Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Il était une fois (Enchanted)


USA / 2007

28.11.2007
 



CONTE DE FAITS





« - Papa je suis sûre que c’est une vraie princesse.
- C’est juste une jeune femme très perturbée qui nous est tombée dessus. »


Quand une princesse de dessin animé débarque dans la vie réelle, en plein cœur de Manhattan, ça décoiffe e (attention au brushing parfait) et ça donne une bonne surprise à la veille des fêtes. Sans être un chef d’œuvre incontournable, ce nouveau pur produit Disney, efficace et jubilatoire, s'amuse à détourner 70 ans de jolies histoires médiévales. Quasiment un blasphème pour les héritiers de Walt.

Car son originalité est de mêler le conte de fée mythique à la comédie romantique moderne tout en pastichant les plus grands succès du Maître Walt, à travers des clins d’œil que n’oublieront pas de repérer les plus fins cinéphiles d’entre nous.
Giselle au pays des émerveillés. De l'ogre qui détruit son champignon au puits sans fond, il existe un parallèle évident entre le monde moderne d’Il était une fois avec celui, hallucinatoire, d’Alice au pays des merveilles. La future princesse Giselle bascule elle aussi de l’autre côté du miroir. Parmi les références évidentes, on notera la jalousie d’une reine cherchant par tous les moyens à se débarrasser de sa rivale ( la pomme empoisonnée de Blanche-Neige, la reine qui se transforme en vieille femme mais aussi en dragon comme dans La Belle au bois dormant ). Figure d’un dessin animé aux couleurs chaudes comme dans Bambi, notre héroïne se retrouve en chair et en os à chanter dans Central Park, dans des numéros musicaux rappelant ceux de Mary Poppins. Même dans ses déplacements et ses gestes, Giselle a tout de la princesse de conte de fée, émerveillée par tout ce qui l’entoure. Une interprétation maniérée et presque chorégraphiée à la Julie Andrews. Au passage, notons son amour pour les nains, le hibou de Merlin, les animaux qui font le ménage, la chaussure perdue de Cendrillon... Du shopping style Pretty Woman au désenchantement que l'on retrouve chez Roger Rabbit, les productions Disney laissent leur rempreinte sur l'ensemble du film.
L’importance du détail est ici cruciale parce qu’elle vient comblée les manques d’une histoire simpliste. Ce film remixe les grands classiques de notre enfance. Le conte de féé made in 2000 pour des adultes toujours pas remis d'avoir constaté le fossé entre le monde proposé par les dessins animés et la réalité qui les a frappée. L'amour unique et idéal? Même Disney préfère en rigoler, pour séduire cyniquement ses anciens clients. Quant aux plus jeunes, ils apprécieront le spectacle divertissant offert par les numéros d’acteurs brillants, les nombreuses chansons entraînantes et les gags qui font mouche.

Une grande partie de l’humour du film réside dans le comique de situation, parfois absurde, qui rappellerait les Visiteurs. Que ce soit Amy Adams, en princesse nunuche (un pléonasme) ou James Marsden en beau prince idiot, sourires de publicité à la clé, nos deux acteurs campent des personnages en confrontation directe avec un monde qui leur est parfaitement étranger et surtout magique : le prince Edward prend un poste de télévision pour un miroir "magique", Giselle parle de source d’eau "magique" pour la douche... Par ailleurs, il est amusant de voir cette manie que les héros de dessins animés ont de chanter toutes les cinq minutes : pour déclarer leur amour ( c’est le seul moyen pour un homme de prouver à une femme qu’il l’aime ), pour faire le ménage ( en appelant de cette manière les animaux qui donnent un coup de main ) ou tout simplement pour exprimer leur joie. C’est enfantin mais tellement bon. Il y a un esprit régressif, primitif, jouissif, à se laisser porter par cet irréel qui se moque de lui-même, superposé au réel, pourtant très hollywoodien (comprendre factice). Surréaliste?

Mais surtout, ce film nous montre le côté parfois grotesque des dessins animés de contes de fée, psychanalyse de nos névroses post-seventies . Tant dans la forme (l'addiction au chant) que dans le fond (l'amour et le bonheur éternels). Dans la réalité, la princesse finit par perdre ses illusions, son enthousiasme, mais gagne en profondeur et en humanité. Partagée entre l’amour pour son prince charmant et celui pour son nouvel ami, l’avocat new-yorkais spécialisé en séparation, elle va même jusqu’à « réfléchir », chose impensable pour une héroïne de conte de fée. L’amour n’est pas aussi simple que cela ni aussi rapide dans la vraie vie. Le sexe en moins. Ce n'est pas une option, ni dans le monde animé, ni dans la réalité. Les bisous doivent rester chastes.

Il n'y a pas de niaiseries, juste un décalage entre deux mondes (décidément c'est à la mode : à croire que nous sommes tous devenus des schizophrènes). L'animé où tout est joli, où les animaux vous parlent, où vous épousez votre prince charmant le lendemain de votre rencontre et le réel où tout n’est pas rose comme l’annonce la reine au début ( «là où personne n’est heureux à jamais »), campée par la guest-star, démente et osant le grandiloquent, Susan Sarandon. On sent qu’elle prend du plaisir à jouer cette marâtre, figure emblématique de l'univers Disney. Cependant, on aurait aimé la voir plus longtemps qu'un simple quart d'heure (effets spéciaux la métamorphosant inclus). Son fidèle bras droit, ancien rat chez Harry Potter, contraste avec la lissitude des visages des héros et apporte un peu de trouble dans ce décor déjà vu et cette ambiance décalée.

Il était une fois n’est pas seulement destiné aux filles, petites ou grandes, qui ont rêvé ou rêvent encore de devenir princesse et de rencontrer le prince charmant (Mesdemoiselles et certains jeunes hommes, vous le voyez bien, ce genre de robe n'est pas adapté pour le métro). Il plaira à tous ceux qui ont encore dans leur esprit une part de fantaisie, de joie, d’espoir et surtout de rêve. Vous serez enchantés et transportés, si vous avez gardé l'esprit léger, ludique, enfantin. Un contre-programme parfait et consensuel, de très bonne facture et qui finit bien (mais pas forcément comme prévu). Ce n'est pas Shrek et son aspect "trash/destroy". Mais le plaisir naïf est intact si l'on sait passer de l'autre côté du miroir et retrouver nos sensations et nos émotions de gamin(e)s.
 
Raphaël, Prince Charmant (revu et cacheté par le Roi)

 
 
 
 

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