Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



Ailleurs
Calamity, une enfance de Martha Jane Cannary
Effacer l'historique
Ema
Enorme
La daronne
Lux Æterna
Peninsula
Petit pays
Rocks
Tenet
Un pays qui se tient sage



J'ai perdu mon corps
Les misérables
The Irishman
Marriage Story
Les filles du Docteur March
L'extraordinaire voyage de Marona
1917
Jojo Rabbit
L'odyssée de Choum
La dernière vie de Simon
Notre-Dame du Nil
Uncut Gems
Un divan à Tunis
Le cas Richard Jewell
Dark Waters
La communion



Les deux papes
Les siffleurs
Les enfants du temps
Je ne rêve que de vous
La Llorana
Scandale
Bad Boys For Life
Cuban Network
La Voie de la justice
Les traducteurs
Revenir
Un jour si blanc
Birds of Prey et la fantabuleuse histoire de Harley Quinn
La fille au bracelet
Jinpa, un conte tibétain
L'appel de la forêt
Lettre à Franco
Wet Season
Judy
Lara Jenkins
En avant
De Gaulle






 (c) Ecran Noir 96 - 24


  



Donnez votre avis...


Nombre de votes : 18

 
Ceux qui restent


France / 2007

29.08.2007
 



DESIR DE VIVRE





Dans le silence d’une cuisine orpheline de présence féminine, Bertrand prépare le déjeuner. Deux assiettes sont posées sur la table, mais Bertrand mange seul, comme désincarné. Ses mains inscrivent un rituel précis qui matérialise l’importance que l’on donne aux choses de la vie, même les plus insignifiantes. De cette exigence des gestes, du repas au trajet qui le conduit chaque jour à l’hôpital où sa femme subit des soins intensifs dans un service d’oncologie, Anne Le Ny construit avec méticulosité une atmosphère pesante, réaliste à certains égards et tout en retrait. De cette peinture intime d’une vie ordinaire, la réalisatrice entame une relation particulière.

C’est autour de ce canevas simple mais terriblement hasardeux que Anne Le Ny réalise un premier long métrage à la minutie d’horloger. Dans le cheminement des évènements qui entraîne le spectateur dans un double regard (extérieur vers le film projeté ; intérieur vers sa propre expérience de vie), la cinéaste noue avec subtilité une relation complexe entre personnages interposés (les conjoints) et culpabilité rentrée (même si Lorraine assume beaucoup plus facilement son attirance et son besoin de rapprochement). Très loin du mauvais pathos que risque tout film s’attaquant à ce genre de romance, Ceux qui Restent nous émeus profondément par la sincérité des situations décrites et l’intelligence d’une mise en scène sortant ces gens là de la caricature qu’impose trop souvent ce type de métrage. L’homme dans sa souffrance pourtant maintes fois contenue devient le personnage le plus vulnérable, tandis que la femme assume la dureté d’une telle épreuve sans pour autant renier sa part de féminité. C’est si juste (dialogues, propos, mises en situation…) que nous acceptons la relation qui prend forme devant nous et louons le réalisme avec lequel celle-ci est abordée.

L’autre atout du film réside dans son parti pris dramaturgique. Les malades ne sont ni filmés, ni montrés, tout comme les médecins et nous naviguons alors au côté d’un quotidien vraiment antiromantique entre la cafétéria, les couloirs, le hall d’entrée, les trajets, les escapades sur le toit ou le parking. Cette dimension spatiale formidablement bien intégrée au tempo d’une histoire qui s’effleure, apporte une crédibilité supplémentaire à la relation. Voyage intérieur aux confins de deux psychologies troublées par les évènements de la vie, Ceux qui restent capture l’essence même de ce mouvement en « va et vient » d’un désir qui se retient presque continuellement. L’esquive de l’un, le désir de l’autre (et inversement) et l’attente des deux est le fil narratif d’une relation qui souffre des circonstances de la vie. L’histoire d’amour dans ce besoin réciproque de mots échangés, de rencontres provoquées et de désirs motivés est un prétexte savamment orchestré qui permet aux deux personnages de dépasser cette souffrance, certes différente, mais source de rapprochement et d’apaisement temporaire.

Ceux qui restent est assurément un film d’acteurs. En décrivant la réalité d’un quotidien aussi douloureux, Anne Le Ny fragilise Bertrand qui ne vit que pour sa femme en s’enfermant dans le souvenir de sa présence. Obnubilé par celle qu’il aime, il en oublie l’importance des choses de la vie, ce qui le conduit à délaisser (bien malgré lui) sa belle fille, ses amis et l’une de ses sœurs. Son pas est lourd et ses traits supportent des années de combat. Respiration inespérée, Lorraine est le moteur de l’action. D’elle, nous ne savons rien, sauf ce qu’elle peut nous en dire. La différence est énorme car elle ose parler, délivre des maladresses, mais ouvre son cœur et son spleen. Comme toute romantique, elle semble même esquissée un possible avec Bertrand.

De cette relation où gravitent en toile de fond les petits tracas de tous les jours, Anne Le Ny réalise un film sincère louant avant tout la vie. Les deux acteurs sont admirables et il est réconfortant de savoir à quel point le souci d’une écriture cinématographique peut conduire vers de telle surprise. Tout simplement touchant !
 
geoffroy

 
 
 
 

haut