Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Dikkenek


France, Belgique / 2006

21.06.06
 








RENCONTRES FRAPPADINGUES AU PAYS DE LA BIERE

« Si aujourd’hui tu ressembles plus à Albator qu’à Candy, c’est parce que ta maman elle flûtte ! »

Les personnages de Dikkenek sont tous fous. Chacun à sa façon brise le manichéisme primaire, sans pour autant tomber dans une caricature dégoulinante de fausseté. Ils sont sans emploi (pour la plupart), drogués (à la Schnouf ou au sexe), méchants (juste pour le plaisir d’avoir le dernier mot), prétentieux, arrogants, moches et beaux, riches et sans le sou, et malgré tout, Olivier Van Hoofstadt (le réalisateur) met un soin tout particulier à ne surtout pas les rendre trop sympathiques. Des répliques assassines dignes d’un Stéphane Guillon, des comportements plus que loufoques comme inspirés d’ American Pie et une performance d’acteurs plus que remarquable. Résultat, plus le film avance et plus la côte d'amour pour les personnages grimpe, bien entendu. Comme attiré par ce qui lui est inaccessible dans son quotidien, le spectateur se prend au jeu car comme souvent, le rire et la démesure poussent à tout pardonner. Même les plus réfractaires à l’humour potache et décalé – comme vu récemment dans la série des Austin Powers, H2G2, le guide du voyageur galactique, The Big Lebowski ou encore dans les films projetés pendant l’été à l’attention des ado – pourront esquisser quelques rictus, voire des ébauches de sourire face à ces personnages burlesques et excentriques.
En jouant sur nos propres pulsions les plus inavouables (s’enivrer jusqu’à plus soif, batifoler à plusieurs sur le bord d’une route, faire éclater sa colère sur n’importe qui, jouer les voyeurs auprès des voisins…), le réalisateur s'assure la caution d'un rire moqueur et presque honteux grâce à un humour des plus sadiques et immoraux tout d'abord - que certains taxeront de facile car parfois graveleux et gratuitement méchant. Il l’est en effet mais il ne s'en cache pas. Il sera ainsi possible d'assister à des joyeusetés du genre cours de Schnouf dans une classe de primaire, escalade d’une façade en tenue d’Adam, peep-show pour animateur TV (dont nous tairons le nom, davantage pour conserver la surprise que par souci de garantie de réputation…), racisme policier affiché, stigmatisation des défauts physiques des jeunes filles, etc. .. Sans que le spectateur ne ressente l’envie de rire, voire de s’esclaffer. Certains iront jusqu’à dire « Que du bonheur, en somme ! ». Le sadisme est donc au rendez-vous, mais la perversité aussi. Et pas d'inquiétude, il y en a pour tous les goûts, entre détournement de mineures, zoophilie, drogue et peut-être la meilleure scène du film au musée des accidents de la route, où Marion Cotillard va faire pâlir plus d’une institutrice dans la salle.
Filmé comme une suite de portraits pour d’abord présenter les personnages et ensuite les faire se télescoper dans des conditions rocambolesques, Dikkenek regorge de situations jouant sur la méchanceté des hommes, un vivier inépuisable. Chaque scène contient un germe de folie plus ou moins développé (souvent plus que moins, d'ailleurs). Paradis du politiquement incorrect, le film démontre à de nombreuses reprises que l'enfer, c'est les autres. A ce titre, les personnages sont de véritables phénomènes humains, poussant leur personnalité au plus haut point du mépris de l’autre et d’eux-mêmes. Le casting devait donc être des plus parfaits. Le choix des acteurs a été plus que déterminant pour le film. Là encore, Olivier Van Hoofstadt fait mouche, car les comédiens font tous preuves d’une grande ingéniosité quant à leur interprétation si loin de leurs rôles habituels. On a certes déjà vu Marion Cotillard dans des fables au ton décalé et surprenant (Big Fish), mais la voir interpréter une institutrice à la pédagogie très spéciale et aussi déjantée (ah, cette visite au musée!), est plus que déconcertant. Mais finalement, ce rôle lui va comme un gant. A noter une mention spéciale aux deux "dikkeneks" principaux, Jean-Luc Couchard (JC) et François Damiens (Claudy), qui avec leur accent belge très prononcé et leurs paroles affûtées, offrent un festival de anti-héros. Sans oublier Florence Foresti pour sa première participation au cinéma, en flic au franc-parler déroutant.
Loin des éphèbes au sourire « émail diamant » et aux pectoraux saillants des séries américaines, les « dikkeneks » évoluent dans un univers où la loi du plus fort est toujours la meilleure. Pour résumer, la morale de ce monde de tarés serait : pour réussir dans la vie, il faut avoir de l’argent ou être le plus fort (comprendre : le plus tchatcheur). Mais paradoxalement, Dikkenek, sous ses airs d'anti-bien-pensant, s'avère être un film moins hypocrite et plus rêveur que la majorité des productions, puisque la belle ne termine pas dans les bras d'un Apollon, mais d’un peï finalement plutôt gentil.
Il faut ajouter à cet humour décapant et vicieux à souhait une propension au non-sensique absolu. Deux personnages peuvent ainsi se croiser plusieurs fois sans forcément se reconnaître, et tout le monde se retrouve dans des lieux communs parfois un peu par magie. Mais ces situations manquant parfois de vraisemblance apportent au film un surplus de folie, et se fondent du coup parfaitement dans cet univers hautement loufoque. Non, vraiment, en un mot comme en cent, monsieur Van Hoofstadt, bravo !
 
Marie

 
 
 
 

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