Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Back Soon


Islande / 2008

20.08.2008
 



L’ESPRIT DES OIES





« - Tu peux me livrer les joints chez le Thorstur ? Il n’a plus le temps de passer depuis qu’il est député. »

Il est un pays étrange et lointain, singulier et fascinant, l’Islande. Une île où les déjantés de tous poils peuvent se complaire à ravir. Un peuple aux mœurs évoluées et tolérantes. Un paradis pour les utopistes. Back Soon est un portrait mélancolique et drôle de cette terre volcanique et de ses habitants. Un portrait délirant, réjouissant, valant une bonne dose d’anti-dépresseurs. Mais aussi le dessin d’êtres humains cherchant à s’échapper de leur condition insulaire et nordique.
Solveig Anspach réalise une fable attachante où poésie et drogue, familles (au sens intime comme au sens large) et paysages, vision du monde et quotidien subit s’entrecroisent, et qui se conclut ironiquement avec une évidence amusante.
Film planant, il emporte le spectateur entre volutes de fumées illicites et vertige des hauteurs venteuses. Une histoire de joint, de jonction précisément, entre des personnages étrangers ou familiers. Et même une oie.

Back Soon a l’imagination fertile. A croire que la Marijuana inspire… Le personnage principal, avec ses airs de Jennifer Jason Leigh vieillie, entre une femme à la Mike Leigh et un quinqua échappée du cinéma de Bent Hamer, est une poétesse qui écrit ses textes parfois à même les murs carrelés, et qui vit de son trafic de joints sous le regard d’un Joconde qui en fume un. « Que des fumeurs pépères, pas d’emmerdes, pas de coke, pas d’ecstasy. » Juste une gigantesque fournée de « space cakes » qui va donner lieu à une séquence à la Las Vegas Parano, transformant l’appartement en cirque hallucinant.

Anspach n’oublie la nature : les paysages somptueux, les nuages qui jouent avec la lumière, les jolis serpents de bitume qui nous envoient au bout du monde… Il y a un désir de magie y compris lorsque le surréalisme s'invite avec une guitare venue du ciel, le temps d’une chanson. Mais Back Soon peut s’avérer tout autant naturaliste (quand elle pisse sur le bord de la route) et loufoque (quand elle pisse, elle regarde un corbeau et l’imite).

Car Anna, aussi bizarre soit-elle, suscite l’empathie. Une mère de deux enfants magnifiques, de pères différents, dont l’un est métisse, elle est aussi une sœur lucide, renvoyant son cadet dans son hypocrisie morale et son autre à l’hôpital pour le sauver, une mère pour tous.
Pendant l’errance burlesque de Anna, les clients, pas si excentriques sous leurs airs fous, « slam », papotent, dorment, forment en fait une tribu où chirurgien, étudiant, ouvrier, écrivain ou même éboueuse et grutier se mélangent. Un seul intrus : le jeune Français.
Il n’y a qu’un défaut, qui hélas pèse sur le film : cet étudiant parisien, insupportable, presque rohmérien jusque dans le (sur)jeu faux ou mal maîtrisé, à l’anglais approximatif, aux questions insipides, à la personnalité inintéressante. Il passe d’ailleurs à côté de tout : les rencontres humaines, l’esprit de la poétesse, la folie douce de l’île, voulant tout rationaliser, justifier, expliquer. Une rencontre sans étincelle qui n’a, pour seul mérite, que de montrer la prétention de l’intellectualisme français. Heureusement Anna lui cloue le bec : « les Français feraient mieux de parler moins et de baiser plus ».

Mais la malédiction des Vikings (« Putain de race aux yeux bleus ») frappe ce peuple aspirant au soleil et la chaleur du sud. La musique presque reggae nous emmènerait dans l’autre pays de l’herbe inhalée, la Jamaïque. Mais on est bien enfermé dans ce pays aussi libre qu’aliénant. « D’habitude les gens se suicident au début de l’été. » Frôlant parois l’absurde, le script n’est pas avare en vannes, qui donnent un aspect comique à une histoire qui aurait pu être pathétique. C’est évidemment l’oie qui fait partir l’histoire en vrille. Une oie qui a avalé un téléphone portable et qu’il faut pourchasser, apprivoiser. Lui donner un laxatif ou la tuer ? Telle est la question. Ce qui donne une série d’actions et de réactions caustiques.

Solveig Anspach signe sa comédie la plus aboutie, affirmant où se situent ses valeurs humanistes, loin du matérialisme ambiant. Derrière cette utopie qui enrobe Back Soon, il reste une tracé indélébile, un souvenir tenace, d’avoir vu un film où il n’est pas impossible de désespérer de l’humanité.
 
vincy

 
 
 
 

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