Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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I'm not there


USA / 2007

05.12.2007
 



MULTIPLICITY





"- Jude, un mot pour vos fans ?
- Astronaute.
"

Après Chronicles, l'autobiographie lumineuse de Dylan, et No Direction Home, le documentaire que lui avait consacré Scorsese, Todd Haynes a sans doute compris qu'il ne pouvait surtout pas faire une biographie textuelle du grand Dylan au cinéma. D’ailleurs, ce n’est pas seulement un film sur la vie de Bob Dylan, c’est également une proposition cinématographique diablement osée. Eclatant les codes de la biographie filmée, elle raconte celle du célèbre musicien en lui octroyant pour chaque période, chaque facette de sa personnalité un personnage distinct, soit au final une agrégation de quatre hommes, une femme et un enfant. Chaque acteur véhicule un peu de sa chair à Dylan : Christian Bale offre ses yeux noirs rongés pour montrer l’obscur côté de l’artiste, Heath Ledger dépose sa sensualité en « cool-attitude », Ben Wishaw exhibe sa torture intérieure, le jeune Marcus Carl Franklin dévoile sa pureté et Richard Gere, remarquable, exprime son regard serein avec expérience. Quant à Cate Blanchett, elle transforme la Vie dans tous ses aspects. Ce qui est étonnant et impressionnant c’est qu’elle est profusément Dylan et l’on en oublie même que c’est une femme. La véritable incarnation c’est elle.

Le film n’a rien de simple. C’est foisonnant, ça part dans tous les sens (notamment avec ce mélange de temporalités et de dimensions). Du coup, le film apparaît parfois comme confus. L’appréhender comme un simple biopic serait se heurter à une expérimentation sans être préparé. Si la plupart des films de ce genre propose une retranscription illustrative, Todd Haynes préfère la multiplicité d’une identité, soit un acteur différent, et l’évolution de son époque, soit un style formel différent. Haynes refuse de traiter Dylan de manière uniforme, ce qui rend le film intriguant, curieux, fascinant. Il part du principe qu’un artiste est multiple : un tout, une somme de comportement et de périodes antinomiques. Le réalisateur propose une vision changeante plutôt que de nous offrir un portrait altéré par la fiction. A chaque instant, chaque acteur apporte une matière, un mouvement, une sensation : l’ensemble forme un tableau ! En mélangeant la légende, les fantasmes, les extrapolations et les symboles, pour esquisser le personnage il privilégie la complexité et la cinétique à une narration classique. Pas de psychanalyse, juste l’émotion, l’interprétation. D’ailleurs quelqu’un qui n’a pas une bonne connaissance de Dylan pourrait se perdre tant le film paraît parfois obscur et trop référencé.

I’m Not There n’est pas donc un de ces documentaires au cours duquel on nous révèle enfin qui était le «vrai» Bob Dylan derrière la face publique, mais une fiction où les Bob Dylan que nous avons connus nous sont présentés sous forme d’une série de peintures, de flash back et de fantaisies. Todd Haynes cherche à capturer la vérité en se plaçant de l’autre côté du miroir, celui de la fiction. Il s’interroge sur le rôle de l’artiste et de l’art, sur notre implication dans els événements, sur l’impact d’une création. On peut aussi y trouver un écho contemporain sur la pression économique et populaire qui pèse sur les vedettes.
Cela conduit à voir en I’m not there un film mélancolique et nostalgique, à l’humour grinçant et au formalisme étudié (du noir et blanc au wester, du documentaire à l’hommage à Godard). Ni docu-vérité, ni mélo sirupeux, ces portraits subjectifs composent une vénéneuse flânerie dans les vies d’un artiste polymorphe. Parfois un peu long, peut-être hermétique, ce puzzle défait n’a pour fil conducteur que notre regard et notre propre façon de voir. Si le risque est d’être largué, Haynes a au moins le mérite, l’audace, l’ambition et le talent pour traduire avec excellence le mystère et la mystification qui font la marque propre de l’artiste/sujet, comme il avait su épouser tous les codes de Douglas Sirk pour son mélo fifties Loin du Paradis.
Et quelque part, entrer dans une salle pour se laisser griser par cette aventure cinématographique, c’est un peu comme frapper à la porte du paradis...
 
christofer, MpM, vincy

 
 
 
 

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