Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Dream (Bi-mong)


/ 2008

24.03.2010
 



LA VIE REVEE DES SONGES





"Tout le monde tue dans ses rêves."

La plupart des films de Kim Ki-duk pourraient s’appeler Dream, tant son œuvre toute entière s’attache à démontrer que la frontière entre le rêve et la réalité est floue et perméable. Classiquement, ses personnages évoluent comme du hors du temps, voire hors du monde, du jeune homme mutique de Locataires au moine de Printemps, été, automne, hiver… et printemps, en passant par le condamné à mort de Souffle ou à la jeune femme mystérieuse de L’île. Pas étonnant, donc, si Jin, le héros de Dream corrige le cours de sa vie à travers ses songes et entraîne le spectateur dans une torpeur semi-éveillée où il ne distingue plus le vrai du faux. Ce faisant, il contamine également une jeune femme inconnue, Ran, qui prise de crises de somnambulisme, exécute pendant son sommeil les actions rêvées par Jin.

Reliés par ce mécanisme psychique insaisissable, les deux personnages deviennent explicitement les deux faces d’une seule et unique personne, un être hybride qui dépasse les frontières de son propre corps pour littéralement vivre ses rêves. Il est ainsi offert à Jin la possibilité unique de transgresser les frontières de son inconscient, d’explorer ses craintes et ses désirs en vivant par procuration les excès fantasmés par son cerveau. Pour lui, le fameux passage à l’acte auquel se substitue généralement le rêve est alors dépouillé de tout complexe, de tout embryon de morale, puisqu’il n’a à en subir aucune conséquence. Au contraire, la malheureuse Ran devient une marionnette privée de conscience et de libre-arbitre bien qu’elle soit la seule à agir, et à risquer gros. Car si l’on n’est pas responsable de ses rêves, on l’est de ses actes.

On retrouve bien ici le cynisme, on pourrait presque parler de sadisme, dont Kim Ki-duk fait preuve à l’égard de ses personnages, coincés dans un engrenage surréaliste dont pas plus Jin, qui sent sur ses épaules le poids de la culpabilité, que Ran, soumise aux délires de son "double", ne peuvent se dégager. Les obsessions du Coréen n’ont pas non plus changé, qui pousse à son paroxysme le thème de la schizophrénie et de l’impossibilité, pour certains êtres, de s’adapter à la société dans laquelle ils vivent. Hormis les dialogues, bien plus présents que dans ses précédentes œuvres (sans que cela ne soit pas forcément une bonne chose, le film paraissant alors inutilement, voire artificiellement bavard), tous les ingrédients de son cinéma sont donc réunis, séquences chocs comprises. Ici, le cinéaste nous gratifie, presqu’en clin d’œil, de quelques tentatives réussies d’automutilations destinées à empêcher les personnages de s’endormir. Tentatives forcément vaines, car comment savoir si, à ce moment précis, ils ne sont pas justement profondément endormis, rêvant que le sommeil leur est interdit ?

Kim Ki-duk joue bien entendu sur cet aspect relativement vertigineux et perturbant de son récit. Plus l’intrigue avance, plus la mise en scène se veut onirique, perdant peu à peu tout intérêt pour la vraisemblance. La différence entre les séquences "réelles" et les séquences "rêvées" devient rapidement floue, peu évidente. Le film ressemble alors à une succession de scènes globalement identiques, où le rêveur se réveille en sursaut à la suite d’un rêve de plus en plus malsain. Et c’est bien là que le bât blesse : une fois son sujet correctement exposé, le cinéaste peine à aller au-delà de ce mécanisme plutôt répétitif. Seul un détour par le temple apporte une parenthèse symbolique et apaisante, puis l’on replonge dans la stupeur volontairement confuse. Est-ce volontairement si l’intrigue finit par tourner en rond, ou Kim Ki-duk a-t-il perdu une partie de son emprise sur nous, à force de réaliser des films qui ne parviennent plus vraiment à nous surprendre ? Quoi qu’il en soit, on a l’impression tenace, en sortant de Dream, que le cinéaste n’a rien de vraiment neuf à raconter, même s’il n’a rien perdu de sa capacité à le dire avec brio.
 
MpM

 
 
 
 

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