Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Largo Winch


France / 2008

17.12.2008
 



L’HERITIER





«- J’ai ma méthode.»

Jérôme Salle a l’ambition de réaliser des thrillers à l’esthétique hollywoodienne, avec les codes du cinéma anglais, que ce soit Hitchcock (Anthony Zimmer) ou James Bond (Largo Winch). Et il faut bien le faire remarquer : le cinéaste est tout sauf un faiseur copieur colleur ou encore un exécutant de Luc Besson. Digne héritier des Melville, Corneau ou Deray, dans la veine des Audiard et Canet, Salle impose un style, parfois tape-à-l'oeil, sans être maniéré, et assimile parfaitement le langage du polar anglo-saxon contemporain. A première vue, il n’y a pas l’esquisse d’une œuvre personnelle, dans le sens où l’écriture ne semble pas venir d’un désir autre que le fantasme d’un certain cinéma. Pourtant, il y a une thématique qui se dessine : le trouble de l’identité, avec la mort aux trousses. Le film aurait finalement pu s’appeler Being W., du nom du conglomérat de Winch.

Largo Winch est un « produit » classe, efficace, rythmé, dans l’air du temps. Ce n’est pas Jason Bourne, c’est presque 007, avec moins de sang et plus de dollars. Il est toujours difficile d’installer une franchise au cinéma. Le résultat s’avère souvent laborieux, et les deuxièmes épisodes paraissent, du coup, plus libres, voire audacieux. Mais en restant fidèle à l’esprit de la BD, tout en transformant ou créant de nombreux personnages, Jérôme Salle se sort bien d’un pari risqué : un script polyglotte, un tournage international, des scènes d’action en centre-ville d’une métropole et une histoire d’OPA économique, ce qui n’est pas le plus simple des enjeux dans le cadre d’une narration qui se doit d’être compris par le plus grand nombre. Cet équilibre entre la complexité financière et le chaos violent des liaisons dangereuses entre requins, piliers fondateurs de la BD, est plutôt bien respecté.

Un héros charmeur et "métèque"
Bizarrement, le véritable bluff tient au casting du héros. Dans la BD, Philippe Francq avait conçu le boss illégitime avec une chevelure châtain et ondulée, la mâchoire carrée, un physique de footballeur américain. Ici, Tomer Sisley. Si le comédien n’est pas convaincant dans les rares scènes d’émotion, il est étonnement crédible dans les séquences d’action. Pour le reste, séduisant, le regard plus doux, charmeur, « métèque » comme il le dit lui même, il est presque plus authentique dans ce rôle d’orphelin yougoslave, plus méditerranéen que slave. Il va devoir prendre des épaules pour porter les éventuelles suites. Pour ce qui est de l’humour et de la drague, il a, en revanche, beaucoup plus de présence que le Winch de papier.

Assez fidèle à la trame des deux premiers tomes, en excluant Simon, le film fait des allers-retours dans le temps et autour du monde. On ne s’y perd jamais, ce qui, déjà, sans simplification outrancière qui plus est, est un exploit scénaristique. Salle réalise un « world movie » où l’on se castagne sur un air de samba, où le Hong Kong de Johnnie To devient, comme dans le dernier Batman, le centre névralgique des guerres financières, où le paradis nostalgique de la côte Adriatique semble échapper aux temps modernes… Qu’on lutte à mains nues ou qu’on embrasse goulûment le cul d’une nana, le film se veut plus crû qu’un équivalent américain. Pour le reste, on écule les sujets tendance de l’époque : propagande, manipulation médiatique, fusions acquisitions, obsession du pouvoir, parachutes dorés, poursuites fatales et paranos. Le tout dans un décor de mégalopolis, avec des tours transparentes et des manigances opaques. La dérision s’invite quand même par certains moments dans ce bal des vampires.

Jérôme Salle, comme Largo Winch, s’affirme ainsi au fur et à mesure comme un héritier sur lequel compter. Quelques scènes inégales essoufflent parfois le héros. Mais le scénario approfondit bien les dilemmes d'un personnage qui fait le choix des responsabilités plutôt que celui de la liberté.
Sans être d’une originalité particulière, le spectacle surfe sur les modes et reflète bien le monde qui l’entoure, à moins qu’il ne s’agisse d’une déformation fantasmagoriques de ce monde qui s’écroule : en pleine crise financière, il est ironique de constater que Winch peut devenir un héros du 7e art, après avoir emballé le 9e.
 
vincy

 
 
 
 

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