Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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La vie des autres (Das Leben der Anderen)


Allemagne / 2006

31.01.2007
 



TROIS HOMMES ET UN COUP PAS FIN





Il y a d'abord un excellent scénario qui nous entraîne dans une tragédie "humaniste" à suspens. Un découpage qui nous emballe durant deux heures et vingt minutes. Des acteurs qui se confondent dans leurs personnages, entre clichés cinématographiques et êtres singuliers, révélés sous des angles un peu inusités. La comédienne qui trahit. le fonctionnaire qui baise. L'auteur qui ne sait pas nouer sa cravate. Petits détails qui les sculptent, les rendent attachants, les conduisent à un destin cynique et optimiste à la fois. Ce film allemand revisite les dernières années de la Stasi dans un délire paranoïaque fascinant.

La parole est une petite mort
Triptyque masculin - le Ministre, l'espion et l'artiste / amant - autour d'une créature féminine, l'actrice, soit toutes les femmes en une seule. Ce triple fantasme amoureux révèle et démontre la force, l'énergie, la capacité à détruire le mâle rival lorsqu'il s'agit d'attraction. Auto-destruction au bout de l'impasse. Tous les coups seront permis. Principalement dans un pays où tout fait envie. Nous ne désirons que ce que nous n'avons pas. Alors se mêlent le Shakespearien et le Freudien, la jalousie et la bêtise, l'arrogance et la frustration. Ce trio viril ne manque d'aucun de ces traits de caractère et composent, au final, le même et seul visage de la République Démocratique d'Allemagne.
Chacun y tient son rôle. Le pouvoir de tuer du Ministre, celui de faire changer les choses avec le théâtre, et enfin le protagoniste central. Le fonctionnaire humble, austère, rigoureux, qui passera d'un camp à l'autre au contact de l'Art, de Brecht, d'un article de la presse occidentale. Le film, entre temps, raconte et mélange ces destins individuels, ces autres vies. Un sentiment collectif, une oppression psychologique et tyrannique, une misère humaine qui n'est ni matérielle ni intellectuelle mais bien relationnelle insufflent cette sensation diffuse que le malheur de chacun fait perdre les repères de tous.

Si j'étais né à ...
La mort des autres devient alors une des rares voies échappatoires. Le portrait de ce système est noir. Il faut une surdose d'amour pour éviter le suicide. Le film hésite avec vaillance à emprunter ces chemins qui mènent à l'enfer. Personne pourtant n'en échappera, malgré ce beau final (qui rappellerait presque celui de La Traversée de Paris) aux allures salvatrices. Du rire - les blagues sur Honecker - aux larmes, La vie des autres n'est pas avare en émotions. Les mesquineries des uns et la solidarité des autres en font un parfait objet de dialectique autour d'un tempérament neutre, grisâtre et flou.
Car le film interpelle le banal spectateur : qu'auriez-vous fait à leur place? Comment exister, résister dans un régimes aux dérives liberticides, à ce socialisme pourrissant, à ces puissants corrompus, pervers et décadents? La Stasi est un monstre invisible. un Godzilla épouvantable et insidieux, manipulé par des abus de pouvoir sur de pauvres bougres désabusés. Le héros, comme dans les films américains, et c'est ce qui rend le film si redoutablement efficace, ne peut pas être gouvernemental ou marginal. Il est l'homme de l'intérieur, le lambda au milieu du match. Un être frugal, clinique (même sexuellement, un numéro parmi d'autres.

Ecrire c'est exister
Quand la Glasnost arrivera à son terme, cette transparence historique se traduira en épilogue touchant et réaliste. Le poids des archives, de la documentation, de la liberté de les consulter permettra d'apaiser la colère. Cet ancien expert en écoute ressemble alors à ce Dernier empereur chinois qui jardinait en costume maoïste. On quitte la tragédie théâtrale pour un subtil glissement vers le portrait intime et psychologique. Cet homme ivnisible qui a aimé sans retour se voit enfin aimer. Donc il est. tandis que la RDA et sa Stasi ne sont plus. A force d'être nié, comment exister. La vie des autres n'a aucun sens si l'on n'a pas de vie soi-même. Le film est alors plus qu'une belle histoire qui nous envoûte sans qu'on y prenne garde. La dramaturgie est si bien construite que nous sommes happés jusqu'à la fin d'un film qui ne se perd pas en cours de route. Et qui ne nous perd pas, entre ses rebondissements et le sens qu'il veut donner à tous ces détours et calculs. Le film aurait pu s'intituler La liberté des autres.
 
v.

 
 
 
 

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