Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Mon Nom est Tsotsi (Tsotsi)


Afrique du Sud / 2005

19.07.06
 








AU COEUR DES TENEBRES


(Tsotsi pointe une arme sur Miriam, une jeune femme du bidonville) « Nourrit-le [bébé]! »

Mon Nom est Tsotsi est l'adaptation cinématographique du roman éponyme écrit par Athol Fugard en 1980. Dialogue intérieur d'un jeune homme qui, après une profonde remise en question et une prise de conscience, découvre ce que sa mémoire lui cachait et son humanité disparue, le théâtre de Fugard a l'intelligence de ses sombres confrontations. Sans être militant, il dénonce à l'aide de personnages souvent métis, isolés, sans futur ni réelle identité, les souffrances engendrées par l'Apartheid. Dans Mon Nom est Tsotsi, l'anti-héros, incarnant cette Afrique du Sud sans visage, devra retrouver son vrai nom pour savoir qui il est réellement et d'où il vient. Sa vie est à l'image du chaos qui règne dans sa tête et dans son cœur. Miroir vers le passé, il kidnappe l'objet (un bébé) qui va révéler son enfance volée. La carapace que le jeune voyou s’était façonnée autour de sa mémoire et de son cœur se fend peu à peu et le caïd commence à laisser parler ses sentiments et à entrevoir un avenir différent. Rousseau n'est pas loin... Hood cherche juste les moyens de désarmer son héros, de le faire passer du film noir à une oeuvre digne. Derrière la bestialité de Tsotsi se profile une interprétation magistrale de Presley Chweneyaga, sans qui le film ne résisterait pas à certaines facilités.


Presley Chweneyagae, un talent authentique
Pour son premier rôle au cinéma, le jeune Presley Chweneyagae interprète avec un charisme saisissant et des émotions authentiques ce voyou du ghetto de Johannesburg. Effrayant par cette violence sourde et animale qui pointe dans son regard, l’acteur parvient avec une extrême facilité à dégager toutes les fêlures de son personnage, en laissant paraître une émotion sublime qui le guide peu à peu vers l'humanité. Odysée intérieure qui le mène du calvaire à la compassion. Fauve blessé il se mue en être humain. Une dualité de caractère qui fait voler en éclat l'image du personnage abjecte, cruel et violent du début du film pour finalement laisser place à un enfant en manque d'affection, troublé par cette invasion de sensations nouvelles.
Thème fort du film, cette rédemption n'est pas avare en touchantes émotions. Récit convaincant que nous propose Gavin Hood, malgré quelques clichés passe-partout (l'enfance malheureuse, le manque d'éducation, la pauvreté) qui excusent Tsotsi et soulignent l'aspect conventionnel du scénario. Mais tout cela est amené sans complaisance et avec une sincérité évidente, même si la fin qu'il nous propose est un peu attendue… Pour les spectateurs les plus sensibles, le film noir va reprendre ses droits, venant chercher nos larmes et nos sentiments là où le cinéma est le plus efficace, un mélange de morale et de rage, de frustration et de nervosité.
La touche de vérité supplémentaire vient de l'utilisation de la langue des townships, mélange de onze dialectes sud-africains (Zulu, Khoza et Afrikaans majoritairement). Les dialogues, parfois crus et sans pitié, n'en ont que plus de force et le ton durcit lors des coups de sang des personnages en est d'autant plus soutenu. Une belle découverte qui nous plonge assurément dans l'univers des protagonistes, même si l'écoute en devient parfois déroutante au départ. Indispensable! On ne peut faire autrement que de comparer cette histoire avec le film de Fernando Mereilles, La Cité de Dieu, tant le sujet et l'environnement des protagonistes sont similaires. Comme Mireilles, Hood rend beau le répugnant, esthétise merveilleusement pour compenser l'atrocité réelle.


Gavin Hood, l'artiste des images
La mise en scène de Gavin Hood met volontairement l’accent sur ce qui rapproche les hommes plutôt que sur ce qui les sépare. Il s’emploie à ne faire aucune apologie de la violence en ne la montrant que de façon soudaine et sobre afin de ne s'attarder que sur les conséquences de celle-ci sur la vie des personnages. Il préfère magnifier le théâtre de l'action en montrant la criminalité sous un jour séduisant. On est à l'école américaine, celle qui plait au grand public. Il joue alors avec les filtres couleur sépia, donnant au film un côté passéiste à la mode (venant de la BD et introduit dans le monde de l'image par le clip et la publicité) et préfère tourner en super 35 pour donner une touche épique à une histoire plutôt intimiste. Manière de montrer qu'Hollywood n'a plus le monopole de la forme mais a du retard sur le fond. Usant du scope et d'un montage saccadé pour dramatiser fuites et confrontations, épurant les décors au strict minimum, il revient sans cesse au gros plan et au face-caméra pour imposer une relation au jeune Tsotsi dont le regard finit par nous hanter. Une recherche d'effet systématique pour déclencher l'affect. De plus, loin des docu-fictions tournés caméra sur l'épaule, il préfère stabiliser sa caméra pour installer dans la continuité le processus d'introspection du personnage principal. Une accumulation de techniques dont le résultat peut s'avérer un peu lourd, parfois.
Sans autre morale que de faire l'apologie du pardon et faire renaître le philanthropisme en chacun de nous, le film de Gavin Hood prend aux tripes et vous étreint le cœur dans sa vision humaniste. Entre misère et violence, renaissance et rédemption, l’éveil à l’humanité de cet enfant perdu grâce à un bébé volé touche au sublime. Un bijou d’émotion et de compassion. Un cinéma plus généreux que celui des Frères Dardenne, où l'Afrique apparaît comme un territoire universel, et Tsotsi comme une figure de cinéma noire et rouge, en proie aux sensations qui nous rendent égaux de la naissance à la mort.
 
Marie (et rédaction)

 
 
 
 

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