Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Jean de La Fontaine, le défi


France / 2007

18.04.2007
 



DUEL DE CAPES ET DE PLUME





"- J'aurai pas su voir."

Evidemment, la comparaison avec Molière est évidente. Le film de Laurent Tirard nous avait déçu par un scénario peu captivant et un montage peu trépidant. Si la réalisation de ce Jean de la Fontaine pêche souvent par des incohérences de cadrages et un découpage assez convenu, l'auteur des fables a davantage de panache que son ami du théâtre.
La vie de Jean de la Fontaine, pourtant jamais transposée au cinéma, semble plus passionnante, à déafut d'avoir donné du souffle à l'ambition du projet. Cependant, elle offre un combat qui résonne avec notre époque. La musique entre partition classique et cassures jazzy apportent cet aspect hybride où le film a les allures d'un téléfilm en costumes et pédagogique et assume un message plus moderne qu'il n'y parait, des personnages cinématographiques et des dialogues presque théâtraux. Enfin, le rythme et une intrigue à rebondissement en font un divertissement proche des farces de l'époque, où la satire n'est jamais très loin. Traversé par des figures sympathiques ou volontairement antipathiques, par des femmes délicieuses (Forestier, Navarre, ...), le film se concentre malgré tout sur le duel entre l'écrivain et le puissant ministre Colbert, Daniel Vigne s'attache surtout à faire aimer la cigale plutôt que la fourmi.
Apportant son énergie, Lorant Deutsch, au demeurant impeccable dès son prologue, se plaît à jouer les fâcheux dans un temps où ce sont les précieux qui ont gain de cause. Il incarne cet esprit, ce rebelle, ce défiant, ce libertin, ce fidèle et finalement proche du peuple. Politiciens et comédiens se fréquentent ainsi au point de se confondre, de jouer chacun des rôles, de tomber le masque, à l'heure de la vérité. Si l'élan du film est souvent trop freiné, échouant à nous émerveiller comme dans Ridicule, le script élève la simple biographie au rang de portrait d'une période et d'une tragi-comédie humaine. Ces témoins et ces précieux ridicules s'affrontent dans une France endettée et puissante, dans une pressentiment de révolution intellectuelle, où Racine, Boileau, Perreault, La Fontaine et Molière se fréquentent aux mêmes tables et se piquent quelques bonnes répliques.
La difficulté d'écrire du créateur du Corbeau et du Renard s'accompagne d'un double challenge : survivre lorsqu'on n'a pas le droit, contrairement à ses amis, d'une rente royale annuelle, et faire parler des animaux sans être moqué. Cuisinier des mots, poète irrespectueux, moraliste mais pas moralisateur, La Fontaine a son meilleur ennemi en la personne de Colbert, ironiquement joué par le socialiste Torreton, très à l'aise en ministre de l'intérieur ultraconservateur ("La richesse ne se distribue pas, elle se gagne."). Car ce défi (ou pas de deux) a une portée loin d'être innocente lorsqu'on entend : "- Les femmes, les protestants, les Juifs, les Jansénistes, tous les ennemis du roi..." et la réponse de Colbert : "- Vous simplifiez." Lorsque La Fontaine créé l'opinion publique et ouvre les yeux au peuple, on ne peut y voir qu'un affrontement idéologique. Le fabulateur ricane de cette cour et de ses rites, si loin des préoccupations de la populace. Quand il n'écrit pas, il redevient naturaliste, écolo avant l'heure.
Cette subversion et cette hostilité au pouvoir donne de l'épaisseur à ce "thriller" poudré et perruqué et intéressera davantage un public avide d'apprendre qui se cachait derrière ses écrits et comment a-t-il eu ce génie?
 
v.

 
 
 
 

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