et d'un point de vue plus général les excellents choix musicaux, toujours adéquats) contribuent à le perdre dans une zone interdite, une forme de quatrième dimension où tout semble abstrait et simultanément réel, théâtral (la mise en scène est très précise, très organisée) et profondément humain.

Il n'y a pas de place au hasard. même l'instant le plus inattendu est préconçu. C'est là sans doute, en creux, la fragilité de l'édifice, qui paraîtra pour certains un peu distant, à l'image de cette symbolique plate-forme pétrolière en voie d'extinction. Il n'y a rien de superflu, chaque élément est signifiant. Cependant, malgré les allures de tragédie existentielle - l'oeuvre est même plutôt morbide - il y a de la place pour l'humour, la dérision aussi bien dans les dialogues que dans ces caractères insolites (très proche de Capra comme ces deux vieilles qui comparent Vin Diesel à Jean-Claude Van Damme). Le fantasque, le fantastique et le fantaisiste sont là pour nous détourner du sordide. Car le film aurait pu se complaire dans son autisme.

Mais Coixtet maîtrise étonnamment son propos pour nous faire passer d'un sujet à l'autre, d'un secret caché à une vérité hantée. Le mensonge brouille les pistes dans ses deux premiers tiers. Les mots n'en ont que plus d'importance, de pouvoir, de fascination. Le monologue arrivera alors et détonnera, comme une bombe. Sans effets. Nul besoin de musiques pour tirer les larmes. Les images comme Sarah Polley sont justes et pudiques. Cette jeune femme, troublante, ne sait pas s'occuper d'elle, alors elle s'occupe des autres. En l'occurrence son "absence" permet de faire revivre un homme immobile et un autre qui a désespère. Elle renvoie à Robbins (subtil) et Camara (excellent) leurs rêves, leurs désirs. Avec le premier elle joue des mots (et des maux). Il la désensorcelle de l'emprise du temps qui passe, des souffrances qui blessent. Avec le second, elle réapprend à profiter des mets. Ses papilles lui redonnent goût à la vie, et aux autres. Le cuistot espagnol a un effet cathartique et extatique. Elle abandonne son poulet surgelé, son riz industriel, sa pomme de serre pour des saveurs plus exotiques, métissées et épicées.

Toutes ces sensations qui remplissent l'existence, ou, en fait, le vide de notre existence. Ces destins solitaires qui interagissent par besoin ou obligations. On trouve alors la tendresse où on peut : on danse seul, on se fait la lecture, on se susurre des boniments. Les désirs sont inavoués, les masques empêchent la sincérité, les émotions ont peur d'elle-mêmes. Dans ce monde du silence, où le bruit peut faire fuir, il n'est pas anodin qu'une plate-forme isolée en pleine mer soit le cadre de ce mélodrame. Lieu étrange battu par 25 millions de vagues, autant de souvenirs qui reviennent sans cesse frappés les piliers de sa mémoire. Les traumas personnels percutent ceux de l'Histoire, les fables se mélangent aux faits. Il y en a des raisons pour perdre la raison, vouloir partir pour un ailleurs meilleur, se suicider dans les flammes, s'isoler ou se taire. Ecorchés (ou brûlés) vifs, aveugles ou sourds, chaque sens a son importance. Nous fait prendre conscience. The Secret Life of Words pouvait être une simple et belle histoire touchante, elle s'avère poignante.

Et si l'espoir est timide, si la renaissance exige la patience, la meilleure image est celle d'un dimanche d'hiver ensoleillé, à la clarté indéfinie mais certaine, bizarre, fragile, apaisante. Les mots ont finalement rempli leur mission : apprendre à vivre sans ses fantômes et croire au printemps.
 
vincy

 
 
 
 

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