Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Le Dahlia noir (The Black Dahlia)


USA / 2006

08.11.2006
 



PARFUM EVAPORE





«- Vous n’avez pas de petite amie en ce moment ?
- Je me réserve pour Rita Hayworth.
»

Qu’attendre du nouveau De Palma ? Depuis Snake Eyes, l’ex maître du thriller n’a cessé de décevoir, avec des ratages tels que l’affreux Mission to Mars et l’oubliable Femme Fatale, film dans lequel il frisait l'autoparodie. Sauf que là, le réalisateur tient un scénario, un vrai. Le Dahlia Noir, chef d’œuvre de l'écrivain James Ellroy (également auteur LA Confidential, porté à l’écran avec bonheur par Curtis Hanson) est sans doute le polar le plus marquant des vingt dernières années. Du solide, donc, et l’occasion pour De Palma de tenter de retrouver le brio de ses débuts, du temps d’Obsession ou de l’Impasse.

Mais le Dahlia Noir va forcément décevoir, à commencer par les fans du roman. Comme le best seller de Patrick Süskind Le Parfum, récemment adapté pour le ciné, le thriller d’Ellroy est complexe, virtuose, foisonnant. Bref, difficile à transformer en film. De Palma s’en sort à moitié. Obligé d’élaguer l’intrigue très compliquée de ce pavé de plus de 600 pages, il en retient ce qui l’intéresse. D’où l’impression frustrante d’avoir une version « light » du roman, trop simpliste, dont les personnages, réduits à des archétypes (Bucky-le-gentil, Lee-la-tête-brulée), peinent à exister pleinement. Mais d’un autre côté, on retrouve avec plaisir les obsessions hitchcockienne de De Palma, puisées par le réalisateur dans le roman. Faux semblants, jeux de doubles et voyeurisme, donc. Pour résumer. Avec toujours ce maniérisme un peu tape-à-l’œil à base de travellings, plans séquences et ralentis à gogo. De ce côté-là, les amateurs de la « De Palma touch » seront servis, Le Dahlia Noir regorge de ces moments de bravoure (la mort de Lee, dont le montage haché évoque une bande dessinée, est impressionnante) dont le réalisateur s’est fait une spécialité. D’ailleurs, ne boudons pas notre plaisir, on ne s’ennuie pas une seconde à la vision de ce thriller grand luxe. Les personnages grillent clopes sur clopes, les femmes sont fatales, l’argent est sale, et les flics corrompus. Personne n’est innocent. Les yeux plissés, tirant une bouffée de sa cigarette, Josh Harnett évoque, en plus lisse, les Humphrey Bogart et autres Robert Mitchum des années 1940. Références obligées à l’age d’or du film noir, genre auquel De Palma rend ici hommage. En y injectant tout de même de son univers personnel.
Amoureux d’une morte, tel est malgré lui l’inspecteur Bucky Bleichert (Josh Hartnett). Obsédé par Betty Short, alias le « Dahlia Noir », une jeune starlette sauvagement assassinée. Une fascination aussi morbide que dévorante qui le conduit à chercher en Madeleine Leiscott (Hilary Swank, vénéneuse à souhait), belle et brune comme la défunte, une sorte de double expiatoire. C’était aussi le thème d’Obsession (­1976), remake de Sueurs Froides d’Hitchcock par de Palma : l’histoire d’un homme qui, quinze ans après la mort de sa femme, en épouse le sosie. Un film, soit dit en passant, autrement plus réussi que ce Dahlia...

L’atmosphère se veut donc malsaine, poisseuse : des meurtres horribles, des trahisons à n’en plus finir, et des personnages complètement névrosés (Lee, le coéquipier de Bucky, est lui aussi bien atteint, du moins en apparence) : pas très rigolo tout ça. Un peu pesant même, a dû se dire De Palma qui s’est amusé (une fois n’est pas coutume) à désamorcer cette tension par instants avec un peu d’humour. Mais un humour très noir, à l’image de cette scène mémorable de dîner chez les riches Linscott, où Bucky se trouve confronté aux parents déjantés de sa petite amie. Un père qui raconte en souriant que Balto, le chien empaillé dans l’entrée, a en fait été tué et gardé en souvenir du jour où son maître a gagné son premier million de dollars. Une fille qui fait des dessins pornographiques à table, et une mère (Fiona Shaw, géniale) complètement hystérique. Portrait acide d’une riche famille décadente sur fond de conflit de classes -Bucky se voit vertement reprocher son origine modeste par la très marrante marâtre. C’est très drôle, jouissif même. Peut-être aussi parce que c’est un des rares moments ou de Palma prend un peu ses distances avec l’intimidant support littéraire.

Le reste du film est trop illustratif, trop léché et superficiel pour être dérangeant, malgré d’excellentes prestations de la part des acteurs. Scarlett Johansson confirme ainsi, tout comme Aaron Eckard, son indéniable talent de camélon; Hilary Swank (qui casse ici avec bonheur son image de gentille fille de la campagne) et Josh Hartnett (très bon) la montée en puissance de la jeune génération à Hollywood. Peut-être ici un peu trop glamours pour être totalement crédibles, néanmoins.

Pas un grand film donc. Ni un grand de Palma. Mais un polar efficace traversé de quelques scènes brillantes. Manque la noirceur, le côté malsain dont le roman d’Ellroy était imprégné. Là aussi on vient à regretter les oeuvres du passé. Décevant de la part de l’auteur de Carrie, qui nous sert sur un plateau d’argent un Dahlia sans arôme, un poil trop sucré, donc pas assez noir.
 
éric

 
 
 
 

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