Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Mesrine : l'instinct de mort


France / 2008

22.10.2008
 



FRENCH GANGSTER





"Personne ne me tue tant que je ne l’ai pas décidé"

En exergue de L’instinct de mort (ainsi que dans sa suite L’ennemi public n°1), comme pour prévenir toute attaque, Jean-François Richet a placé une citation affirmant qu’aucun film ne peut prétendre à une fidélité absolue. C’est ainsi qu’il se décharge, d’un coup, de toute la pression accompagnant la réalisation de ce diptyque tiré de faits réels. Et qui plus est, inspiré d’un personnage aussi mythique que Jacques Mesrine. Car en niant dès le départ la possibilité de relater avec exactitude l’histoire qu’il s’apprête à nous conter, il inscrit fermement son film dans la fiction, nouvelle pierre apportée à l’édifice de la légende existante. Ce faisant, il s’affranchit de tout ce qui, le plus souvent, alourdit et gâche les biopics : la volonté d’expliquer à tout prix. Ce n’est en effet pas la moindre de ses réussites que de ne pas chercher à donner d’explications plus ou moins psychanalytiques au parcours chaotique de son personnage. La thèse de Richet (basée sur les mémoires de Mesrine, donc partie intégrante du mythe), veut au contraire que rien n’ait conduit le jeune Jacques à une vie de violence et de marginalité, mais que lui, et lui seul, ait choisi cette voie, en connaissance de cause. Ou tout au moins : en apparente connaissance de cause.

De son enfance, de ses états d’âmes, on ne saura donc rien, si ce n’est, au détour d’une scène, une allusion à ses relations difficiles avec son père (qu’il méprise et considère comme un lâche pour avoir pris part au service du travail obligatoire pendant la seconde guerre mondiale). Détail qui en dit long sur le mode de fonctionnement et de pensée du jeune homme. Car à défaut d’expliquer les actes de son héros, Richet prend soin d’en analyser le caractère, point central du film. Ce qui préexiste et ce qui évolue. Au départ, que sait-on de Mesrine ? C’est un beau parleur, la violence ne lui fait pas peur (il a été soldat en Algérie et a eu l’occasion de donner la mort) et il aime la vie facile (argent, femmes, luxe). Ses idées politiques se résument à ce qu’il a appris à l’armée : il est pour l’Algérie française et croit en la supériorité de l’homme blanc. Ainsi, s’il vole, ce n’est pas par idéal, ni même par besoin, mais simplement par facilité : prendre l’argent où il est. On sent chez lui un mélange de candeur et de férocité joyeuse que la vie va se charger de transformer en autre chose. On n’est ni dans la tragédie inéluctable, ni dans un processus de malchance, simplement dans la confrontation d’un homme avec des faits qui, comme pour tout un chacun, le façonneront durablement.

Droit au but

Mais pas question de s’appesantir lourdement chaque fois que le destin bascule. Au contraire, comptant (à juste titre) sur l’intelligence de son spectateur, Jean-françois Richet passe d’une séquence-clef à une autre avec énormément de fluidité, se permettant des ellipses vertigineuses où tout un pan du récit jaillit non pas de ce que l’on voit à l’écran, mais du choix des enchaînements. Son montage millimétré transmet ainsi à chaque scène une nervosité et une angoisse qui induisent un fort sentiment d’urgence, mais aussi de surprise. Couplé à l’ouverture prophétique du film (sur la mort de Mesrine), ce choix de mise en scène place le spectateur dans la situation du témoin privilégié et omniscient voyant arriver les catastrophes avant qu’elles n’aient lieu. Il ne peut alors s’empêcher de faire corps avec le personnage avec lequel, même s’il ne s’identifie pas, il se découvre dès lors une communauté d’intérêts.

C’est ainsi que très astucieusement, Richet filme le tourbillon détonnant de l’existence de Mesrine sans se noyer dans les détails ni risquer de lasser par la répétition des coups, des conquêtes ou des accès de violence. Même le tableau qu’il brosse de son personnage bénéficie de cette manière d’aller droit au but en le dispensant de tout maniérisme et de toute surenchère. Très simplement, chaque scène apporte une vision parcellaire de Jacques Mesrine qui vient s’ajouter à celle de la scène d’avant, formant peu à peu une image imparfaite et changeante où l’on retrouve à la fois l’intelligence, la cruauté, le charme, les explosions de colère, la sincérité, la séduction et les idées nauséabondes. Dans cette première partie, il n’est ni un héros ni une victime, mais un être humain entier capable, à l’image de n’importe qui, de se comporter comme le pire des salauds et le plus distingué des gentlemen. Richet montre bien qu’au moment où s’achève le premier film, il n’a pas encore tout à fait atteint sa dimension mythique. Son escapade canadienne, quoiqu’ elle lui apprenne beaucoup sur la nature humaine et sur lui-même, n’est en fait qu’une répétition de ce qu’il tentera de reproduire en France. En germe, on trouve déjà ce côté hableur, mieux développé dans le second volet, qui le pousse à sourire devant les objectifs, et ce jusqu’au-boutisme qui deviendra peu à peu sa règle : dehors ou mort.

L’instinct de mort nous présente en quelque sorte une chrysalide sur le point de se transformer : tous les ingrédients de départ sont réunis, il n’y a plus qu’à attendre pour savoir ceux qui subsisteront, et en quelles proportions. C’est la même chose pour Vincent Cassel qui s’empare de Mesrine avec une certaine retenue et progresse crescendo sans jamais tout donner, car se ménageant une marge de progression pour le deuxième volet. Pour autant, il est impeccable, parvenant à être juste dans la légèreté comme dans la violence la plus brutale. Qu’il s’agisse de sa prestation ou du film lui-même, on perçoit la subtile montée en puissance, l’annonce d’une suite où toutes les émotions contenues exploseront, mais sans avoir le sentiment que ce premier volet ne serait qu’une introduction ou une longue succession de scènes d’exposition. C’est au contraire une œuvre à part entière, étonnamment bien équilibrée, et qui place la barre très haut pour la deuxième partie.
 
MpM

 
 
 
 

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