Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Le premier venu


France / 2007

02.04.2008
 



LEUR DOULEUR





"Perdre son chemin, c’est peut-être commencer à trouver la bonne route"

Plus que jamais avide de disséquer le comportement humain, Jacques Doillon agit en scientifique chevronné. Il prend un petite ville de la Somme, y dépose trois cobayes humains (deux garçons, une fille, une multitude de possibilités) et fait macérer une foule de sentiments contradictoires (amour, haine, honte, désir, regret…). L’expérience peut alors commencer, qui ne s’attache pas tant à appuyer une thèse qu’à capter l’essence de la jeunesse, ses revirements et ses relations forcément complexes.

Comme souvent, ses personnages sont insupportables, difficiles à appréhender, peu aimables. Comme régis par des règles extrêmement strictes auxquelles le spectateur ne comprendrait rien. Camille, par exemple, est en quête d’un sens à sa vie, mais à sa manière. Le chemin qu’elle suit pour y arriver semble en effet parfaitement irrationnel, voire absurde. Comme une petite Antigone des temps modernes, refusant avec entêtement de dévier de sa ligne pour obtenir ce qu’elle croit juste. Plus Costa, ce garçon qu’elle a rencontré par hasard, se révèle antipathique et violent, plus elle s’y attache, persuadée de devoir justement aimer ce "premier venu" que tous les autres rejettent. A la fois comme un caprice d’enfant gâté et comme une intuition étonnamment clairvoyante.

Mais si la jeune fille nous reste si systématiquement hermétique, c’est finalement parce qu’elle ressemble davantage à une vraie personne que bien des personnages de fiction prévisibles et stéréotypés. Comme dans la réalité, on ne sait jamais ce qui se passe dans sa tête, pas plus que dans celle de Costa ou du policier, Cyril. On ne peut qu’essayer de le deviner, en observant les gestes qui démentent les paroles, les regards fuyants, les mouvements du corps. Ces trois-là ne suivent jamais une ligne droite mais avancent par à-coups, au gré de leurs colères et de leurs retours aussi soudains au calme.

Comme toujours chez Doillon, les dialogues, extrêmement écrits, rythment tout le film. De conversation en conversation, dans une chambre d’hôtel ou une cabane de pêcheur, les protagonistes avancent, échouent, reculent, changent de direction. On ne peut pas dire que l’intrigue se construit, elle est en éternel mouvement, tâtonnant et se cherchant. Exactement comme les êtres, qui n’en finissent plus de marcher, d’aller et venir, de s’éloigner pour mieux se rejoindre. Ces mouvements physiques sont encore ce qui illustre le mieux la fluctuation de leurs émotions contradictoires et diverses. Quand Costa fait les cent pas, quand Camille va d’un lieu à un autre, leur jambes expriment ce que leurs mots peinent à dire.

La question est de savoir si l’on est sensible à un tel cinéma. Si l’on est capable de faire abstraction du peu d’intérêt apparent que revêtent les personnages pour se laisser captiver par ce qui leur arrive, ou si au contraire on bloque devant ces revirements, ces éclats étouffés dans l’œuf, ces comportements qui nous semblent atypiques et devant lesquels on trépigne. Il y a de jolies choses bien sûr, de belles remarques (dans le Bescherelle, le verbe "se méfier" vient avant "aimer" et "être aimé"), quelques instants en apesanteur, des possibles qui s’entrouvrent. Trop peu, peut-être, pour émouvoir durablement, et certainement pas assez pour répondre au désir d’absolu suscité par Camille.
 
MpM

 
 
 
 

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