Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Le mépris


France / 1963

27.12.1963
 



LE FILM QU'ON NE PEUT PAS NE PAS AIMER





Un film de Godard, c’est un film singulier. C’est un autre regard posé sur le cinéma et un autre posé sur la vie à travers l’œil du cinéma. Un Godard, ce n’est pas un film qui se voit mais un film qui se vit. Et Le Mépris ne fait pas figure d’exception, bien au contraire. Dès l’ouverture, le cinéaste français se démarque. Le générique n’apparaît pas à l’écran, il est dicté par Godard lui-même, suivi d’une citation d’André Bazin (célèbre critique des Cahiers du cinéma et père spirituel de François Truffaut). Et d’ailleurs Jean-Luc Godard est un peu comme Truffaut. Tout deux ont longuement observé le cinéma pour pouvoir faire le leur. Amoureux des grands maîtres, ils leur rendent souvent hommage tout en faisant leur cinéma. Godard n’oublie jamais de remercier ses Pères tout en traçant sa voie. Une voie nouvelle et presque inédite.

Le mépris permet à Godard de livrer son avis sur un certain cinéma et sur la vie. La vie mêlée au cinéma. Le cinéma par la vie. La vie par le cinéma. Les décors de cinéma sont là (de la villa de Capri aux studios de Cinecittà) mais ils ne sont là que pour emprisonnés les personnages face à eux-mêmes. On a parfois l’impression d’une grande tragédie grâce à la musique de Georges Delarue. Une tragédie existentialiste où des êtres humains ne se comprennent pas, ou plus. Ils ne font que parler mais cela ne veut rien dire. Leurs paroles se brisent dans leurs regards perdus. Leurs voix retentissent sans obtenir de réponses. Le drame est là. Ils ne se comprennent pas ou plus. Les amoureux ne se comprennent plus parce que l’un a déçu l’autre. Le producteur et le réalisateur ne se comprennent pas, et Godard soutient le réalisateur bien entendu. Leurs discussions autour de L’Odyssée d’Homère ne sont que foutaises. Fritz Lang a raison, à quoi bon vouloir dénaturer cette œuvre ? A quoi bon vouloir absolument lui donner un sens contemporain et donc plus moderne ?
Godard travesti tout pour mettre ses personnages sous les projecteurs de la vérité. Michel Piccoli imite Dean Martin, Brigitte Bardot se coiffe d’une perruque brune (clin d’œil à Anna Karina ?). Ses deux « héros » se mentent pour ne pas voir que tout va de travers. Seule la musique nous conduit peu à peu vers ce dénouement tragique. La caméra de Godard semble les effleurer tous ces protagonistes. Comme si elle était extérieure à tout ça, parfois étrangère, mais parfois un peu voyeuriste. Elle suit leurs déplacements d’une façon douce et lente. Le mépris cache derrière ses lents mouvements de caméra le lourd poids du drame. Le monde moderne ne sait trop où aller. Paul (Michel Piccoli) ne sait quel choix faire, sacrifier sa carrière pour le bonheur de Camille (Brigitte Bardot) ou bien assumer ses désirs et compromettre le bonheur de cette dernière. Le producteur Jérémy Prokosch (Jack Palance) est un tyran, archétype du producteur de cinéma qui veut asservir le réalisateur. Seul Fritz Lang semble sortir indemne. Jean-Luc Godard ne le juge pas, il ne le martyrise pas. Il lui donne raison et s’agenouille presque devant son savoir et devant son cinéma. Car Fritz Lang s’est toujours battu pour remettre l’art au premier plan, même lorsque les producteurs américains lui imposaient des œuvres commerciales. Et c’est dans un sens ce que fait Godard avec ce film.

Ainsi, Godard tourne le reflet d’une époque de changement avec ses perditions, ses hésitations, ses doutes et ses erreurs. Le couple Piccoli/Bardot et ses engueulades restent dans nos têtes, avec en fond le célèbre thème musical de Georges Delarue. Et résonne encore cette phrase « je te méprise Paul ». Une phrase si dure, si cruelle mais si franche, si entière. Une phrase qui résume bien l’effet du Mépris. Un effet inattendu mais impérissable.
 
Benjamin

 
 
 
 

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