Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Lettres d'Iwo Jima (Letters from Iwo Jima)


USA / 2006

21.12.2007
 



IWO JIMA, MONT A MORTS

Le livre Bye Bye Bahia



"- Puis-je te parler en toute franchise? La meilleure solution serait de couler cette île par le fond."

Avant-propos.
Si Mémoires de nos pères avait déçu par son déséquilibre narratif, il convient désormais de comprendre l'intérêt de l'oeuvre dans son ensemble, c'est à dire avec l'autre facette du diptyque : Lettres d'Iwo Jima. La version Américaine, bizarrement celle qu'Eastwood maîtrisa le moins, trop naïf dans la vision sombre et cynique de sa patrie, offrait logiquement l'image d'un film s'interrogeant sur la propagande, la mise en image, le savoir faire spectaculaire d'une civilisation. En l'occurrence la sienne. Il s'agissait d'un hommage à ses pairs, et ses pères, en forme de Requiem d'une époque révolue, d'une Amérique qui n'a que des images à fournir pour se souvenir. Désespérément humain, Mémoires de nos pères ne dépassait pas, hélas, le cadre d'une histoire somme toute classique, pour ne pas dire cliché.
Lettres d'Iwo Jima est l'exact inverse. Le premier opus tirait un portrait peu glorieux des vainqueurs. La suite admire le courage des vaincus. Il n'y a pas de choc des cultures. Il s'agit juste d'une confrontation de point de vue. Et Eastwood n'est jamais aussi bon que lorsqu'il plonge dans un monde qui lui est étranger. Mémoires de nos pères était presque trop familier, trop évident dans son cinéma. Le Japon, avec toute son altérité, l'oblige à filmer des comportements plus intimes qu'extravertis, sacrificiels (et même médiévaux) que fidèles (et modernes). Le drapeau était le bel emblème : un objet que l'on montre. Un symbole qui a du sens, qui donne du fond. Mais les lettres sont une magnifique métaphore : une trace qui reste. Une pensée qui s'inscrit dans le temps, qui offre son âme. Au delà, de très loin, Lettres d'Iwo Jima est un des films de guerre les plus réussi de ces dernières années.

Critique.
Entre veuvage annoncé et vestige déterrés, Lettres d'Iwo Jima n'a rien d'une ballade vers le Nirvana. Contrairement à Mémoires de nos pères, Eastwood évite les allers retours chronologiques et nous immergent dans le passé, dans ce tas de ruine, cet îlot décisif perdu au milieu du Pacifique, océan qui porte bien mal son nom en 1945. Le cinéaste semble inspiré par cette histoire de désillusion lucide, de défaite honorable. Il semble même admiratifs de ces martyrs, forçats, ces envoyés au casse-pipe, ces jeunes qui ont la frousse, qui deviennent des bêtes. Il ne va pas jusqu'au bout de la terreur, de l'innommable mais il en révèle suffisamment pour comprendre ce qui l'a intéressé dans ce combat. Comment un Américain triomphant sort traumatisé alors que son adversaire ne semble jamais douter, même dans cette voie sans issue?
L'assurance du réalisateur est impressionnante. Tournant dans une langue étrangère, distant de cette civilisation différente, il profite de son expérience pour se glisser dans la peau d'un autre. Il explore l'adversaire en se demandant sans cesse "Et si j'avais été lui..." Le film s'autorise alors quelques audaces (l'humour scatologique des japonais par exemple) et même un sentiment d'impunité vis-à-vis du spectateur hollywoodien : les premiers affrontements militaires ne surviennent qu'une heure après le début du film.
Le scénario, un petit joyau dans le genre, se permet une multiplicité éclaté de points de vue grâce à de nombreux personnages secondaires captivants, et une vision plus ordonnée entre le Général et un troufion souffre douleur. Cela ouvre une brèche (une tranchée? un gouffre?) où les opinions restent énigmatiques, comme l'Histoire ne peut plus restituer toute sa vérité, et les mystères se révèlent tour à tour tragique, dramatique, humoristique, romantique.
Mais Iwo Jima fut surtout le théâtre de suicides collectifs (atroce séquence), de sacrifice personnel, de violence incontrôlable. Le film sait parfaitement illustrer cette folie ivre de la guerre, incarnant avec justesse son antithèse : le pacifisme, pas si évident. Ce destin fatal d'une Nation dévouée à son Empereur et perdue au milieu de nulle part déboussole ainsi tous les personnages. La détresse se confond avec l'ironie, l'injustice avec la survie, l'homme devient sauvage, piégé comme un animal. Les actes barbares ne sont plus que les gestes traduisant une aliénation d'une espèce en voie d'extinction.
L'impuissance des victimes face à leur destin est racontée simplement : chacun meurt à sa façon. "A quoi ça sert un soldat mort?" A rien. Pas de flash back pour le faire revenir (ils sont juste utilisés pour nous renvoyer à un passé regretté), pas de tricherie du cinéma pour nous le faire croire encore vivant. De la même manière,les échanges de tirs, les affrontements apparaissent moins palpitants, plus anecdotiques que les relations humaines.
Les Hommes s'infligent ici d'insoutenables souffrances. Et nous les partageons grâce à ses personnages (et comédiens) et des dialogues habiles qui suffisent à prouver tout la stupidité de la guerre. Amis d'hier, alliés éventuels, ennemis factices d'aujourd'hui. La guerre reste un jeu élitiste où le peuple n'a pas son mot à dire mais doit en supporter tous les maux. Si leur vie d'avant guerre semblait merveilleuse, jamais le soldat, dont l'avenir est définitivement obstrué, n'a de nostalgie pour son présent. Jamais il ne croit à la beauté, la justice de ses actes. Les salopards sont de tous bords. Les innocents n'appartiennent pas qu'un seul camp. Les conventions ne sont pas plus respectée du côté Américain que du côté Japonais. Eastwood réconcilie ainsi les ressentiments des peuples et évite le jugement que l'on pourrait facilement porté aux uns et aux autres...

Conclusion.
Lettres d'Iwo Jima rejoint Mémoires de nos pères à deux intersections. Lorsque des soldats Américains jouent les intrus dans les grottes occupées par les Japonais. Nous voyons ainsi comment l'un des personnages du premier épisode a été tué. Et comment l'autre a été soigné. Toujours ce rapport binaire au monde, à la vie, cette schizophrénie qui nous oblige, à chaque fois, à revoir notre premier jugement. Dialectique impossible qu'ose Eastwood.
Sa réponse conclusive tient dans une lettre, qui a plus de valeur qu'un drapeau. Celle d'une mère à son soldat de fils. Bien qu'elle soit en anglais, elle est est lue par un Japonais. Elle pourrait être la lettre d'une mère de n'importe quel soldat, la prière serait la même, les mots toucheraient de manière identique, la peine serait similaire. Cette lettre d'Iwo Jima sert de communion entre des hommes qui n'ont pas demandé à être là, arrachés aux leurs. Leur sang, pareil à ceux des autres.
 
v.

 
 
 
 

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