Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



Ailleurs
Calamity, une enfance de Martha Jane Cannary
Effacer l'historique
Ema
Enorme
La daronne
Lux Æterna
Peninsula
Petit pays
Rocks
Tenet
Un pays qui se tient sage



J'ai perdu mon corps
Les misérables
The Irishman
Marriage Story
Les filles du Docteur March
L'extraordinaire voyage de Marona
1917
Jojo Rabbit
L'odyssée de Choum
La dernière vie de Simon
Notre-Dame du Nil
Uncut Gems
Un divan à Tunis
Le cas Richard Jewell
Dark Waters
La communion



Les deux papes
Les siffleurs
Les enfants du temps
Je ne rêve que de vous
La Llorana
Scandale
Bad Boys For Life
Cuban Network
La Voie de la justice
Les traducteurs
Revenir
Un jour si blanc
Birds of Prey et la fantabuleuse histoire de Harley Quinn
La fille au bracelet
Jinpa, un conte tibétain
L'appel de la forêt
Lettre à Franco
Wet Season
Judy
Lara Jenkins
En avant
De Gaulle






 (c) Ecran Noir 96 - 24


  



Donnez votre avis...


Nombre de votes : 18

 
Cortex (Cortex)


France / 2008

30.01.2008
 



SEUL CONTRE TOUS<.b>





«- Qu’est-ce que tu m’as dit que j’avais déjà ?
- La maladie d’Alzheimer, papa.
»

Nicolas Boukhrief n’aime pas la facilité. Après quelques films d’école et un Convoyeur percutant, immersif à souhait et techniquement réussi, l’ancien co-fondateur du magazine Starfix persiste en signant un polar psychologique du type « whodunit » (enquête à la « Cluedo »). Cette réflexion liminaire vise à spécifier une approche intelligente et peu conventionnelle d’un cinéaste vis-à-vis d’un genre qui aujourd’hui se cherche. Malgré cette prise de risque autant narrative que formelle, le résultat final demeure malheureusement un brin décevant.

Pour tout dire, l’idée de base est originale, cinématographiquement ouverte et conforte l’attrait du réalisateur pour le mélange des genres. Structurant son film sur plusieurs niveaux de lecture – enquête policière, décryptage partiel d’une maladie dans ses manifestations, mise à nu d’un intime vacillant confronté au danger – Boukhrief charpente un squelette hybride captant dans un espace clos (la maison de repos spécialisée) deux thématiques complémentaires : la notion d’espace-temps et le rapport à la réalité. Pour exister, l’intrigue se focalise alors exclusivement sur Charles Boyer, ancien flic atteint de la maladie l’Alzheimer, dont la perception des évènements est modifiée par une altération chronique de la mémoire. Suspectant assez rapidement des « choses » qui ne tournent pas rond, l’instinct de flic prend naturellement le pas sur la raison.

Par son discernement altéré, Charles Boyer motive un tempo pour inscrire une mécanique opératoire qui spécifie l’investigation, luttant par la même contre une maladie qui l’affecte un peu plus chaque jour. L’enquête démarre d’un postulat a priori fantasmé qui contribue à malaxer une réalité incertaine, changeante voir trompeuse et conduit le spectateur dans une incertitude qui servira de prétexte à l’intrigue du film. Cette confusion, légitimée par la maladie, devient le leitmotiv d’une enquête qui peine à prendre corps malgré une introduction des plus réussies. L’arrivée de Boyer au sein de la maison de repos est silencieuse et angoissante, créant une distance froide magnifiée par une photographie bleu gris qui en accentue le caractère oppressant. Impeccable comme toujours, Dussollier nous livre une prestation physique où la frustration se mêle à la détresse. Son corps est tendu en permanence et parle pour lui ; il agit comme un catalyseur, motivant une réflexion qui s’effrite dans l’obscurité de sa conscience.

Boyer se met donc en action afin de découvrir ce qui le hante ; afin de ne pas oublier ce qui le hante. Assujettie à cette condition mentale, l’investigation se formalise entre prise de notes frénétiques, allers-retours incessants, interaction parfois convenue avec les autres pensionnaires. Boukhrief appose une mise en scène austère, minimaliste et surtout plus extérieure qu’introspective. Ce choix, discutable sur le fond, reste cohérent dans sa représentation sociologique. Exemple. Le cinéaste s’intéresse davantage au fonctionnement administratif et autres luttes de pouvoir du personnel de santé. Cette représentation influe sur l’enquête car elle occulte (volontairement ?) la tension psychologique d’un homme assuré qu’il se passe des choses horribles dans cette clinique. Prisonnier de cette lecture multiple, le film Cortex n’explore sans doute pas assez cette prison mentale se refermant impitoyablement sur Boyer. L’enclos matérialisé par la maison de repos devient un simple lieu de routine qui désacralise l’idée d’enfermement. L’ennui pointe le bout de son nez et nous assistons sans intérêt au dénouement d’une mise sous tension au départ réussie.

A l’opposé d’un Shock Corridor beaucoup plus malsain dans son traitement, Cortex sombre maladroitement dans les méandres psychologiques d’un homme par effet d’intrusion. En effet, si Boukhrief s’intéresse plus à l’aspect médical et sociologique d’une maladie comme Alzheimer, il n’arrive jamais à en spécifier la portée. L’enquête ressemble alors à un laboratoire gratuit sans réel enjeu. Incapable de nous faire réellement douter de la véracité des soupçons de Boyer, le réalisateur pêche dans son dénouement au climax trop rapide et maladroit. Hybride avons-nous dit. Certes. Mais surtout déstructurant. L’ennui ressentit au cours du métrage provient d’un angle de tir trop éclaté qui tour à tour inscrit sur pellicule une polyphonie d’approches (Boyer et sa maladie – le traitement de la maladie – l’enquête – la sociologie de la clinique…) qui ne sont pas suffisamment liées. N’est pas Welles qui veut. Il reste néanmoins un style tranché, des seconds rôles pertinents, une lumière maîtrisée et une volonté farouche d’expérimentation. Ce qui, par les temps qui courent, est à noter.
 
Geoffroy

 
 
 
 

haut